« Patience et longueur de temps font-elles plus que force ni que rage ?»

Durant l’année écoulée, ce qui nous était apparu, de prime abord, comme un « simple virus » a suffi pour déstabiliser nos scientifiques et nos politiques, et pour mettre à mal notre existence au quotidien. Patience… Combien de fois n’avons-nous pas entendu ou prononcé cette injonction, tant il est vrai que notre monde, habitué à vivre, non le présent, mais l’immédiateté, a perdu le sens de cette vertu.

La patience est avant tout un attribut de Dieu. Dans l’Ancien Testament, Dieu est décrit comme miséricordieux et « lent à la colère » ; certes il punit en cas de nécessité, mais le plus souvent, il se montre longanime. Les manquements de l’homme à son Alliance ne le rebutent pas, et il laisse au pécheur le temps pour se repentir et revenir à lui. Son amour est fidèle et patient, il ne se dément pas, il sait attendre. Nombreux sont les passages proches de celui-ci : « Le Seigneur est miséricordieux et bienveillant, lent à la colère et plein de fidélité. » (Ps 103,8) Et s’il advient que l’homme fasse preuve de patience, c’est qu’il a acquis une certaine sagesse : « Mieux vaut un homme lent à la colère qu’un héros, un homme maître de soi qu’un preneur de villes. » (Pr 16,32)

La Bible nous parle également d’une autre forme de patience : l’endurance, c’est à dire la persévérance dans la foi face aux épreuves, aux doutes, à l’incompréhension, à la souffrance, ou dans l’attente que se réalisent les promesses de Dieu. Des exemples nous en sont donnés à travers de grandes figures : Abraham, Moïse, Job, les prophètes…

C’est la patience de l’homme de foi qui ne se décourage pas, qui reste constant, même dans le malheur, qui s’en remet à la volonté de Dieu car il sait que son Seigneur ne l’abandonnera pas. C’est la patience du croyant qui attend dans la confiance que s’accomplissent les promesses divines et qui espère contre toute espérance.

Dans le Nouveau Testament la patience se conjugue avec l’espérance, celle du salut final « Car notre salut est objet d’espérance ; et voir ce qu’on espère, ce n’est plus l’espérer : ce qu’on voit, comment pourrait-on l’espérer encore ? Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c’est l’attendre avec constance » (Rm 8,24-25), celle des biens célestes à venir « vous avez soutenu un grand assaut de souffrances […] Ne perdez donc pas votre assurance ; elle a une grande et juste récompense. Vous avez besoin de constance, pour que, après avoir accompli la volonté de Dieu, vous bénéficiez de la promesse. » (He 10,32-38) Dieu ne choisit pas d’éprouver l’homme, par contre c’est l’espérance qui a pris corps en Jésus Christ qui permet au chrétien de tenir et de vérifier sa foi dans l’épreuve « Tenez pour une joie suprême, mes frères, d’être en butte à toutes sortes d’épreuves. Vous le savez : bien éprouvée, votre foi produit la constance » (Jc 1,2-3), « Heureux homme, celui qui supporte l’épreuve ! Sa valeur une fois reconnue, il recevra la couronne de vie que le Seigneur a promise à ceux qui l’aiment. Que nul, s’il est éprouvé ne dise : C’est Dieu qui m’éprouve. Dieu en effet n’éprouve pas le mal, il n’éprouve non plus personne » (Jc 1,12-13). Le croyant se conforme ainsi au Christ, exemple parfait de la patience dans l’épreuve jusqu’à la mort : « Car c’est une grâce que de supporter, par égard pour Dieu, des peines que l’on souffre injustement […] Or, c’est à cela que vous avez été appelés, car le Christ aussi a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces. » (1 P 2,19-21) Bien loin d’être passive, la patience se traduit par une attente active et dynamique qui engage tout notre être ; Paul et Pierre nous invitent à « courir avec constance l’épreuve » à laquelle nous sommes confrontés, notre patience s’en trouvera alors fortifiée. Enfin, Paul nous rappelle que nous vivons par l’Esprit et que nous devons marcher sous son impulsion, or « voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5,22-23). Le fruit de l’Esprit par excellence c’est l’amour et c’est l’amour seul qui produit la patience car : « il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune […] Il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. » (1 Co 13, 5-7)

François d’Assise, lui aussi, souligne que c’est dans les difficultés que se mesure notre patience : « Ce qu’un serviteur de Dieu possède de patience et d’humilité, on ne peut pas le savoir tant que tout va selon ses désirs… » (Adm 13). Dans le Cantique des Créatures, il loue la persévérance de ceux « qui supportent épreuves et maladies » en conservant la paix, il reprend également l’image de la couronne de vie qu’ils recevront du Très-Haut. Par ailleurs, il associe patience et humilité : humilité de celui qui renonce à sa volonté propre pour s’abandonner en toute confiance à celle du Père.

Souhaitons que l’année nouvelle nous redonne le goût de la patience…Patience envers nos frères et sœurs : il ne s’agit pas d’apprendre à les supporter mais d’apprendre à les aimer toujours davantage car seul l’amour peut transformer leur cœur et le nôtre. Patience face aux épreuves : quand tout semble se dérober, c’est dans la foi que nous puiserons l’espérance qui nous maintiendra fermes et résolus, car notre Père ne peut se détourner de nous. Nous savons bien que son amour et sa tendresse pour nous ne passeront jamais…

P. Clamens-Zalay