« Père très Saint, avec Saint François d’Assise nous te supplions.
Au nom de Jésus-Christ donne-nous ton Esprit.
Répands-Le sur tous les hommes, toutes les femmes, et tous les enfants,
Sur la Création toute entière.
Qu’Il chasse la pandémie et restaure les corps et les cœurs.
Nous te le demandons à Toi qui vis pour les siècles des siècles. »
Prière composée par fr Michel Laloux, ministre provincial, en cette période de pandémie.
Cette réflexion se fera, sœurs et frères, tout en continuant l’appel à la prière.
La fidélité
Comme les autres thèmes abordés, la fidélité, pour le chrétien et le franciscain, n’est pas d’abord de l’ordre de la morale, elle est de l’ordre de la conformité.
Que nous dit la Bible ?
Elle nous dit, et c’est une constante, que Dieu est fidèle à lui-même. De toute éternité, Il a décidé d’aimer ses créatures, particulièrement sa créature spirituelle, l’homme, et rien ne pourra le dévier de sa trajectoire, même quand l’homme décide d’user de sa liberté pour aller dans le sens inverse et faillir à cette fidélité à laquelle il est appelée. Dieu ne cessera jamais de chercher l’homme, tout en lui laissant la liberté, c’est-à-dire sans s’imposer, risquant ainsi d’être rejeté.
L’Apocalypse nous donne une parole typique de la persévérance de Dieu et de son effacement : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai le repas avec lui et lui avec moi. » (3,20)
Une première conclusion s’impose : Pas de fidélité sans liberté.
Cette première conclusion amène une question :
Est-ce que nous ne risquons pas avec notre inconstance et nos infidélités de mettre à mal la fidélité de Dieu ?
Pour répondre à cette question, arrêtons-nous sur le passage de 2Tm. 2,11-13 :
« Voici une parole digne de foi : Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons. Si nous le renions, lui aussi nous reniera. Si nous lui sommes infidèles, lui reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même ».
Il s’agit d’une hymne où s’exprime, dans un parallélisme, un certain rapport entre notre vie actuelle et le salut, une certaine réciprocité entre notre attitude à l’égard du Christ et celle du Christ à notre égard. Si nous le renions, il nous reniera. On s’attendrait alors, dans le dernier verset, à trouver le même balancement : si nous sommes infidèles, lui aussi sera infidèle.
Non. La logique se rompt pour nous amener à l’affirmation qui est le sommet du passage : Dieu demeure fidèle, car il ne peut se renier lui-même.
Pourquoi ?
L’étonnant dans ce passage, c’est que Dieu puisse renier mais ne puisse être infidèle à l’homme sans être infidèle à lui-même, se renier lui-même. Ce qui signifie que, dans ce reniement, Dieu est encore fidèle, fidèle à son alliance, fidèle à son amour, dans un respect infini de la liberté et de la responsabilité de son partenaire. Nous sommes ici devant la conséquence la plus importante de ce qui a été dit plus haut : dans sa fidélité, Dieu cherche l’homme sans le forcer. On peut user de notre liberté et lui dire non, mais personne ne peut faire que Dieu soit infidèle, que Dieu cesse d’être Dieu.
Mystère, la fidélité de Dieu est une réalité concrète. Il ne nous appartient pas de supprimer le mystère, mais de laisser Dieu nous y introduire. Et du même coup nous saisirons comment notre fidélité peut et doit être une constance et s’appuyer sur des habitudes qui se renouvellent constamment, en fonction des circonstances. Opter pour les mœurs de Dieu pour une plus grande conformité.
Et pour François d’Assise ?
Trois constantes : fidélité à soi-même, fidélité au Christ, fidélité à l’Eglise.
Fidélité à soi : Se convertir au Christ n’a jamais voulu dire chez François se renier. Mais comment, par la grâce du Très-Haut, mettre au service de l’Evangile ce qu’il est. Un exemple : Faut-il être sur les routes ou se retirer ? Marthe ou Marie ?
Pour François, résoudre le problème ne voulait pas dire supprimer l’une des deux réalités, mais de réaliser en lui l’unité. Il a mis sa nature à la disposition de la grâce, ce qui veut dire qu’il n’a pas dénié à la nature sa valeur positive. Autre exemple, il n’a étouffé ni sa sensibilité ni son imagination, ce qui nous a valu le Cantique de frère soleil.
Fidélité à Jésus : Tout grand amour impose une nouvelle échelle de valeurs, un rude travail sur soi-même pour trouver un nouveau style de vie, pour réorganiser sa vie intérieure.
La fidélité au Christ, pour François, consiste à « demeurer dans l’amour » (Jn.15, 9) et à « marcher dans l’amour » (2 Jn.4-6). Et c’est l’œuvre de toute une vie, puisque tous les jours Dieu appelle par une grâce nouvelle, et que tous les jours l’homme répond par une fidélité renouvelée. Tout l’itinéraire de François a été marqué par le dialogue initial de son chemin de Damas : la question était posé en terme de fidélité au service de Jésus (qui vaut-il mieux servir ?) et la réponse a été un engagement d’une disponibilité sans réserve (que veux-tu que je fasse ?)
En François, l’amour du Christ a ordonné tout le reste dans l’élan d’une fidélité sans partage.
Fidélité à l’Eglise : Être fidèle à l’Eglise, ne veut pas dire s’écraser devant elle : quand l’évêque le met à la porte, il rentre par une autre (2 C 147).
Quand il s’agit des grandes orientations de son Ordre, il a toujours recourt à l’Église : il présente ses 12 premiers frères, il soumet son projet de Règle.
Il faut lire la lettre à tous les clercs : équilibre admirable entre le rappel des devoirs et de la grandeur des clercs et la soumission respectueuse aux représentants de l’Eglise.
Quand le nombre des frères a augmenté, il a dû céder le particulier (son inspiration) devant le bien commun de l’Eglise. Il s’est vu comme une poule incapable de protéger sa couvée innombrable, alors il confie ses fils « à l’Eglise pour qu’elle les garde à l’ombre de ses ailes, les protège et les gouverne » (3 comp. 63).
Nous savons aussi que ce détachement ne s’est pas fait tout seul, sans lutte ; un jour, il s’était écrié : « Quels sont ceux qui m’ont volé mon Ordre et mes frères ? » (2C 188). Mais dans une perspective de foi et dans un réflexe de soumission à l’Eglise, il abandonne son œuvre à Jésus Christ qui lui avait dit : « Qui a planté l’Ordre des frères ? N’est-ce pas moi ? » (LP.86)
Pour finir, on peut dire qu’après avoir expérimenté lui-même « l’obéissance à base d’amour » (Adm.4), François comprend que c’est encore être fidèle à soi-même et au Christ que d’être fidèle à l’Eglise, même si on souffre par elle et pour elle : « Même s’ils me persécutaient, c’est encore à eux que je veux recourir » (Test.6).
frère Joseph – assistant régional