« Le pardon…Pourquoi ? Comment ? » (3ème partie)

Et aujourd’hui ?!!!

Le pardon, dans une démarche de foi, n’est pas du même ordre que l’excuse qui vient mettre hors de cause ou rechercher des circonstances atténuantes. Ce n’est pas non plus l’oubli car on ne peut pardonner ce qui n’est pas. Et à vouloir effacer l’offense de sa mémoire ou l’y enfouir profondément, on prend le risque que, tôt ou tard, la blessure ne se réveille, d’autant plus douloureuse qu’elle n’aura pas été guérie.
Si le pardon, pour s’exercer pleinement, a besoin dans certains cas de la justice, là encore cette dernière n’est pas du même ordre. Une victime peut, peut-être, pardonner à son agresseur, mais c’est la personne qu’elle va pardonner, en aucun cas son acte. Elle aura besoin que la justice passe en condamnant cet acte et en sanctionnant celui qui s’en est rendu coupable.
Le pardon que nous accordons n’est pas d’abord le nôtre, nous le recevons de Dieu, et nous sommes appelés à le donner (« pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés »). « Pardonner » signifie « donner complètement, tout remettre », aussi le pardon est-il total, absolu, il ne peut ni se quantifier, ni se négocier, ni se mériter…car aux yeux de Dieu nous serons toujours des débiteurs insolvables. « Le scandale du pardon et la folie de l’amour ont ceci en commun d’avoir pour objet celui qui ne le « mérite » pas » (B. Sesboüe, Invitation à croire, Des sacrements crédibles et désirables). Ce pardon est une grâce, un don totalement gratuit. Comme le père du fils prodigue, Dieu nous accueille et nous aime d’un amour inconditionnel, nous manifestant ainsi que tout pécheur est susceptible d’être pardonné.
Pour celui qui a péché contre son frère, et qui peut s’enfermer dans le remords, tout comme pour celui qui en a été la victime, et qui peut vivre dans la rancune, le pardon offre une renaissance : il libère du passé pour ouvrir à un avenir nouveau. « Le pardon n’est pas simplement amnistie d’une mauvaise conduite ou oubli du passé. Il est bien plus recréation, transformation de la totalité de l’existence, ouverture à un nouvel avenir. L’homme retrouve sa condition de créature, son lieu de vie qu’il avait abandonné pour un destin de mort. » ( Jean Zumstein, Pardonner, Chapitre IV. Le pardon dans le Nouveau Testament)

Et pourtant, nous le savons bien, pardonner ou demander pardon n’est chose facile pour aucun d’entre nous…Dans la vie conjugale, comme dans les relations familiales ou professionnelles, les occasions de se blesser mutuellement ne manquent pas. Certes, il y a des offenses graves qui peuvent provoquer la rupture, mais il y a aussi toutes celles du quotidien, qui semblent très banales, mais qui peuvent, à la longue, altérer profondément la relation à l’autre.
Le chemin du pardon devra passer par plusieurs étapes : prendre conscience de la faute commise et de ses conséquences, oser l’avouer à l’autre, car cela nécessite bien souvent courage, humilité et confiance. Il faut ensuite que cette parole, cette supplication, soit reçue. Cela peut prendre du temps avant qu’un dialogue en vérité ne puisse s’instaurer. Mais Dieu ne se montre-t-il pas patient avec les pécheurs que nous sommes ! Viendra le temps de la réconciliation si chacun, de part et d’autre, est capable de se laisser habiter par l’amour et la miséricorde du Père.
Saint François a bien perçu cette double difficulté que nous avons tous, d’une part à pardonner, et il l’exprime ainsi dans le Pater paraphrasé : « « Comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. » Et ce que nous ne pardonnons pas pleinement, toi, Seigneur, fais que nous le pardonnions pleinement : que nous aimions vraiment nos ennemis à cause de toi, que nous arrivions à te prier sincèrement pour eux ; qu’à personne nous ne rendions le mal pour le mal, mais que nous tâchions de faire du bien à tous, en toi ! » (Pat 8), d’autre part à demander pardon. Une nuit de 1216, Jésus apparut à François, alors qu’il était à la Portioncule, et le Saint lui demanda la grâce suivante : celle d’une indulgence plénière pour tous ceux « qui, contrits et confessés, viendraient dans cette église ». Jésus la lui accorda, sous réserve de l’approbation du Pape Honorius III. Cette indulgence, d’abord restreinte à la visite de la Portioncule le 2 août, s’étend aujourd’hui à toute église franciscaine. Le pape François était présent pour fêter les 800 ans de ce Pardon d’Assise et sa méditation, ce jour-là, nous invitait à nous appuyer sur notre propre expérience de la miséricorde de Dieu, qui ne se lasse pas de nous aimer et de nous pardonner, pour nous faire les témoins de ce pardon autour de nous : « Chers frères et sœurs, le pardon dont saint François s’est fait le ‘‘canal’’ ici à la Portioncule continue à ‘‘générer le paradis’’ encore après huit siècles. En cette Année Sainte de la Miséricorde, il devient encore plus évident que le chemin du pardon peut vraiment renouveler l’Église et le monde. Offrir le témoignage de la miséricorde dans le monde d’aujourd’hui est une tâche à laquelle personne d’entre nous ne peut se soustraire. Le monde a besoin de pardon ; trop de personnes vivent enfermées dans la rancœur et couvent la haine, parce qu’incapables de pardon, ruinant leur propre vie et celle d’autrui au lieu de trouver la joie de la sérénité et de la paix. Demandons à saint François d’Assise d’intercéder pour nous, afin que nous ne renoncions jamais à être d’humbles signes de pardon et des instruments de miséricorde. »

P. Clamens-Zalay