« Père très Saint, avec Saint François d’Assise nous te supplions.
Au nom de Jésus-Christ donne-nous ton Esprit.
Répands-Le sur tous les hommes, toutes les femmes, et tous les enfants,
Sur la Création toute entière.
Qu’Il chasse la pandémie et restaure les corps et les cœurs.
Nous te le demandons à Toi qui vis pour les siècles des siècles. »
Prière composée par fr Michel Laloux, ministre provincial, en cette période de pandémie.
Cette réflexion se fera, sœurs et frères, tout en continuant l’appel à la prière.
La minorité
C’est un élément constitutif de la spiritualité franciscaine. Mais, comment est-elle comprise ? Comment est-elle vécue ? Est-il si évident que cela de vivre la minorité ?
Je laisse la parole à des sœurs et frères de nos fraternités pour répondre à ces questions. Voici le témoignage de 4 d’entre eux. J’ai retiré les noms par discrétion.
Frère Joseph (assistant régional)
Témoignage N°1
Spontanément quand j’entends minorité je pense petit, humble ..
En allant plus loin il me vient l’image du Christ lavant les pieds de ses disciples, donc quand j’entends minorité c’est service, abaissement qui résonnent. St François écrivait « … Que tous les frères n’aient en cela aucun pouvoir ni domination surtout entre eux » (1R 5,9), en résonnance avec ce qui est écrit dans l’Evangile … « que celui qui est le plus grand parmi eux devienne comme le plus petit », « je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Luc 22, 27)
C’est cela que j’essaye de vivre au quotidien. Dans ma mission d’aumônier d’hôpital mon objectif était de vivre le plus en vérité auprès des personnes malades : me mettre à leurs pieds, m’abaisser et les écouter ; ainsi cela colorait ma prière et me rendait humble. J’ai à cœur aussi de prendre conscience que tout vient de Dieu, que chacun est un don de Dieu ; cela m’invite donc à rester à ma juste place et m’empêche de tout pouvoir. C’est ainsi que j’ai vécu les responsabilités quand elles m’ont été demandées.
C’est aussi une école de vie et cela n’est pas si évident !
Apprendre à discerner le nécessaire, à se débarrasser au maximum du superflu que ce soit dans la vie pratique que dans l’attention à l’autre est un combat à reprendre chaque jour.
Apprendre aussi à me taire, moi qui aie du mal à ne pas dire les choses comme je les pense, est une conversion vers laquelle je tends …mais je suis loin encore d’y arriver.
Témoignage N°2
Voilà un mot qui n’est pas au Top 50 des valeurs de notre société. I l faut être un peu fou, comme François pour se prévaloir de ce beau titre : Frère mineur.
Et ce n’est pas toujours facile de rester mineur quand on a des responsabilités. J’ai été directeur général de maisons d’enfants que j’ai créées. Responsabilités au service des jeunes accueillis que j’ai toujours voulu considérer comme des petits frères, des personnes en devenir. Responsabilités au service de mes salariés. Pas facile de rester « mineur » quand on a de tels pouvoirs et la tentation est grande de les exercer sans discernement. Il me faut sans cesse me rappeler que ces responsabilités, ces pouvoirs sont un don de Dieu dont je dois rendre grâce et qui doivent rester au service du frère..
Diacre permanent, avec des responsabilités ecclésiales, et frère mineur, je me dois d’être doublement au service de mes frères en luttant sans cesse contre l’orgueil d’être ceci ou cela.
Quand je suis en mer, sur mon voilier, je ne peux que m’émerveiller devant la création divine, et je me sens également petit, mais responsable, devant elle et Celui qui l’a créée.
« Garde-nous tous petits devant ta face…
Garde-nous tous petits devant nos frères… »
Témoignage N°3
La minorité peut, paradoxalement ne venir qu’après la majorité. Ma majorité légale atteinte, mais surtout celle d’une conscience qui tire ses sources dans les engagements de mes jeunes années et une (re)découverte de Saint François, j’ai pu de temps à autre réussir à toucher cette minorité.
J’ai eu besoin d’être grand pour mieux redevenir petit !
J’ai d’abord ressenti le besoin de me hisser de peur de tomber, mais j’ai toujours gardé en moi une profonde aversion pour cette course effrénée au « toujours plus », ce que les anglo-saxons nomment très justement la « course des rats ». C’est à ce moment que l’on peut s’arrêter et regarder derrière soi. Alors, on y voit une multitude de personnes qui peinent à gravir la marche inégale au-dessus d’eux.
Que faire ? Continuer son chemin sans s’en soucier ? Certains le font par aveuglement. La plupart éprouveront un sentiment coupable et hésiteront. D’autres enfin feront ce choix de la minorité et aideront celui derrière à se hisser auprès de nous. Et s’il nous dépasse ? Ayons la satisfaction de l’avoir aidé à un moment difficile pour lui; cela l’aidera à faire lui aussi ce choix pour un autre.
Je me retrouve plus fréquemment dans la seconde posture, mais lorsque je force ce pas, je ressens cette joie intérieure qui m’envahit!
Visons cette sobriété heureuse dont parle si justement Michel Sauquet.
Des gestes simples permettent de gravir cet autre sommet, armé de bienveillance et de cette minorité, qui si étrangement, nous aide à grandir.
Témoignage N°4
Tenter de vivre la « minorité »
Deux évènements me viennent de suite à l’esprit pour me guider sur cette voie, qui me la montrent comme source de relation féconde et donc de joie profonde…
En cette octave pascale, l’image du Christ lavant les pieds de ses disciples s’impose à moi et je réentends son message comme un commandement à suivre : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ». (Jn 13, 15)
La deuxième image est celle de Saint François prenant soin du lépreux « d’âme et de corps » qui a découragé tous les frères : « ce que tu voudras, je le ferai » (Fioretti de St François)
Deux exemples de relations aux autres en attitude de minorité : se mettre à la portée de l’autre, par la parole et le geste.
Difficile à suivre quand on est « riche » ; pas seulement riche de biens matériels, mais peut-être encore plus riche de savoir-faire, de culture, d’aisance orale ou écrite, de connaissances… Nos certitudes peuvent fermer le dialogue, biaiser la relation, envers les plus pauvres que nous rencontrons mais aussi envers nos plus proches, famille et amis. Même sans le vouloir, c’est tellement facile de faire ressentir à l’autre ses manques et ses imperfections…
Oui, nous venons vers l’autre avec tout ce que nous sommes, en particulier tous ces talents et capacités, mais aussi avec la conscience de nos faiblesses et travers … alors rendons grâce à Dieu pour la merveille que nous sommes, rendons-Lui la grâce de ce qui a été vécu et devant Lui, reconnaissons notre propre fragilité.
Vivre la minorité, se serait mettre chaque matin notre confiance en Dieu, pour le laisser guider nos actions et savoir entendre la vérité de ceux que nous rencontrons.