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FRÈRE FRANÇOIS COMPARAT

(Seconde partie de l’entretien)
Dans tout ce que tu m’as dit, j’ai l’impression que beaucoup de choses sont liées à des rencontres ?
Oui, tout à fait, tu as raison, c’est cela, c’est la rencontre… J’ai rencontré le Christ et cela a changé ma vie. Et puis j’ai rencontré des personnes qui avaient besoin d’être aidées sur le plan humain, professionnel, administratif. Aujourd’hui, je les écoute parce qu’on a créé une amitié. Ils sont musulmans, chrétiens, athées… peu importe… Alors je passe beaucoup de temps à écrire. Tous les matins, je me lève très tôt, à 4 h, et pendant une heure et demie environ je réponds à mon courrier sur Internet. C’est du courrier très basique, Facebook, WhatsApp, Instagram, e-mails… car beaucoup de gens m’écrivent…plusieurs centaines…pas tous les jours, heureusement !

C’est un temps que tu t’imposes ou, au contraire, c’est plutôt un plaisir ?
Non, c’est un temps que j’aime bien. D’abord, parce que j’aime me lever de bonne heure et être tranquille, pendant que les frères dorment…mais je leur prépare le petit déjeuner ! J’ouvre mon ordinateur de très bonne heure. Je me lève entre 3h et 4h30. Je n’ai pas besoin de beaucoup de sommeil parce que je suis un « excité », et j’aime écrire, j’aime écrire aux gens. A 90 %, ce sont des femmes…pourquoi ? Je n’en sais rien, mais c’est comme ça. Donc, j’ai beaucoup de « copines » dans le monde entier. Dans le monde entier, de par l’aumônerie des étudiants, et parce que j’ai moi-même voyagé pour la théologie.

Et quand tu écris des textes pour la feuille de messe le dimanche, tu le fais de toi-même ou parce qu’on te le demande ?
C’est parce que le chapelain me le demande. J’ai beaucoup de choses, non plus dans la tête, mais dans l’ordinateur, sur tous les thèmes. Le plus dur c’est de ne faire qu’une page, pour répondre au souhait des frères ; mais j’ai été juriste et les juristes ont l’esprit de synthèse. Donc je ne fais qu’une page sur le sapin de Noël, par exemple, alors que sur mon ordinateur, j’en ai cinquante ! Et maintenant, à près de 80 ans, je découvre l’Intelligence artificielle ! J’y vais après avoir travaillé, mais je n’apprends pas grand-chose. Et je constate que je pense souvent comme l’IA, nous ne sommes pas en concurrence, donc tout va bien !

Tu t’occupes également de la librairie ?
Oui, j’ai été délégué par le Provincial pour travailler dans cette librairie franciscaine. Il faut aimer la lecture, bien sûr, et il faut aimer le contact avec les clients. Nous sommes tous des bénévoles, car il n’y aurait pas de quoi payer un salaire, et l’argent gagné est envoyé aux missions franciscaines. En ce moment, c’est pour Madagascar, non pas pour les frères, mais pour les pauvres dont s’occupent les frères, et c’est quelque chose qui nous motive. Nous fonctionnons par équipes de deux : deux le matin et deux l’après-midi, pour des raisons de sécurité, et surtout pour être ensemble, pour discuter…

Pourrais-tu nous parler de ton travail pour la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église) ?
C’est quelque chose qui a été douloureux. Il se trouve que quelques frères, très peu, décédés ou non, ont été des pédocriminels… Aussi a-t-il fallu ouvrir des dossiers et avoir le courage d’aller jusqu’au bout, de se mettre du côté des victimes. C’est un travail éprouvant et assez difficile à vivre. Moi, ça m’a profondément blessé, perturbé même… parce que je ne savais pas qu’on pouvait faire des « conneries » pareilles ! J’ai constitué ces dossiers parce que le Provincial me l’a demandé. Cela s’est passé dans le plus grand secret, mais en même temps dans la plus grande vérité. Peu importe les peurs, peu importe les désillusions, une victime doit être respectée jusqu’au bout, et donc ceux qui manquent de respect doivent être démasqués…Mais ce n’est pas facile à faire. Surtout quand ce sont des frères !
Je le fais par amour pour le Christ, en me disant : Jésus, lui, qu’aurait-il fait ? Bien sûr, je ne suis pas Jésus…mais pour prendre la défense d’un petit, ça me donne du courage. Disons que mon amour est plus fort que ma peur, ou que ma paresse !

Dans quelques mois, on va peut-être te demander de partir ailleurs ?
Oui, tout à fait, et je me sens très libre. Je crois que c’est cela aussi la vie religieuse, c’est le fait d’être libre, mais respectueux, également, de l’institution qui peut avoir besoin de moi, même avec mes limites. Par conséquent, j’ai toujours bougé, parce que c’était une demande qui m’était faite, que j’estimais tout à fait correcte et qui correspondait à un besoin.
En fait, j’ai toujours fait des choses auxquelles je n’avais jamais pensé, mais comme je ne pensais à rien… (éclats de rire) Voilà, je suis paresseux de nature, mais obéissant par vocation.

Pour conclure, on peut dire que tu es quelqu’un de « paresseux », passionné par la rencontre des autres et qui a fait beaucoup de choses malgré lui, mais en est très heureux…
Oui, j’ai une vie heureuse, très heureuse. Je sais que le Christ m’aime comme je suis, ça me rassure. La théologie m’a beaucoup aidé, la théologie ça embellit la vie ! La connaissance de la spiritualité, de la prière… Et puis la connaissance des autres, aussi. On apprend à fréquenter d’autres opinions, d’autres personnes, à être respectueux d’autres croyances…et ça va bien avec la paresse parce qu’on s’engage un peu moins. Je ne dirais pas que tout équivaut à tout – tout n’a pas la même valeur – mais on est dans un monde très diversifié et les gens qui ne pensent pas comme moi, ça ne me gêne pas. Je suis assez paresseux pour rester dans mon trou, tout en les aimant.
Ma spiritualité c’est celle du bouchon de liège : il flotte sur l’eau, il ne sombre jamais, mais il va là où on l’emporte, ce n’est pas lui qui choisit…et moi, ça me va bien. J’ai changé de communautés à de nombreuses reprises, parce qu’on me le demandait, et ça ne m’a jamais posé de problèmes. J’ai toujours été comme cela…et donc je suis vieux, mais heureux de vieillir…

Propos recueillis par Pascale Clamens-Zalay, le 7 janvier 2025

La première partie de cet entretien a été mise en ligne sur notre site au mois de février.

frère François Comparat

Pour commencer, François, pourrais-tu nous retracer ton parcours ?
Je suis le frère François, lyonnais d’origine. J’ai bientôt 80 ans et cela fait plus de cinquante ans que je suis chez les frères mineurs. Avant d’être franciscain, j’étais étudiant, skieur, alpiniste…et puis un beau jour, à Taizé, j’ai découvert la prière en français – chez nous c’était encore en latin – ça m’a beaucoup plu…c’est ainsi que cela a commencé et ça a pris des années…
Il faut dire que je suis d’une famille nombreuse, huit enfants, donc le mouvement, le groupe, le service, je connaissais. J’ai fait aussi du scoutisme, et au lycée, comme à la fac, j’étais au Bureau des élèves. Par conséquent, j’ai toujours été habitué à vivre avec d’autres, à partager avec d’autres. Et c’est une des raisons pour lesquelles j’ai choisi la vie religieuse : pour vivre à plusieurs.
J’ai d’abord terminé mes études, à caractère juridique. Et j’avais presque 25 ans quand je suis rentré dans l’Ordre. Là, je n’ai pas voulu faire de théologie car j’en avais un peu assez des études !
Alors, j’ai passé un CAP de maçon, et j’ai été ouvrier pendant près de 3 ans. Non pas par amour de la maçonnerie, mais par amour des ouvriers étrangers qui travaillaient dans le bâtiment, parce que c’était un milieu que je ne connaissais pas, moi qui étais issu de la bonne société. Je voulais être avec les étrangers de l’époque qui étaient des maghrébins – c’était après la guerre d’Algérie – mais j’étais très mauvais comme maçon !

Pourquoi as-tu choisi d’entrer chez les frères mineurs ?
J’ai choisi les frères mineurs presque par hasard, tout simplement parce que j’ai rencontré un Franciscain « sympa »… j’aurais pu être Dominicain, Assomptionniste, Salésien…mais j’ai croisé sur ma route un frère qui m’a aidé, qui m’a compris et qui m’a accompagné. Alors, je me suis dit : pourquoi pas ?
Et je n’ai jamais souhaité être prêtre. D’abord parce que Saint François ne l’était pas. Ensuite, ce qui m’intéressait c’était le mot « frère » et la fraternité, et je ne voyais pas pourquoi être autre chose. L’Église m’agaçait un peu, parfois, et je la trouvais trop formaliste. J’étais plus proche d’un Évangile au ras des pâquerettes. J’ai toujours voulu être en relation avec d’autres, être parmi les autres.
Après avoir été maçon à Grenoble, j’ai participé à la fondation d’une petite communauté dans le Lubéron : Grambois. J’y ai travaillé comme ouvrier agricole. Mais un beau jour, le boulanger du village est venu à la communauté en disant : « Ma femme est malade, est-ce qu’un frère pourrait la remplacer pendant quelques jours? » J’y suis allé… et j’y suis resté deux ans et demi ! Tout cela s’est fait par hasard.
A Grambois, puis à Lyon, j’ai fait des études de théologie. Au début, je n’y tenais pas trop, car ce qui m’intéressait, moi, c’était l’action avec les plus simples. Mais les frères ont insisté, alors, j’ai fait de la théologie. Finalement cela m’a beaucoup plu, et plus tard je suis devenu professeur de théologie. Pendant que j’étudiais, le recteur de la Catho de Lyon m’a demandé si je pouvais remplacer un aumônier durant 2 à 3 mois. J’ai accepté et cela a duré 30 ans, entre Lyon, Avignon et Strasbourg. Quelques années après, en Avignon, c’est un professeur de théologie qui était malade et qu’il a fallu remplacer. J’avais les diplômes pour, j’ai donc donné mon accord. C’était pour 3 mois, et j’y suis resté, là aussi, 30 ans ! A chaque fois les choses se sont faites par hasard, et parce qu’on m’a sollicité.
J’ai beaucoup bougé aussi, j’allais là où on me demandait d’aller. Je crois que j’ai vécu dans 13 ou 14 communautés différentes, où j’ai été pendant de nombreuses années membre de l’équipe de formation.

C’est drôle, dans ton parcours tu as fait beaucoup de choses, mais pas forcément par choix personnel au départ ?
Non, mon choix, ça a été la vie religieuse, et ça c’est un choix vraiment très fort. J’ai d’ailleurs commencé par regarder du côté de La Trappe, à Tamié, parce que je cherchais une vie communautaire. Les moines m’intéressaient pour cette raison. Mais j’ai réalisé que j’adorais parler, et que j’aimais bien prier, mais pas trop… J’ai découvert alors qu’il existait une vie religieuse apostolique, et c’est vers elle que je me suis orienté, pour pouvoir continuer à parler, à bouger, à rencontrer du monde. J’en avais besoin parce que j’étais un « excité de première » ! Et je suis devenu Franciscain parce que j’ai rencontré ce frère. Je n’avais jamais lu les Écrits de saint François, et je ne les ai lus que beaucoup plus tard. C’est la vie franciscaine qui m’a formé. Moi, je n’ai eu simplement que le désir d’être à plusieurs. C’est un peu pour cela aussi que je n’ai jamais souhaité être prêtre parce que j’aimais bien être au milieu des autres, voilà, c’est tout.

Et pourquoi les frères t’ont-ils demandé de faire des études de théologie ?
C’était pour ma foi. Les frères m’ont dit qu’il fallait que j’approfondisse ma foi, et donc l’Écriture sainte, la pensée de l’Église, le Credo…et moi je me disais : « Oui, oui, je veux bien…mais pas plus…pas trop ! » Or, les études de théologie m’ont beaucoup plu ! Un peu bizarrement, elles m’ont transformé !
Donc j’ai beaucoup enseigné, j’ai été professeur de théologie en Avignon, à Lyon, à Paris, à Strasbourg, et même, mais de façon irrégulière, à Kinshasa, à Tananarive, en Thaïlande… J’ai beaucoup enseigné, mais, à chaque fois, parce qu’on me l’a demandé, et à chaque fois j’ai été content de le faire. Et pourtant, je ne demande rien, j’aime bien ne rien faire, je suis très paresseux en fait…Un ancien provincial disait : « François, c’est un paresseux qui travaille ». Alors, je travaille beaucoup, mais quand je ne fais rien, je suis encore mieux ! J’adore ne rien faire ! (éclats de rire)

Tu parlais également du souci des plus pauvres, d’être au milieu d’eux…
A la fin de mes études, je n’avais pas très envie de travailler, j’étais plutôt attiré par l’activité communautaire. Je me voyais mal cadre supérieur. Donc l’Église m’a attiré car elle me permettait d’échapper à cette emprise d’efficacité professionnelle. Je cherchais un peu plus de gratuité, un peu plus de temps libre, je cherchais le contact avec les autres, et pas simplement une réussite professionnelle.
C’est pourquoi l’aumônerie étudiante m’a bien plu, et c’est pourquoi je me suis aussi occupé d’étrangers et de migrants. L’action est une chose, mais moi j’aimais surtout être le frère, l’ami, l’écoutant. Je n’étais pas une assistante sociale, j’étais là seulement pour écouter.
Et je rends grâce à Dieu car beaucoup de gens sont venus me voir alors que je ne m’estimais pas capable de les recevoir. Ils voulaient simplement parler… Aujourd’hui, je fais beaucoup d’accompagnement humain et spirituel, je n’ose pas dire « direction spirituelle » parce que je ne dirige personne.

A côté de tout ce que tu fais actuellement, tu es aussi écrivain public ?
Oui. Ayant fait un peu de droit, j’ai travaillé dans une association qui accueillait des migrants. Mais je n’étais pas un bon juriste, c’est l’accueil gratuit qui me convenait, et c’est ce que j’ai fait. Puis j’ai été nommé à Strasbourg, et là-bas j’ai continué à voir des étrangers, mais hors cadre associatif. Je me suis contenté d’être leur ami, un écoutant, et je suis devenu écrivain public. Car ces personnes, au bout de quelques années, parlaient bien français, mais l’écrire c’était autre chose. Beaucoup de gens sont venus me voir pour que je corrige leurs lettres ; aujourd’hui encore, parce qu’ils en parlent entre eux. Je suis un « écrivain public privé », c’est à dire que ce sont les gens qui font la démarche, qui viennent me chercher.

Et pour toi c’est important de maintenir l’équilibre entre ce souci des plus pauvres et un côté plus intellectuel ?
La théologie, pour moi, c’est d’abord une proximité avec l’Écriture sainte, et j’espère avec le Christ, et tout le reste s’explique à travers cela. C’est par amour de l’Évangile que je suis capable d’écouter des gens qui ne pensent pas comme moi, qui ne croient pas comme moi, qui croient autrement…ça ne me gêne pas parce que l’Évangile est premier.

Propos recueillis par Pascale Clamens-Zalay, le 7 janvier 2025
La seconde partie de cet entretien sera mise en ligne sur notre site au mois de mars.

Profession solennelle de sœur Denise-Marie, clarisse de la communauté de Cormontreuil

Le deuxième dimanche de l’Avent sœur Denise-Marie a prononcé ses vœux définitifs dans les mains de sœur Alice-Anne, abbesse des clarisses de Cormontreuil.

Cette femme de 71 ans, après un parcours compliqué, a trouvé son port d’attache. Elle vit dans la communauté de Reims depuis 6 ans. Elle dit combien elle y est heureuse. Comme quoi il n’est jamais trop tard !
Libanaise, c’est tout un pays qu’elle emporte avec elle. Et la célébration toute joyeuse fût-elle, était traversée de toutes les souffrances de tant de pays.

Deux heures 30 de célébration ! Et pourtant, plusieurs personnes ont affirmé que cela ne leur avait semblé ni long, ni ennuyeux.
La beauté des chants, l’harmonie des gestes et la qualité de la liturgie ont donné du rythme à cette Eucharistie. Comme quoi la longueur d’une célébration n’est point le seul critère !

Entendre le « oui » définitif d’une personne me touche chaque fois. Cela m’invite à ne pas tomber dans la superficialité mais à vivre à un autre niveau le sens de mon existence…

Frère Michel Laloux, ministre provincial

Une histoire de visites … et de VisitationHommage à nos aînés

La doyenne de notre fraternité a connu, il y a peu, la grande émotion de fêter un siècle de vie sur cette Terre, entourée de toute la fraternité. Nous avions d’un commun accord décidé que, si elle ne pouvait plus venir à la fraternité, c’est la fraternité qui irait à elle !

Bien nous en a pris, la réunion fut chaleureuse et joyeuse au possible : prières et chants de Noël (la fête avait lieu mi-décembre), ainsi qu’un délicieux gâteau préparé par le chef cuisinier de l’Ehpad, accueil sympathique du personnel, … quelques larmes de notre centenaire en découvrant sa fraternité au complet, la frat, à laquelle elle tient toujours autant. Emotion partagée par les participants, dont certains n’avaient jamais rencontré notre douairière …. Et la tristesse de se quitter en fin d’après-midi.

Un peu d’histoire …. Notre fraternité vieillissante s’était étiolée au fil des ans, puis avait rejoint le groupe avec lequel nous partagions déjà le repas de midi lors des réunions mensuelles tenues au couvent des frères franciscains de Fontenay/Bois. Elle gardait cependant son identité et un échange de bonnes pratiques s’était mis en place au sein de cette nouvelle fraternité.

Bonnes pratiques transmises par nos aînés bien sûr. Dans nos fraternités, mais aussi dans nos familles, dans les cercles d’amis, les groupes paroissiaux… « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » demandons-nous à la suite du Christ

En fraternité : visite des frères et sœurs malades ou esseulés, envoi de cartes signées de tous à celles et ceux qui ne peuvent plus se déplacer pour venir aux rencontres fraternelles, durant des années, sans attendre de réponse.
C’est un vrai plaisir de recevoir ces cartes lorsqu’on est malade. Le groupe est alors présent près de nous, et nous toujours présents en fraternité.

Nos aînés nous ont si bien montré le chemin, dans la bonté et la simplicité franciscaines ! Douceur des rencontres où chacun bénéficie d’une écoute sans jugement, de l’accueil et du service fraternels dans les toutes petites choses comme dans les grandes difficultés de la vie. Nous continuons dans le même esprit, c’est une façon de leur rendre hommage.

Combien de fois, lors des partages de vie, avons-nous entendu chacun des membres de notre fraternité, donner tranquillement et simplement des nouvelles de personnes visitées, accompagnées dans leur vie quotidienne, aussi bien en juillet sous le soleil (« cela a été un peu fatigant par cette chaleur … » disait en souriant notre doyenne déjà âgée de 80 ans) qu’en hiver par un froid appelant à rester bien au chaud dans son salon.

Un joli souvenir : lors d’une réunion de fraternité, l’une de nos aînées a ressenti un malaise, elle a été conduite aux urgences par trois ou quatre d’entre nous. L’agent d’accueil, établissant la fiche de renseignements, prenait les coordonnées de la famille de notre amie, et se tournant vers nous, demanda avec étonnement qui étaient toutes ces personnes. Réponse immédiate et logique : « vous savez, nous sommes une fraternité ! »

Une fraternité de globe-trotters ? Vous connaissez certainement autour de vous un type de globe-trotteurs en maraude de jour et de nuit, des visiteurs à l’hôpital, à domicile, en maisons de retraite. L’accueil est souvent chaleureux ; parfois la maladie ou l’amertume rendent les personnes un peu agressives, mais qu’importe ! La visite peut être, malgré les apparences, appréciée, surtout entre membres d’une même fraternité !

« Parfois je me demande qui visite l’autre » (extrait de la brochure du Service de la Pastorale de la Santé du diocèse de St-Denis (janvier 2021)

« Dès lors que nous acceptons d’accompagner les personnes là où elles sont, nous faisons route avec elles, dans une attitude de compagnonnage où chacun devient Révélation pour l’autre. C’est le Seigneur qui nous attend chez les plus fragiles. Alors il est bien possible que sur les chemins -souvent inattendus- que peuvent prendre nos accompagnements nous faisions l’expérience d’une grâce capable de nous réchauffer le cœur et de le transformer. »

« La joie profonde de la mission de l’aumônier est de découvrir que Dieu nous adresse une parole de consolation et de Vie à travers des hommes et des femmes marqués par la maladie, la souffrance, le deuil. Le Pape François nous invite à entendre « la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous révéler à travers eux (les plus fragiles).

« Être visiteurs, nous rend alors témoins de la lumière du matin de Pâques en plein milieu de la nuit, grâce à tous ceux avec lesquels nous avons cheminé. Chaque visite est comme un nouvel appel à suivre le Christ et à demeurer en lui. »

Anne Ednani, de la fraternité St François de Fontenay

La prière

Témoigner de ma prière ? Pas facile si l’on songe qu’il s’agit du plus intime de notre vie mais l’Esprit Saint aidant, je vais tenter de mettre des mots sur cet indicible. Deux petits points en préambule si vous voulez bien parce qu’ils me semblent essentiels :

Tout d’abord, je vous parlerai en simple chrétienne (pour la partie personnelle) et non pas en « spécialiste » de la prière comme on le pense trop souvent des religieux(ses) en général. En effet, prendre du temps chaque jour pour prier a changé ma vie de chrétienne alors même que je ne pensais pas le moins du monde entrer dans un monastère. En second, se poser une question : quelle image de Dieu avons-nous au fond de notre cœur ? Pour un chrétien/ne, il ne peut y en avoir d’autres que celle dévoilée par Jésus : le Dieu de la Bible, notre Dieu et Créateur, est amoureux de nous, Il est fou de nous, de chacun d’entre nous, et la passion d’Amour qui L’anime entoure chacun en particulier mais débouche immanquablement sur tous nos frères/sœurs en humanité : Notre Dieu appelle Abraham seul mais en disant qu’en lui « seront bénies toutes les familles de la terre ».

Alors…qu’est-ce que prier pour moi ? C’est respirer Dieu. C’est prendre un temps d’absolue gratuité pour Lui. Est-il un amoureux qui me convaincra que prendre du temps pour l’autre est facultatif ? Non ! Il peut faire noir dans mon cœur ou couleur de soleil. Je peux « sentir » quelque chose ou non (attention à la recherche de sensations, ça peut être piégeant). Je peux bien m’appuyer sur un texte inspirant (Parole de Dieu, prière…) ou non ; ce qui prime avant tout, c’est ce temps que je Lui donne, à Lui qui est ce Dieu mendiant, continuellement à la porte de mon cœur, espérant…mais oui, espérant qu’une porte s’ouvre, que je vais Lui donner un peu de temps et qu’Il pourra me combler comme Il le désire ( les plus grands dons ne sont pas ceux qu’on « sent »). Je sais que ces moments de prière, surtout celui du matin, raniment en mon cœur comme un feu, celui de mon désir de Lui. Quand j’ai pris ce temps, il me suffit dans la journée d’un regard, une invocation, un appel au secours…qui sont autant de menus bois, propres à entretenir ce feu. Je n’en dis pas plus car, pour le reste, « Dieu enseigne la prière à Celui qui prie » (St Jean Climaque) mais j’aime me souvenir qu’on entendait St François balbutier : « Toi…Toi…Toi… » puisqu’il est bien vrai que « Devant Toi, ma bouche est muette et mon silence te parle » (du livre « L’imitation de Jésus Christ »).

Et en communauté ? Nous avons en effet un temps rythmé par les offices que je vis comme le ferait un veilleur, une sentinelle responsable de la sécurité de son lieu de vie, c’est-à-dire pour nous, de la terre entière. Notre prière rejoint celle de tous les monastères, des religieux/ses mais aussi de tous les chrétiens et même de tous les croyants de bonne volonté. Contrairement à la prière personnelle, je ne choisis pas les textes car il s’agit de la prière de l’Église, essentiellement des psaumes. Certains jours, ils sont en accord avec ma météo intérieure, à d’autres…pas du tout mais je les prie avec tous les enfants de Dieu qui sont en phase ou avec ceux qui n’ont même plus la force de les dire ou de les penser. Qu’importe ! Il y a au profond de l’humanité une nappe phréatique qui crie vers Dieu ses joies et ses souffrances. Nous sommes intimement liés les uns aux autres dans une communion qui m’émerveille quand j’en prends conscience. Des distractions ? Lorsqu’elles sont là malgré ma bonne volonté, je reviens au Seigneur et Lui donne la joie de mes retours comme l’a fait l’enfant prodigue de la parabole. Je lui dis tout bas : « Jésus, je n’en fais pas d’autres, pardon ! ». Quand il n’y en a pas, c’est que le Seigneur s’en est mêlé mais « nous n’y sommes pour rien » dit St Paul. Avec quelle joie je Lui dis merci !

Pour clore, je fais miens les mots du père André Sève qui disait en son temps : « la prière est un rendez-vous d’amour ou elle n’est pas »
Vite ! Prenez date !

Une soeur clarisse de Cormontreuil

Ressenti Personnel par rapport à mon parcours de formation qui s’est déroulédu 14 octobre 2023, au 25 mai 2024.

Ce document concerne uniquement mon ressenti et surtout les résonnances spirituelles personnelles éprouvées tout au long de ce parcours de formation Il n’engage que moi et non mes formateurs que je remercie et pour lesquels j’ai la plus grande gratitude.

Chemin de conversion de St François,
Le début de sa vie était banal, celui d’un fils de riche commerçant. A quel moment a eu lieu le point de bascule ? Pour moi je le ressens profondément au moment de son baiser au lépreux. Il n’a pas embrassé un lépreux mais les plaies du Christ, il a serré dans ses bras le Christ agonisant, il a partagé et vécu sa souffrance. Il a été touché en plein cœur. A partir de cet instant plus rien n’a été pareil pour lui, cela a changé le cours de sa vie, et il m’entraîne avec lui. La croix n’est plus pour moi seulement un symbole de mon appartenance à la foi chrétienne, mais c’est un symbole de changement, de conversion et d’amour. Le passage obligé pour mourir à mes propres erreurs et ressusciter à une vie nouvelle dans l’amour du Christ, dans l’amour de Dieu, de toutes ses créatures et de toute la création.

Les balises sur son chemin de conversion : l’Humilité – la Pauvreté- la Fraternité

L’humilité de St François selon l’évangile demande une conversion ce n’est pas se dévaloriser, ni manquer de confiance en soi, ni avoir des complexes d’infériorité, c’est convertir notre instinct de domination en volonté de service, avoir présent dans notre cœur le souci de SERVIR Dieu, de SERVIR l’Autre, car dans l’Autre Jésus m’attend. C’est cesser d’avoir un sentiment de culpabilité qui agit sur moi comme une contrainte lorsque l’autre ne correspond pas à mon idéal de perfection. Je dois accepter avec humilité mes propres limites.

La pauvreté selon St François, ce n’est pas demain me déguiser en mendiant et faire la manche. La pauvreté selon St François s’inspirant de l’évangile c’est la conversion de notre instinct de possession en gratitude pour le Don de Dieu dont je suis le gardien, le gestionnaire. Rien ne nous appartient, même nos inventions sont pour rendre grâce à Dieu et pour aider la création. Etre conscient que rien ne nous appartient cela ne veut pas dire que nous ne devons pas faire fructifier nos dons pour, comme dans l’Évangile, rendre à Dieu plus qu’il nous a confié.
Cette Pauvreté selon St François me rend libre, il n’y a plus d’attaches terrestres seulement le désir de m’enrichir spirituellement.

La Fraternité selon St François et l’Evangile, ce n’est pas, aller uniquement vers ceux qui me ressemblent c’est convertir mon instinct de sélection, d’exclusivité, en attitude bienveillante pour tous, sans rejet, sans jugement, car tous sont mes frères en Jésus-Christ. Nous sommes tous frères car nous avons tous le même père.

Grâce à cette formation je suis sur ce chemin de conversion qui m’amène vers la paix, le détachement et la joie intérieure. Sur ce chemin où l’on pardonne, où l’on se pardonne : les réminiscences, les si j’avais su, les j’aurais dû, pourquoi je n’y ai pas pensé plus tôt. Enfin m’en remettre à Dieu en toute humilité, en prenant conscience et en acceptant mes propres limites.
Ressentir la paix, la joie intérieure, être unie à mon créateur dans sa création universelle.

Jacqueline, fraternité Saint François de Fontenay-sous-Bois

Rencontre régionale des fraternités franciscaines de l’est parisien.

On nous avait annoncé : le 16 juin journée festive au couvent des Franciscains à Paris !
Faire la fête dans l’esprit de Saint François dans cette ambiance morose qui baignait la France ces derniers jours, ça ne pouvait que donner du soleil au cœur, même si la pluie nous accompagnait ce matin-là.
La journée a commencé par un mime orchestré et filmé par Guillaume, sur un passage de la vie de Saint François. La prestation n’aurait sûrement pas eu un prix de théâtre mais elle nous a donné beaucoup de joie.

Lors de la messe concélébrée par plusieurs prêtres franciscains, notre prière s’est laissée envelopper par la lumière chaude des magnifiques vitraux de la chapelle. Une visite de la chapelle était prévue l’après-midi par le frère Jean-Baptiste Auberger : malheureusement cela n’a pas été possible…raison pour refaire, bientôt une rencontre des fraternités au couvent Marie Rose !
Heureusement, l’atelier danse du frère Michel Laloux, bien qu’écourté, nous a permis d’exprimer beaucoup de joie.
Même si nous avions vécu l’esprit franciscain lors de l’apéritif et du repas partagés, une intervention sur ce thème, par le frère Joseph, fut la bienvenue : on s’enrichit toujours plus et il est bien de remettre « sa pendule à l’heure ».
Avant la prière finale, frère Alejandro nous a fait découvrir le « Poulailler », en paroles et par la visite d’une petite maison, logée au fond du jardin du couvent. C’est un lieu simple et convivial où des étudiants et jeunes professionnels se retrouvent dans la joie, pour échanger sur des thèmes de leur vie, aidés par deux frères, à la lumière de Saint François…et bien sûr on y « picore » lors des repas partagés.
Merci Seigneur pour ce moment de soleil (malgré la pluie à l’extérieur !) qui nous redonne de l’énergie pour continuer le chemin de la Vie.

Claudine Garcia, fraternité Saint François, Fontenay-sous-Bois.

Pèlerinage à Assise

Un rêve ancien que d’aller à Assise. Pourquoi ? A vrai dire, difficile de savoir. Souvenir de la prière attribuée à Saint-François, que ma mère nous faisait réciter le soir ? Souvenir bien vague de ce fils de bonne famille recherchant le calme dans une petite église en ruine près d’Assise où il y avait rencontré Dieu?

J’ai eu le plaisir de découvrir Assise dans le cadre d’un pèlerinage organisé du 9 au 15 avril à l’initiative de frère Joseph Banoub, Assistant régional de la fraternité séculière de l’Est francilien. Il fut notre accompagnateur spirituel et célébra chaque jour la messe avec nous, soit dans l’enceinte des lieux visités, soit dans la chapelle de la Casa Francesca.

Crédit Photo L. Pham Van

Nous étions une quinzaine de personnes issues de fraternités de la région parisienne. Le groupe dégageait un sentiment de sérénité et de bienveillance qui a participé à la réussite de ce pèlerinage.
Le soleil a été à nos côtés pendant tout le séjour, et nous avons été hébergés à la Casa Francesca chez les sœurs franciscaines dont l’accueil, la gentillesse et la joie de vivre nous ont laissé un bien agréable souvenir.

Frère Joseph fut un accompagnateur spirituel très présent auprès de nous mais également notre guide. Fin connaisseur du franciscanisme, il nous a menés à Assise, et hors d’Assise, dans des hauts lieux de la spiritualité franciscaine que l’on ressentait fortement imprégnés de la présence de Saint François.

A ASSISE, la visite des principaux lieux liés à la conversion de François fut particulièrement émouvante.

Crédit Photo P. Clamens-Zalay

Le premier fut le sanctuaire de Saint Damien, entouré d’oliviers et de cyprès. C’est dans l’église de Saint Damien que François entendit une voix venue du crucifix lui dire : « François, va et répare ma maison qui, tu le vois, tombe en ruine ». C’est également dans ce lieu qu’après s’être consacrée à Dieu, Claire vécut modestement jusqu’à sa mort.
C’est là aussi que François composa le CANTIQUE DES CREATURES.
Après la messe, sur la terrasse ensoleillée, Frère Joseph nous récita le CANTIQUE DES CREATURES, « le plus beau morceau de poésie religieuse depuis les Evangiles », selon Renan.
C’était touchant de l’entendre en ce lieu où François le composa un an avant sa mort.

Crédit Photo P. Clamens-Zalay

Moins intime, mais à la mesure de la renommée mondiale de Saint François, la basilique Saint François. Nous y sommes arrivés suffisamment tôt le dimanche matin ce qui nous a permis de nous recueillir devant le bien triste tombeau de Saint François puis de contempler, dans la basilique inférieure comme dans la basilique supérieure, d’admirables fresques, notamment des fresques de GIOTTO, qui donnent une merveilleuse image picturale de la vie de Saint François.

Hors d’ASSISE, nous avons visité des ermitages situés dans des lieux d’une beauté saisissante où François et ses Frères se retiraient pour prier et méditer.
Devant ces lieux resurgissait l’émotion ressentie des années auparavant en découvrant ces quelques lignes de Barrès sur la Colline de Sion : « il est des lieux où souffle l’esprit. Il est des lieux qui tirent l’âme de sa léthargie, des lieux enveloppés, baignés de mystère, élus de toute éternité pour être le siège de l’émotion religieuse. »
Cette émotion, on ne pouvait que la ressentir en découvrant les ermitages de l’ALVERNE, de FONTE COLOMBO ou des CARCERI.

Crédit Photo P. Clamens-Zalay

L’Alverne, édifié sur un rocher entouré d’une forêt de pins et de hêtres, où François reçut les stigmates deux ans avant sa mort.
Fonte Colombo où François se retira en 1221, en compagnie de frère Léon et de frère Bonizzo pour rédiger la Régula Bullata approuvée par le Pape en 1223.
Les Carceri, ermitage entouré de chênes, où selon le mot de François Cheng, François avait trouvé ce qu’il cherchait : « une radicale solitude où l’humain ne peut plus dialoguer qu’avec l’invisible Créateur. »
Les Carceri furent également pour nous un lieu de méditation solitaire sur la base de thèmes proposés par frère Joseph : ADMONITIONS II et XXVII; LUC 11 1-4 et LUC 4,1-13.

Emouvant aussi de découvrir la Portioncule qui est, selon le mot de saint Bonaventure, « le lieu que François aima le plus au monde ».
C’est dans cette petite chapelle qu’à la fin de l’année 1208, la lecture par un prêtre de l’Evangile selon Saint Matthieu (Mt ch 10) joua un rôle décisif, dans la conversion de François, en lui faisant découvrir sa vocation à la pauvreté.
A la suite de cette lecture, il s’écria : «Voilà ce que je veux, ce que je cherche, ce que je désire faire du fond du cœur. »
C’est aussi dans cette chapelle que Claire se consacra à Dieu en 1212 et que François rendit son âme à Dieu le 3 octobre 1226.

Crédit Photo L. Pham Van

Emouvant enfin, en entrant à Saint Ruffin, de voir les antiques fonds baptismaux où furent baptisés François et Claire puis de se recueillir, dans la basilique Sainte Claire, devant son tombeau puis devant le crucifix qui parla à François aujourd’hui conservé dans cette basilique.

Nous n’avons pas vu le loup de Gubbio mais avons bien retenu ce message des FIORETTI et notre séjour s’est terminé à Greccio par la visite du sanctuaire édifié sur l’endroit où François fêta, le 25 décembre 1223, dans une joie ressentie par tous , la naissance du Christ dans une grotte de la montagne où avait été placée une merveilleuse crèche vivante semblable à celle de Bethléem.

Les lieux visités, comme la Légende franciscaine, manifestent que pour François la vie est une circulation d’amour entre le Créateur, Dieu, et sa créature.

Sa règle de vie est donc simple : observer la parole de Dieu, qui s’est exprimée par l’Évangile, donc accepter l’Evangile dans toutes ses exigences.
Huit siècles après sa mort, Saint-François reste le Saint le plus fameux de l’Eglise Catholique. Sa popularité fait de lui une figure universelle : croyants, comme non croyants, sont impressionnés par ce «bâtisseur », par son courage, sa générosité et sa force face à l’adversité.

Cette première immersion dans les lieux où vécut François conduit à revisiter certains aspects du quotidien pour rester émerveillé devant la création du monde, pour cultiver l’optimisme, garder le cœur ouvert, voir en l’autre quel qu’il soit un frère ,ne pas imposer sa volonté aux autres, pardonner, partager… la liste pourrait être longue car le Message de Saint-François concerne tous les domaines de la vie. La mise en œuvre, même modeste, de ce magnifique Message demande une sagesse difficile à atteindre, alors que faire devant la difficulté ? Il peut être tentant de renoncer mais le Message d’Assise c’est de se mettre très humblement en chemin et d’entendre la voix du Christ.

Jean-Pierre Guéroult, fraternité Saint François, Fontenay-sous-Bois.

INTERVIEW RÉALISÉE AUPRÈS DE NOS SŒURS FMM DE CLICHY- SOUS-BOIS (3ÈME PARTIE)

Soeur Jolanta

Pour commencer, pourrais-tu, Jolanta, te présenter et nous présenter ton parcours ?
Comme mon nom l’indique, je suis polonaise. J’ai grandi dans une famille chrétienne, où le Seigneur m’a appelée, alors que je faisais des études d’infirmière. J’ai entendu dans mon cœur les paroles du psaume 45 : « Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille, oublie ton peuple et la maison de ton père. » Ces paroles, je les ai reçues pour moi, comme une invitation de la part du Seigneur. Cet appel était tellement fort que j’ai terminé mes études, et que, tout de suite après, je suis entrée chez les Franciscaines Missionnaires de Marie, que j’ai appris à connaitre tandis que je cherchais ma vocation. J’ai fait une partie de ma formation initiale en Pologne, et, par la suite, j’ai été envoyée en France…En France, où j’ai d’abord appris la langue, car je ne connaissais que quelques mots, où j’ai appris à connaître ce beau pays, mais aussi l’Église de France qui était bien différente, à l’époque, de celle de mon pays.
J’ai suivi une formation théologique à Lyon, et c’est là que j’ai fait mes premiers pas d’inculturation. Plus tard, j’ai été envoyée dans différentes communautés, en région parisienne, à Lille, à Marseille, puis de nouveau en région parisienne, à Clichy-sous-Bois où je vis actuellement.

Comment définirais-tu ta mission à l’aumônerie de l’hôpital de Montfermeil ?
L’aumônerie à l’hôpital est une mission d’Église, confiée par l’évêque. Comme pour les aumôneries dans l’armée ou dans les prisons, cette mission est encadrée par la loi de 1905. Dans ces trois lieux, l’État s’engage à permettre aux personnes de pratiquer leur religion, l’aumônerie n’étant pas réservée à l’Église catholique, et les aumôniers sont salariés par l’État. Ainsi, je suis à la fois salariée de l’hôpital et missionnée par l’Église. L’hôpital ne peut pas m’engager comme « ministre du culte » – puisque c’est mon titre exact – sans la lettre de l’évêque. Cette lettre de mission, comme le contrat avec l’hôpital, est à durée indéterminée.
Je suis salariée de l’hôpital de Montfermeil à 60 %, je fais partie à part entière du personnel, mais avec ce statut un peu à part. J’ai une petite équipe de bénévoles dont je suis responsable, je ne vis donc pas cette mission toute seule, mais avec d’autres.

Avec les bénévoles de l’aumônerie, avez-vous des réunions pour reprendre ensemble ce que vous vivez ?
Il y a des rencontres régulières des aumôniers au niveau diocésain de la Pastorale de la santé, et il y a les rencontres de l’équipe. Avec cette particularité d’avoir 2 équipes : l’une pour l’aumônerie de l’hôpital, l’autre pour l’EHPAD et le service des soins palliatifs. Nous avons une fois par semaine une célébration de la Parole pour les personnes qui sont en long séjour. C’est très beau de sentir la joie de se retrouver pour prier ensemble. Certaines personnes sont vraiment seules, elles trouvent un réconfort en participant au partage de la Parole…

Comment vis-tu cette mission ?
Cette mission rejoint ce que je porte en moi depuis très longtemps : cet attrait pour le monde médical… Je suis infirmière de profession, mais, en arrivant en France, je ne pouvais pas exercer mon métier. Donc ce fut une joie pour moi de rejoindre le monde médical, d’être présente, d’une autre manière, auprès des malades, des personnes souffrantes, avec cette étiquette de l’Évangile que je porte dans mon cœur. Cela fait très longtemps que je vis cette mission, dans différentes structures.
C’est tout d’abord une présence d’Église auprès des patients, et auprès des personnels soignants. Etre témoin de la présence du Christ dans ce lieu qu’est l’hôpital. Je pense très souvent à la parole de Paul Claudel : « Jésus n’est pas venu supprimer la souffrance, il est venu la remplir par sa présence »… C’est ce qui m’anime et ce que je vis au quotidien. Aller à la rencontre des personnes qui, pour la plupart, n’ont pas demandé ma présence ; certaines formulent explicitement leur demande, d’autres non, mais je vais à la rencontre de tous.

Cela veut dire que tu passes dans toutes les chambres et que tu demandes aux personnes si elles veulent te rencontrer ? Je croyais que c’était uniquement sur demande…
C’est d’abord à la demande, mais cela m’arrive de passer et de me présenter, tout simplement. J’explique qui je suis, en laissant la liberté à la personne de m’accueillir… ou pas. Pour la plupart, les patients de cet hôpital ne sont pas catholiques ; cependant, ils peuvent être contents de rencontrer quelqu’un. Parfois, la personne a envie tout simplement de parler, de partager, et même de dire sa foi. Je pense à l’une d’elles qui m’a déclaré : « Oh, je ne suis pas vraiment une cliente pour vous…parce que je suis juive. » Mais en disant cela, elle m’accueillait et nous avons pu avoir une belle conversation, surtout en cette période de conflit où, pas très loin d’ici, les Juifs se sentent un peu mis à l’écart. Elle s’est présentée avec une certaine appréhension, j’entendais en arrière-plan cette question « est-ce que je vais être accueillie ? »… Donc il y a des rencontres avec des croyants d’autres religions. Mais il y a aussi ceux qui ne le souhaitent pas. Ce n’est pas toujours facile d’accepter les refus, mais c’est important de respecter la liberté de chacun. J’apprends à le vivre dans la simplicité et l’humilité franciscaines.

T’arrive-t-il d’être confrontée, parfois, à une question comme celle de l’euthanasie ?
Je n’ai pas été confrontée ouvertement à cette question récemment. Ce à quoi je suis souvent confrontée, surtout dans le service d’oncologie, c’est à la souffrance qui fait que la personne désire la mort, qu’elle exprime son désir de mourir. C’est aussi le cas à la maison de retraite où les personnes âgées, qui sont diminuées physiquement ou dans leurs facultés, disent : « Qu’est-ce que je fais là ? Ma vie n’a plus de sens. Le Seigneur m’a oublié… »
Cette question de la mort est donc présente, mais les personnes qui demandent l’euthanasie ne s’en ouvrent pas à moi directement. Ce qui est important, c’est de permettre à l’autre d’exprimer son désir de mourir. Je suis convaincue que c’est aussi notre rôle de pouvoir dire à la personne qu’elle a le droit de le désirer, et même de le dire dans sa prière, car le Seigneur peut tout entendre. Dire son désir, sa colère, sa souffrance, sa révolte…ce qui ne signifie pas passer à l’acte. Donc, la question de la mort est présente, oui, mais pas au sens des débats sur l’euthanasie… parfois, aussi, les soignants expriment leur inquiétude…

Dans le cadre de cette mission, peux-tu nous faire part de certaines de tes joies et de tes difficultés ?
Il y a beaucoup de joies…les plus fréquentes, ce sont toutes les fois où je peux porter la communion, avoir un temps de prière et d’accompagnement, soit avec la personne, soit avec sa famille. En cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, je pense à un monsieur, protestant, auprès de qui j’ai été appelée par la psychologue du service, à la demande de la famille. Je me suis présentée et j’ai appris que ce monsieur était pasteur…je me suis senti toute petite…Il n’était plus conscient, mais je suis rentrée très facilement en dialogue avec son épouse et sa fille qui étaient présentes. C’était un beau moment d’échange. Nous avons prié ensemble ; sa femme m’a dit que c’était important, pour elle, comme pour lui, d’avoir quelqu’un d’Église, au sens large du terme : l’Église de Jésus-Christ.
Cela a été une grande joie pour moi, d’ailleurs je suis restée en contact avec sa famille et j’ai des nouvelles régulièrement.
Une autre joie : celle de pouvoir mettre en place une célébration de mariage en soins palliatifs…C’était très émouvant…ce couple vivait ensemble depuis plusieurs années et n’avait jamais pris la décision de se marier, et là… le désir a resurgi. Ce mariage a donc eu lieu dans ce service des soins palliatifs ; la dame est décédée une semaine après. Le diacre qui a célébré le mariage m’a dit : « Je n’ai jamais vu autant de gens pleurer et se réjouir à la fois le jour d’un mariage.» C’était vraiment une joie de pouvoir vivre cela en Église…
Joie, enfin, de voir certaines personnes s’ouvrir à la parole de Dieu, à la rencontre avec le Christ, malgré la souffrance. C’est très beau de pouvoir toucher, à chaque fois, quelque chose de ce mystère de la présence de Dieu dans le cœur d’une personne.
Les difficultés…ne pas pouvoir rejoindre tout le monde, tous ceux qui attendent peut-être…se confronter au refus de la rencontre, au refus de Dieu, aux personnes qui s’enferment dans la souffrance. C’est là que, personnellement, je me sens invitée à contempler l’humilité de Dieu qui permet ce refus, qui respecte la liberté de l’autre, jusqu’au bout. Dieu qui se propose, mais qui ne s’impose pas. Tout cela me fait grandir dans la foi.

Propos recueillis par Pascale Clamens-Zalay, le 21 janvier 2024

Retraite des fraternités franciscaines séculières de la région Créteil-St Denis- Meaux 2024

Dimanche 17 mars, les fraternités de notre Région se sont retrouvées chez nos frères Capucins de Paris pour une journée de retraite animée par le frère Miki Kasongo, Franciscain de Paris.
Le thème était : « Centrer sa vie sur Dieu », en lien avec le huitième centenaire de la promulgation de la Règle des frères mineurs, et particulièrement les articles 4 et 5 du Projet de Vie des fraternités franciscaines séculières.

L’intervention du frère Miki était articulée autour de 5 verbes : vivre, suivre, lire, découvrir et être transformé.

Son exposé a été suivi par un temps personnel de prière et de réflexion.

L’après-midi s’est déroulée sous forme de carrefours en petits groupes autour du thème suivant : « Comment vivons-nous les sacrements de l’eucharistie et de la réconciliation ? », puis d’un échange à partir des questions ayant émergé des différents carrefours.

La journée s’est achevée par la célébration eucharistique.

L’intervention du frère Miki, ainsi que le temps personnel et les partages en groupe ont été très appréciés de tous…