Interview réalisée auprès de nos sœurs FMM de Clichy- sous-Bois (1ère partie)

Sanctuaire notre Dame-des-Anges

Sœur Jeanne : Je pense qu’il faut s’arrêter sur l’histoire du changement de nom de notre Institut : nous étions tout d’abord les Missionnaires de Marie. Pourquoi notre fondatrice a-t-elle voulu ajouter le mot « Franciscaines » ? Marie de la Passion était sœur de Marie-Réparatrice, mais, après des difficultés au sein de la congrégation, elle a décidé, avec une vingtaine de religieuses, de se séparer des Réparatrices pour fonder en 1877 les Missionnaires de Marie, « vouées à la mission universelle ». En 1884, elle a souhaité que les sœurs rentrent dans le Tiers-Ordre franciscain parce qu’elle désirait vivre la pauvreté, une pauvreté aussi stricte que possible. L’Institut est alors devenu celui des Sœurs Franciscaines Missionnaires de Marie. L’esprit de pauvreté est donc très présent dans notre charisme.

Sœur Ana : Je ne m’étais jamais posé la question car j’ai toujours pensé qu’il n’y avait qu’une vocation franciscaine… Pour moi, la spécificité de notre vocation c’est de vivre en tant que Franciscaine, non pas seulement avec des frères et sœurs qui m’entourent et qui sont de la même culture, la même nationalité, mais de vivre en tant que frères et sœurs, en dépassant toutes les frontières possibles et imaginables. Je crois que la spécificité de notre vocation franciscaine passe par cette interculturalité, internationalité et par l’aspect missionnaire aussi, dans l’environnement où nous sommes, avec nos voisins maghrébins, tamouls…

Sœur Marie : Pour moi c’est vivre à la manière de François et de Marie, à leur exemple. Marie, c’est la première disciple de Jésus, elle l’a suivi jusqu’au pied de la Croix. François, c’est le frère universel, c’est la fraternité, la joie, la simplicité. Sa manière de prier, de louer le Seigneur, sa communion avec l’universel, tout cela rejoint notre mission. A l’exemple de Marie et de François, j’offre ma vie pour l’Église et le Salut du monde, chaque jour, à travers de petites choses. Je m’engage à vivre à la suite du Christ, dans l’Esprit Saint, je me livre sans réserve au Père parce que lui se donne totalement, gratuitement et librement. De par ma vocation, je m’engage à vivre en communauté fraternelle, j’accueille les sœurs que le Seigneur me donne, ensuite je les choisis, c’est un consentement. C’est suivre les pas du Christ avec l’aide des sœurs et la grâce du Seigneur.
Pauvreté, désappropriation, solidarité, dépendance au Seigneur… Cette relation avec le Seigneur est tellement intime qu’elle transforme ma relation avec les frères et sœurs que je rencontre. J’apprends à aimer par les autres, à vivre avec eux, je suis évangélisée par les autres.

Sœur Jolanta : Notre spécificité, elle est déjà dans notre nom : Franciscaines Missionnaires de Marie… Dans la formule de nos vœux, nous nous engageons à suivre le Christ, à vivre l’Évangile, à l’exemple de Marie et de François, les deux ensemble. J’insisterai aussi sur la fraternité. Ici, à Clichy, cet aspect de la fraternité universelle est très fort. Déjà nous-mêmes, par nos nationalités, nous rendons visible cette fraternité universelle. Dans le concret, elle n’est pas parfaite, mais c’est un chemin pour rejoindre notre entourage qui est composé de multiples nations…c’est à la fois un témoignage et une mission.
Nous nous engageons dans un Institut international. Au moment de l’engagement définitif, nous n’appartenons plus à notre Province d’origine, mais à l’Institut, nous recevons alors notre envoi de la Supérieure générale. Pour moi, cela a été une prise de conscience très forte : « Maintenant, j’appartiens à l’Institut, ma vie est donnée à l’Eglise qui n’a pas de frontières. »

De gauche à droite : Sr Jolanta, Sr Marie, Sr Ana, Sr Jeanne et Sr Julienne

Sœur Jolanta : Oui…et je pense à cette phrase de François : « Notre cloître c’est le monde »…C’est aussi porter le monde dans notre prière.

Sœur Julienne : De par notre nom, nous sommes invitées à vivre l’Évangile comme François et à en témoigner, dans le monde. Je retrouve cette spiritualité de François dans la fraternité et la contemplation.
La fraternité universelle, avec les sœurs que Dieu nous donne, avec ceux qui nous entourent et avec toute la Création.
La Contemplation : comme le disent nos constitutions, le Christ contemplé nous envoie à nos frères…et nos frères nous renvoient à la contemplation du Christ. Nous puisons notre force dans l’Eucharistie célébrée et dans l’adoration pour aller vers nos frères et présenter au Seigneur leurs demandes. C’est la richesse de notre vocation d’Adoratrices et de Missionnaires.
Comme François, nous aimons et essayons de respecter la Création qui est le reflet de la beauté et de la bonté de Dieu. La vie est un don de Dieu, nous avons aussi à témoigner de cette joie de vivre, de la joie de notre vocation, de la joie des rencontres avec ceux que le Seigneur met sur nos chemins, dans nos lieux de mission.
A l’exemple de François, qui a embrassé le lépreux et qui a un amour particulier pour les pauvres, Franciscaines, nous essayons d’être plus proches de ceux qui vivent une pauvreté matérielle mais aussi spirituelle, les marginalisés ou les exclus de la société. Ce sont les lépreux de notre époque, que nous côtoyons chaque jour sur nos lieux de travail.

Propos recueillis par Pascale Clamens-Zalay, le 21 janvier 2024

Henri Grouès ou la naissance d’une vocation, …

Henri Grouès dit l’abbé Pierre

Le 22 janvier 2007 mourrait un homme de 94 ans connu de tous. À la faveur du biopic sur les écrans à l’automne 2023, L’abbé Pierre, une vie de combats[1], je sollicitais des jeunes, considérés comme la « future élite de la nation ». Le thème de mon intervention portant sur l’histoire de la IV°République, je fis allusion au film ; quelle ne fut pas ma stupeur de constater que l’homme qui avait caracolé pendant des années au hit-parade des personnalités préférées des Français, personnification de la générosité, était inconnu de la plupart des jeunes des générations actuelles. Pourtant, à sa mort, le Président de la République, Jacques Chirac, avait rapidement réagi par un communiqué, se disant « bouleversé d’apprendre le décès de l’abbé Pierre », et estimant que « c’est toute la France qui est touchée au cœur ». Alors que l’Église donne pour certains l’image d’une institution « has been[2] », qu’elle fait la une de la presse suite aux multiples affaires à caractère sexuel révélées dans le monde entier ; le chevalier de l’espérance, le saint contemporain, le combattant de rue qui incarnait le vrai visage de l’Église et du catholicisme social disparaît progressivement de la mémoire collective. Qui était cet homme dont la mémoire semble s’être effacée en l’espace d’une quinzaine d’années ? 

Son nom « civil » était Henri Grouès. Il naquit le 5 août 1912 dans le quartier de la Croix-Rousse à Lyon. D’origine modeste, ses parents ont quitté leur petit hameau de Haute-Ubaye pour s’installer au cœur de la cité de la soie. À 22 ans, Antoine le père d’Henri, s’embarqua pour le Mexique chercher fortune dans le commerce du drap, y demeura 15 ans avant de rentrer à Lyon en 1904. Un an à peine après son retour, il épousa Eulalie, la fille d’un bourgeois aisé de Tarare, à une quarantaine de kilomètres de Lyon. Il tint alors un magasin de confection, de vente de draps et de soieries dans le quartier de la place Bellecour. Avant la Grande Guerre la famille quitta la Croix-Rousse pour emménager dans le quartier d’Ainay, bastion de la grande bourgeoisie lyonnaise entre Rhône et Saône. Le père d’Henri servit durant le premier conflit mondial comme infirmier. Henri, connut son premier traumatisme lorsque sa gouvernante allemande dut quitter précipitamment la France, en guerre contre l’Allemagne. À huit ans, Henri, enfant plutôt turbulent, aspirait à devenir « marin, brigand ou missionnaire ». Cinquième d’une famille de huit, troisième garçon, il fut très influencé par son père, catholique engagé, administrateur de sociétés soyeuses et membre charitable de la « Confrérie des hospitaliers veilleurs ». En effet, chaque dimanche son père et des amis à lui quittaient le quartier bourgeois d’Ainay pour s’occuper de clochards et de mendiants en détresse, quai Rambaud à Lyon. Ils rasaient et coiffaient des nécessiteux, les débarrassaient de la vermine et leur servir un petit-déjeuner. Le petit Henri les accompagnait. On discerne-là des comportements fidèles au catholicisme social né des souffrances de la classe ouvrière dénoncées par Léon XIII le 15 mai 1891 à la faveur de la publication de l’encyclique Rerum novarum.

Sa mère étant trop faible pour gérer au domicile tous ses enfants, Henri fut scolarisé en pensionnat au collège Saint-Irénée. Il s’enfuit un jour où il était collé pour le week-end. Arrivé chez lui, il fut victime de fièvre et lui furent diagnostiqués les oreillons. Son établissement scolaire signifia son absence à ses parents mais il ne fut pas morigéné ou puni. Cette expérience le conforta dans l’idée que la chance était avec lui et que l’audace de prendre des risques pour une cause juste n’échouait pas. 

Il s’engagea naturellement dans le scoutisme rejoignant la première troupe de scouts de Lyon. Il y reçut le surnom totémique[3] de « Castor méditatif ». Un totem qui lui convenait fort bien lorsque l’on sait quelle fut ensuite sa vocation de « bâtisseur ». L’année 1927 fut décisive pour le jeune Henri qui partit en Italie sur les pas de saint François d’Assise. Le charisme du « Petit pauvre » et l’émotion suscitée par les fresques peintes par Giotto illustrant la vie de saint François, fresques qui couvrent les murs de la nef de l’église supérieure de la basilique de la ville ombrienne. Ainsi, à l’âge de dix-neuf ans, Henri annonça à sa famille qu’il voulait rejoindre les Capucins. 

Érik Lambert.


[1] Film de Frédéric Tellier. Il y eut aussi le film sorti en 1989, Hiver 54 de Denis Amar.
[2] Une expression que les jeunes utilisent volontiers pour signifier dépassée. 
[3] C’est à partir d’un terme ojibwé, langue algonquine parlée autour des Grands Lacs de l’Amérique du Nord, que se constitue le « totémisme ». Le mot revient à un anglais, John Long, qui l’utilisa en 1791 pour désigner un esprit bienveillant qui protège les hommes.  Le « totem » est composé d’un nom d’animal reflétant le physique, le comportement ou le caractère, suivi d’un (ou plusieurs) adjectif qualifiant la personnalité du scout, appelé quali.

Partage de mars

La vie, dans laquelle nous sommes aujourd’hui, peut nous inspirer cette question. Partagés que nous sommes entre des situations dramatiques personnelles ou collectives, et des faits exceptionnels, sources d’émerveillement, nous pouvons nous demander :« à quoi, cela sert de vivre ? »

Il y a plus de 100 ans, c’était la fin de la guerre 14-18, nous n’y étions pas, mais nous avons quand même pris le temps d’évoquer cette hécatombe : nous n’en sommes pas fiers et nous constatons encore que cela n’a pas servi de leçon pour l’avenir.

Aujourd’hui, je veux évoquer le document que le pape François nous a offert récemment pour nous faire remarquer que nous sommes tous « appelés par Dieu à la sainteté dans le monde actuel ». Il est bon d’entendre ce message malgré les tentations du monde, et les prétentions humaines ; l’accès à Dieu est offert à tous mais cela ne se fait pas sans Lui. Les héros du moment ont, pour nous, un visage humain, ils sont à proximité, même s’il leur arrive d’être des êtres d’exception. Dieu entre aussi par une petite porte, il entre dans la dynamique communautaire et nous accompagne dans ce long chemin de foi et d’amour.
« Personne ne se sauve tout seul » voilà une clé importante de l’incarnation et du bonheur pour tous. Nous en sommes encore loin mais n’attendons pas que Dieu fasse à notre place ce qui relève de notre énergie et de notre intelligence.

Nous en avons un exemple récemment, avec le synode qui s’est tenu à Rome pour les jeunes et avec eux. Quel témoignage de travail collectif, sous l’action de l’Esprit ! Chaque jour l’action de l’Esprit est visible dans les témoignages et les propositions, pour que l’Eglise progresse. Chacun est renvoyé à sa propre expérience de vie, sur son terrain, car le projet de Dieu est unique mais les modalités sont multiples et variées. Nous sommes, en effet, tous appelés à devenir des vivants, pas en image ni en plâtre mais en chair et en os. Nous pouvons offrir un témoignage personnel dans notre vie quotidienne.

Un repère essentiel : le bien commun, avant le repli sur soi. S’il y a de l’amour dans ce que nous vivons, la vie ordinaire deviendra extraordinaire. . Nous sommes peut-être invisibles aux yeux du monde, mais nous sommes dans le cortège de tous ceux qui veulent un temps meilleur à vivre. Dieu devient plus visible et c’est ensemble que nous manifestons sa présence et son action. L’Espérance qui nous habite est à la base de la vie nouvelle qui ressurgira autour de Pâques. Courage, debout !

Thierry Gournay Lille, le 21 2 2024

« UNE RÈGLE QUI SE VEUT PROJET DE VIE… » 2ème PARTIE

Dans cette relecture de notre Règle comme Projet de Vie, nous nous sommes arrêtés sur quelques points : la pauvreté, la simplicité et la désappropriation, dans une première partie ; la paix, la fraternité et la joie, dans cette seconde partie.

« Porteurs de la paix qu’ils savent devoir construire sans cesse, ils chercheront dans le dialogue, les voies de l’unité et de l’entente fraternelle, faisant confiance en la présence du germe divin dans l’homme et en la puissance transformante de l’amour et du pardon. » (PDV 19)
Il y a, bien sûr, les combats pour plus de justice et de paix entre les hommes, que nous pouvons mener avec d’autres, mais, en premier lieu, et ce n’est en rien contradictoire, c’est dans le quotidien de nos existences, dans la diversité de nos rencontres, que nous sommes appelés à être des artisans de paix.
« Vous annoncez la paix par vos paroles, disait François, ayez-la encore plus dans vos cœurs. Ne soyez pour personne une occasion de colère ou de scandale, mais que votre douceur incite tous les hommes à la paix, à la bonté et à la concorde » (Légende des trois compagnons 58). Une paix qui n’est pas la nôtre car elle est don de Dieu. Il faut pouvoir la demander et l’accueillir chaque jour, avant de vouloir la construire, ce qui suppose une vie spirituelle nourrie par la Parole, par la prière et par les sacrements.
Convertis et pacifiés par cette relation intime avec le Père, avec le Christ ressuscité, et dans l’Esprit, nous pouvons alors nous faire proches de ceux qui nous entourent et créer avec eux les conditions d’un véritable dialogue. Comme l’écrivait Paul VI dans Ecclesiam suam : « Le dialogue n’est pas orgueilleux ; il n’est pas piquant ; il n’est pas offensant… il n’est pas commandement et ne procède pas de façon impérieuse. Il est pacifique, il évite les manières violentes ; il est patient ; il est généreux. » (83)
S’ouvrir au dialogue, c’est faire taire en soi l’orgueil, les préjugés, la méfiance ou la peur, c’est renoncer à imposer « sa vérité » et croire que dans la différence peut naître la communion…

Convertis et pacifiés, nous pouvons changer notre regard sur les autres pour reconnaître en eux des frères à accueillir, car ils sont un don (« Après que le Seigneur m’eut donné des frères », dira François, Testament 14) des frères à aimer, à l’exemple du Christ : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » (Jean 13,34). Nous le savons bien, la fraternité ne va pas de soi, elle est à désirer et à repenser continuellement pour que l’amour et le pardon transfigurent les inévitables déchirures et incompréhensions. Dieu, qui fait de nous ses enfants, des frères et sœurs en Christ, notre aîné, nous a voulus de toute éternité pour nous associer à ce mouvement d’amour incessant qui unit et anime la Trinité.
François nous enseigne la fraternité universelle : pour lui, toutes les créatures procèdent d’un même amour créateur, et en chacune, même la plus insignifiante – en apparence – il contemple le visage de son Bien-Aimé : « Il appelait frères et sœurs les créatures même les plus petites, car il savait qu’elles et lui procédaient du même et unique principe. » (Legenda Major 8,6), « Il se réjouissait en tous les ouvrages sortis de la main de Dieu, et grâce à ce spectacle qui faisait sa joie il remontait jusqu’à Celui qui est la cause et raison vivifiante de l’univers. Il savait, dans une belle chose, contempler le Très-Beau et poursuivait à la trace son Bien-Aimé en tout lieu de sa création, se servant de tout l’univers comme d’une échelle pour se hausser et atteindre Celui qui est tout désirable. » (Legenda Major 9,1).
Notre Projet de Vie nous invite donc à vivre, nous aussi, cette dimension de la fraternité universelle : « Qu’ils (les laïcs franciscains) respectent aussi les autres créatures, animées et inanimées, car « elles portent signification du Dieu Très-Haut », qu’ils cherchent à passer de la tentation d’en abuser à une conception franciscaine de Fraternité qui s’étend à tout l’univers. » (PDV 18)
Dieu nous a confié sa Création, ce qui n’en fait pas de nous les maîtres, mais nous confère une immense responsabilité. « La fin ultime des autres créatures, ce n’est pas nous. Mais elles avancent toutes, avec nous et par nous, jusqu’au terme commun qui est Dieu, dans une plénitude transcendante où le Christ ressuscité embrasse et illumine tout ; car l’être humain, doué d’intelligence et d’amour, attiré par la plénitude du Christ, est appelé à reconduire toutes les créatures à leur Créateur. » (Pape François, Encyclique « Loué sois-tu » 83)
Nous avons à respecter la Création et à la préserver, ce qui implique des choix collectifs et individuels qui dépassent largement le strict cadre de l’écologie. Le pape, dans cette encyclique, aborde la notion d’écologie intégrale car elle est, à la fois, environnementale, économique et sociale. Justice, paix et sauvegarde de la Création sont intimement liées et sont depuis longtemps une préoccupation majeure pour l’ensemble de la famille franciscaine.
« Nous n’avons jamais autant maltraité ni fait de mal à notre maison commune qu’en ces deux derniers siècles. Mais nous sommes appelés à être les instruments de Dieu le Père pour que notre planète soit ce qu’il a rêvé en la créant, et pour qu’elle réponde à son projet de paix, de beauté et de plénitude. » (« Loué sois-tu » 53)

La joie…Voilà bien une vertu éminemment franciscaine ! Non pas la recherche d’un plaisir éphémère, et parfois sans saveur, mais une joie intense, que rien ne peut altérer en profondeur. Certes, les épreuves sont susceptibles de l’atténuer, de la « mettre en veille », cependant elle demeure en notre cœur, prête à rejaillir de plus belle.
Dans sa jeunesse, François a fait l’expérience, lui aussi, des joies de ce monde et des illusions qu’elles procurent. C’est tout au long de son itinéraire spirituel qu’il va découvrir le sens de la vraie joie, celle qui trouve sa source en Dieu. « N’ayons donc d’autre désir, d’autre volonté, d’autre plaisir et d’autre joie que notre Créateur, Rédempteur et Sauveur, le seul vrai Dieu, qui est le bien plénier, entier, total, vrai et souverain ; qui seul est bon, miséricordieux et aimable, suave et doux ; qui seul est saint, juste, vrai et droit ; qui seul est bienveillant, innocent et pur ; de qui, par qui et en qui est tout pardon, toute grâce et toute gloire pour tous les pénitents et les justes sur la terre et pour tous les bienheureux qui se réjouissent avec lui dans le ciel. » (1R 23,9)
Vraie joie… et joie parfaite, telle qu’il nous l’enseigne dans les Fioretti : pouvoir supporter toutes sortes de tribulations et d’afflictions, en conservant la patience, l’allégresse et la paix de l’âme, pour l’amour du Christ, en cela est la joie parfaite (Fior 8).
Cette joie se traduit aussi dans sa capacité à s’émerveiller devant chaque créature qui lui révèle la beauté, la bonté et l’amour du Père. Dans la maladie, comme au seuil de la mort, elle lui donne encore de pouvoir chanter les louanges de Dieu et de le célébrer à travers toute sa Création (Cantique de Frère Soleil).
A la suite de François, il nous revient de mettre l’espérance là où est le désespoir, de mettre la lumière là où sont les ténèbres et de mettre la joie là où est la tristesse (Prière pour la paix), comme le souligne notre projet de Vie : « Messagers de joie parfaite, en toutes circonstances ils s’emploieront activement à porter aux autres la joie et l’espérance. » (PDV 19)
Dans un monde en mal de repères, où l’individualisme l’emporte trop souvent sur le bien commun, faisant place inévitablement au désenchantement et au mal de vivre…il est urgent de témoigner de la joie et de l’espérance qui nous habitent et d’annoncer que le Salut de Dieu n’est pas réservé à quelques-uns, mais qu’il est offert à tout homme.
Dans son message aux membres de la famille franciscaine du 9 novembre 2023, le pape François soulignait que le VIIIe centenaire de la Regula bullata était une occasion de faire revivre en nous « le même esprit qui a inspiré François d’Assise à se dépouiller de tout, et à faire naître une forme de vie unique et fascinante parce qu’elle est enracinée dans l’Évangile et vécue sine glossa. » Il ajoutait : « Que ce Jubilé soit pour chacun un temps de renaissance intérieure, d’un mandat missionnaire renouvelé de l’Église qui appelle à aller à la rencontre du monde où tant de frères et sœurs attendent d’être consolés, aimés et soignés. »

P. Clamens-Zalay

Apocalypse de saint jean (Chapitre 1)

1. Les personnages
– JEAN : il n’est que l’un des chrétiens fidèles et leur frère dans l’épreuve : il partage avec eux « 1’épreuve, la royauté et la persévérance « . Pourquoi la « royauté » ? Parce que tout cela est vécu en communion avec Jésus déjà victorieux de la mort et des puissances, et revêtu du sacerdoce royal.
Il se dit relégué à PATMOS et cite sa sentence de relégation = sa prédication de Jésus crucifié-ressuscité.
– l’ESPRIT SAINT qui s’empare de Jean.
– une VOIX… forte comme une trompette (instrument des théophanies = manifestations de Dieu) = un Ange.
– et bien sûr le CHRIST en gloire, personnage principal. D’ailleurs c’était « au jour du Seigneur « , c.-à-d. un dimanche, le jour de la Résurrection.

2. La vision proprement dite, ce que Jean voit (12-16)
– D’abord 7 candélabres d’or = 7 églises d’Asie = toute l’Eglise, chargée de porter la lumière du Christ.
– et au milieu comme un fils d’homme. (Dn 7, 9.13) avec, comme apparence prestigieuse :
• une robe sacerdotale,
• une ceinture royale,
• la tête et la chevelure d’une blancheur d’éternité,
• les yeux d’un regard pénétrant, signe d’une connaissance parfaite,
• les pieds (jambes) de bronze = d’une solidité à toute épreuve,
• la voix océanique indiquant un message divin,
• la main droite tenant 7 étoiles = les 7 églises rassemblées dans l’unité-intimité de leur Pasteur, dans la bouche un glaive à 2 tranchants (Is 49, 2) = sa Parole exigeante et incisive,
• le visage ensoleillé rayonnant de bonheur.
– Enfin les 7 étoiles dont il est dit qu’elles sont  » les 7 anges des 7 églises « , « anges » voulant sans doute signifier la condition déjà céleste des églises. Pour Jean, il y a un double céleste des réalités terrestres : les 7 églises sont figurées à la fois par les 7 candélabres et par les 7 étoiles, parce qu’elles ont à la fois une condition terrestre (où elles doivent lutter pour conserver leur lampe allumée), et déjà une appartenance au monde nouveau et à la gloire du Royaume, d’où leur symbolisation par l’étoile et par l’ange.

3. Le message délivré (17-20)
– Remarquons d’abord l’important transfert christologique, c.-à-d. l’attribution au Christ des privilèges réservés à Dieu depuis toujours : « tomber comme mort » devant le Christ comme devant Dieu, être « le Premier et le Dernier« , le « Vivant » bien que mis à mort (titre biblique de Dieu), « détenant les clés de la mort et de l’Hadès« .
– Consigne = écrire et faire lire la vision. Faire savoir ce qui est (la situation actuelle des églises) et ce qui doit arriver ensuite (= tout le reste du livre).

Références dans 1’Ancien Testament
Dn 7, 9-13 –  » Je regardais jusqu’à ce que des trônes furent placés et un ancien des jours s’assit. Son vêtement était blanc comme de la neige et ses cheveux comme de la laine pure… Je regardais dans les visions de la nuit, et voici : sur les nuées vint comme un fils d’homme… « 
8, 18-19 –  » Pendant que l’ange Gabriel parlait, je tombai la face contre terre ; mais lui me toucha et me redressa. Il me dit : « Vois je te fais connaître ce qui arrivera au dernier temps de la colère…« 
Ez. 43, 2 – «  La voix de Yahvé était comme la voix des grandes eaux « .
Is 44, 6 –  » Ainsi parle le roi d’Israël et son sauveur, le Dieu des armées :  » Je suis le Premier et le Dernier ; en dehors de moi il n’y a pas de Dieu.
Dn 10, 4-19 – «  Je me trouvais sur le bord du grand fleuve qui est le Tigre. Je levai les yeux et je regardai, et voici.- je vis un homme vêtu de lin et ayant sur les reins une ceinture de lin, et il resplendissait de lumière. Sa bouche était comme le chrysolithe, son visage brillait corme l’éclair, ses yeux étaient comme des torches de feu, ses bras et ses pieds avaient l’éclat de l’airain étincelant, et le son de ses paroles était comme le bruit d’un tumulte… Je n’entendis pas le son de ses paroles ; j’étais couché à terre, le visage contre terre. Et voici : une main ma toucha et me dressa sur mes genoux et sur la plante de mes pieds… Et voici : comme un fils d’homme toucha mes lèvres… Et celui qui avait l’aspect d’un homme me toucha de nouveau et me fortifia. Il me dit :  » Ne crains pas… « 
Ez 1, 24,26b – « Et j’entendais la voix de leurs ailes, quand ils se déplaçaient, comme la voix des grandes eaux… Sur ce qui ressemblait à un trône, il y avait comme ce qui ressemble à une figure d’homme « .

Fr Joseph ofm

Prière

Seigneur, je crois

Ô Seigneur, fais que ma foi soit forte,
qu’elle ne craigne pas les contrariétés des problèmes,
dont est remplie l’expérience de notre vie avide de lumière,
qu’elle ne craigne pas l’adversité de ceux qui la discutent,
l’attaquent, la refusent, la nient ;
mais qu’elle se renforce de la preuve de ta vérité.

Ô Seigneur, fais que ma foi soit joyeuse
et qu’elle donne paix et allégresse à mon esprit,
le rende capable de prier avec Dieu et de converser avec les hommes,
de telle manière que transparaisse dans le langage sacré et profane
la béatitude intérieure de son heureuse possession.

Paul VI

Un film Un livre

Le film italien (Io Capitano) de Matteo Garrone sorti en 2023 relate la pérégrination de deux adolescents depuis leur Sénégal natal vers l’Eldorado que représente pour eux l’Europe. Dès le début du film, des adultes clairvoyants les avertissent de l’extrême dangerosité du voyage dont ces deux grands enfants rêvent comme d’une grande et belle aventure vers une gloire et une fortune immanquables. On a beau leur représenter la misère qui, au contraire, les attend à l’arrivée à condition qu’ils survivent au voyage, les deux garçons s’en remettent à l’écran de leur téléphone portable sur lequel ils balaient les images d’un luxe trompeur et aux fanfaronnades de ceux qui ont prétendument « réussi » de l’autre côté de la Méditerranée : ils prennent le large une nuit en secret, laissant derrière eux un monde certes fruste et précaire, mais concret et familier, des proches et deux mères dont ils ne tarderont pas à regretter l’amour protecteur.

Dans la narration de cette histoire qui n’a rien d’une fiction, Matteo Garrone déroule de manière très réaliste et précisément documentée tout le trajet de la migration subsaharienne, épisode après épisode, des conditions de son départ à la possibilité extrêmement aléatoire de son arrivée, qui ne se révèle pour la plupart que l’entrée dans une autre sorte d’enfer. Mais pour durement réaliste que soit le film, il est plein d’une belle poésie dépourvue de toute affectation et surtout d’une magnifique humanité engagée résolument pour la justice, caractéristique du travail de Matteo Garrone telle que nous avons pu la voir s’exprimer par exemple dans Gomorra qui décrit l’emprise de la Camorra (mafia locale) sur la misère napolitaine. Les deux personnages principaux, Seydou et son compagnon et cousin Moussa, sont interprétés par deux jeunes comédiens très attachants, et tous les autres sont joués également à tout moment de manière parfaitement convaincante par des acteurs dont la notoriété est inversement proportionnelle à la sincérité et à l’authenticité. Tout est juste et soigné dans la réalisation qui ne se perd jamais dans les effets ni dans la complaisance d’une dramatisation larmoyante : la musique excellente, la photographie splendide, les dialogues économes et précis sont, comme le jeu des acteurs, entièrement au service du propos qui est de donner à voir la tragédie dont trop d’entre nous détournent les yeux, c’est-à-dire de donner des visages à ceux qui disparaissent derrière les chiffres, ceux des cadavres à peine dénombrés dans les sables du Sahara, des innocents morts en esclavage dans les geôles libyennes mafieuses, des noyades anonymes au large de nos côtes… Plus jamais, après avoir vu ce film, on ne pourra croiser un migrant africain dans nos rues sans penser à ce qu’il a enduré avant d’arriver « chez nous » et à ce qu’il continue d’endurer dans l’indifférence.

Il y a quelque chose de plus dans le film de Matteo Garrone que cette invitation, jamais culpabilisante cependant, à voir ce que nous préférons ignorer, ou simplement ignorons dans sa cruelle réalité, quelque chose qui porte également et différemment une très profonde humanité : l’évolution du personnage principal, Seydou, admirablement décrite du très pardonnable égoïsme enfantin à la consistance d’un être humain généreux et responsable de lui-même et des autres. Bien sûr, en lisant le titre, on pense au poème qui accompagna Nelson Mandela dans les longues souffrances de sa minuscule prison ; mais il prend dans les derniers instants du film, surtout lorsqu’on se souvient que la loi italienne considère les pilotes de bateaux comme des passeurs, toute l’ampleur de sa signification.

Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.

Jean Chavot


Irène Vallejo, L’infini dans un roseau L’invention des livres dans l’Antiquité, Les Belles Lettres, Paris, 2021, 564 pages. 23,50 € au Livre de poche, 9,90 €.

Dans le quartier de la gare Montparnasse et de quelques prestigieux établissements d’enseignement, mes pas me conduisent souvent vers la librairie Guillaume Budé qui diffuse les publications de l’éditeur « Les belles lettres ». Déambulant dans ce lieu fascinant où se mêlent écrits en grec ancien, en latin, voire dans des idiomes encore plus « exotiques », on trouve des perles rares. Ainsi en est-il de l’ouvrage d’Irène Vallejo, L’Infini dans un roseau, l’invention des livres dans l’Antiquité histoire des livres. Primé à de multiples reprises[1], ce livre est celui de toute une vie consacrée aux lettres anciennes. Combat audacieux face à une société du plaisir immédiat, d’un panem et circenses[2] contemporain. Lorsque LeTélégramme de Brest[3] écrit qu’au lycée de Kerneuzec à Quimperlé, 28 élèves suivent la « spécialité grec ancien[4] » en classe de première, on perçoit qu’il s’agit là d’une singulière originalité pour la France entière. Malgré la disparition parfois annoncée d’une culture, Irène Vallejo relève le défi de conter l’incroyable épopée du savoir inséparable de l’aventure du livre. Vecteur de liberté, agent de l’arbitraire, il fut et demeure victime de la frénésie humaine de destruction. Il est craint, parfois tant vilipendé, que l’imprimer, le posséder, le diffuser peut conduire à d’effroyables tourments. Ainsi, le livre de l’historien Hermogène de Tarse qui contrariait l’empereur Domitien[5] conduisit son auteur à la peine capitale. Afin que le châtiment fût exemplaire, tous ceux qui avaient diffusé l’ouvrage mis à l’index (excusez l’anachronisme) furent victimes de la sentence que relata Suétone, librariis etiam, qui eam descripserat, cruci fixis [6]. Irène Valejo rappelle que la bibliothèque d’Alexandrie[7] couvait en son sein les rouleaux, papyrus et tablettes du monde connu. Inspirée par le grand Alexandre, elle nourrissait l’ambition mythique de rassembler en un seul lieu clos les livres du monde entier. Le grand conquérant ne se déplaçait-il pas toujours muni d’un exemplaire de L’Iliade, comparant ainsi sa vie à celles des héros homériques, et plus particulièrement à celle d’Achille. Du reste, Alexandrie d’Égypte fut fondée sur l’île de Pharos, un nom qui apparaît aussi dans L’Odyssée. Ambition d’Alexandre, obsession de son successeur Ptolémée Ier de rassembler et de conserver tous les savoirs du monde. Tour de Babel linguistique, elle contribua à faire de ce port hellénistique la capitale intellectuelle de la Méditerranée. Érudition, recherche, traduction, lieu de convergence de l’élite intellectuelle pétrie de culture grecque. Démétrios de Phalère, philosophe péripatéticien[8], fut sans doute le premier bibliophile compulsif de l’Histoire. Par la suite, la concurrence de la bibliothèque de Pergame[9], en Asie mineure, conduisit au trafic de bandes de faussaires qui proposaient des rouleaux de faux textes anciens rafistolés, parfois même de bonnes contrefaçons. L’Égypte alla même jusqu’à interrompre l’exportation du papyrus, afin de priver de support la bibliothèque rivale. 

Vallejo nous entraîne dans cette formidable épopée du livre et des idées. L’auteure écrit avec une rare sensibilité ; d’une plume ciselée, elle invite à sourire, elle suscite l’intérêt, incite à la curiosité. Pétri de références, ce livre est un vrai bijou pour l’esprit. Si le thème pourrait conduire à une somme indigeste, la plume alerte de l’auteur, les petites anecdotes, les subtiles allusions à notre temps rendent l’ouvrage très fascinant.

On y apprend les sorts jetés aux voleurs d’ouvrages[10], on comprend combien les évolutions techniques des rouleaux aux codex[11] constituèrent une révolution. En effet, les livres étaient moins fragiles plus aisés à stocker, contenaient plus de textes que les rouleaux de papyrus. Les chrétiens, victimes des persécutions, furent d’ailleurs de fébriles consommateurs de codex, plus pratiques à transporter et faciles à dissimuler sous les plis de la tunique.

Irène Valléjo s’intéresse aux grand noms de la belle aventure mais n’oublie pas tous ces anonymes qui ont aussi écrit cette histoire. Ceux qui inventèrent l’alphabet, les esclaves qui recopiaient les livres ou encore ceux qui ont réussi à protéger des ouvrages des destructions volontaires ou non. Loin du mouvement #MeToo, l’auteure en appelle aux femmes souvent méconnues telle Hypatie d’Alexandrie, avide de défendre la connaissance et les savoirs à en mourir[12].

Cette « saga » est d’abord un récit dans lequel l’amour de l’écrit transpire au fil des 501 pages. En suivant les galops des chasseurs de livres de l’Antiquité aux femmes bibliothécaires qui, soucieuses d’offrir des livres, sillonnèrent le Kentucky dans les années 1930 ; on ne s’ennuie pas. La lecture est savoureuse, elle titille nos petites cellules grises et ouvre des perspectives captivantes à nos esprits parfois assoupis.

Érik Lambert.


[1] Lauréat du Palmarès des 30 livres de l’année du Point, 2021
Lauréat du Palmarès des 21 romans et essais préférés de Télérama, 2021
Lauréat du Prix des Lecteurs du Livre de Poche catégorie Documents/Essais, 2023
[2] Expression de Juvénal (Satires, X, 81). « Ces Romains si jaloux, si fiers (…) qui jadis commandaient aux rois et aux nations (…) et régnaient du Capitole aux deux bouts de la terre, esclaves maintenant de plaisirs corrupteurs, que leur faut-il ? Du pain et les jeux du cirque. »
[3] Daté du vendredi 23 février 2024.
[4] Spécialité langues, littératures et cultures de l’Antiquité.
[5] Dynastie des Flaviens, empereur de Rome de 81 à 96.
[6] Les copistes qui l’avaient écrite furent mis en croix
[7] Magnifiquement décrite page 71, « à la Umberto Eco ».
[8] Qui suit la philosophie d’Aristote. qui donnait ses leçons en se promenant dans le Lycée (Endroit des loups) c’est-à-dire un gymnase situé au nord-est d’Athènes. Les personnes vendant leurs charmes marchent dans la rue. 
[9] En Méditerranée, le papyrus fut progressivement remplacé par le parchemin, un support souple à base de peaux animales (veau ou mouton) qui aurait été inventé à Pergame (citadelle en grec) au Nord de l’Izmir actuelle au IIIe siècle av. J.-C. D’où son nom, du grec pergamenepeau de Pergame.
[10] « Celui qui vole ou emprunte et ne rend pas un livre à son propriétaire, qu’il soit mordu par le livre volé transformé en serpent dans sa main. Qu’il soit frappé de paralysie, que tous ses membres éclatent. Qu’il languisse dans la douleur, qu’il demande grâce en pleurant, et qu’il n’y ait pas de sursis à ses tourments avant qu’il ne soit anéanti. Que les vers lui rongent les entrailles, au nom du remords qui ne périt pas. Et quand, enfin, il descendra au châtiment éternel, que les flammes de l’enfer le consument à jamais.» page 74.
[11] L’utilisation du parchemin entraîne un changement fondamental dans l’histoire du livre : le passage du volumen, livre enroulé, au codex, livre à feuilleter. Codex est un mot latin qui désigne le livre formé de feuilles pliées et assemblées en cahiers, et couvert d’une reliure tel que nous le connaissons. Il vient du mot caudex qui se réfère à la matière « bois » du tronc d’arbre ou de la souche. Plus tard, le terme est employé pour les livres en papyrus ou en parchemin utilisant ce format.
[12] Lapidée en 415 par des moines chrétiens sur ordre de saint Cyrille, évêque d’Alexandrie, 

événements

La famille franciscaine de l’Est francilien (Créteil/ St Denis/Meaux) propose une initiation à la spiritualité franciscaine sur l’année 2023-2024.
Il s’agit d’un cycle de 6 rencontres qui ont commencé en octobre 2023. Les deux dernières se dérouleront le samedi de 15h à 17h, chez les Sœurs de St François d’Assise, 31 rue du commandant Jean Duhail, 94120 Fontenay-sous-Bois.
La rencontre de mars sera sur le thème de la Paix.

Quand  👉 Les samedis 9mars, 27 avril.
En savoir plus 👉 Françoise Rousseau 06-71-76-37-33


Thème  « Centrer sa vie sur Dieu »
Intervenant : frère Miki Kasongo
Lieu  :  couvent des Capucins, 32 rue Boissonade, Paris.
Accueil : à partir de 9h, fin à17h.
Repas partagé ; participation aux frais entre 5et 10€
Eucharistie à la fin de la journée.


DU MARDI 21 MAI A PARTIR DE 16H AU MARDI 28 MAI A 10H
Animée par Sr Elisabeth Robert, franciscaine

 👉 Aux grottes de Saint Antoine à Brive (Corrèze)
Pour s’inscrire 👉 c’est juste là

Edito de Mars

Justice et conversion

Deux dates revêtent une importance particulière dans le temps de conversion qu’est le carême en ce qu’elles offrent à chacun l’occasion d’un retour sur soi du point de vue de la foi et de la justice : le 19 mars, fête de la Saint-Joseph, et le 25 mars, jour de l’Annonciation, souvenirs d’événements étroitement liés entre eux, capitaux à la veille de l’Incarnation par laquelle toute l’humanité sera appelée à la conversion.

Dans cette perspective évangélique, Joseph est distingué par sa qualité d’homme juste. La justice, ou justesse, conçue en termes de qualité de discernement du bien et de conformation de ses actes à celui-ci, est certes indispensable à la conversion, mais non suffisante, comme l’illustre la première réaction à sa grossesse de l’époux de Marie (ils sont déjà mariés mais ne vivent pas encore ensemble, selon l’usage). En effet, il pense tout d’abord la répudier selon la loi avant de l’accueillir sous son toit selon la volonté de Dieu transmise par son ange. Observons que Joseph qui aimait Marie et ne doutait pas de sa chasteté ne songeait pas à la répudier publiquement, ce qui l’aurait exposée à de terribles conséquences. Il fait en cela preuve de justice humaine puisqu’il agit pour le bien conformément à son cœur et à sa conscience, fût-ce en infraction à la loi. Quand, dans un deuxième temps, il agit à l’instigation de la parole de Dieu portée par l’ange, il le fait selon un bien supérieur, son âme et sa vie s’ajustent à la volonté de Dieu, son discernement et son cœur en sont inspirés, comme transcendés, fécondés par la justice divine d’une tout autre dimension que la justice humaine. Dans ce qui sépare la décision de répudier Marie et celle de l’accueillir chez lui, d’assumer complètement la paternité de Jésus à qui il donne un nom et une filiation, nous mesurons le mouvement de la conversion en tant qu’avancée authentique et résolue, abandon dans la foi à la volonté de Dieu. Bien que Joseph fût déjà un homme de foi, celle-ci change également de nature et de direction — définition même du mot conversion — puisque par son acceptation, il devient pour ainsi dire chrétien avant l’heure, en rupture avec la loi de ses pères qui l’aurait poussé à l’injustice. Marie, elle, se soumet d’emblée sans aucune hésitation à l’ordre supérieur de la foi ; l’Immaculée est si parfaitement ajustée à la volonté de Dieu qu’elle ne ressent ni n’émet la moindre réticence à comprendre et à accepter ce qui dépasse son entendement et à s’y conformer bien que son honneur soit en cause et que sa vie s’en trouve bouleversée jusque dans sa chair. Nous représentons-nous réellement ce que signifie pour chacun de nous l’abandon à une telle confiance, horizon de la conversion permanente qu’est la foi ?

Est-ce à dire que la foi serait la condition sine qua non de toute justice ? Si foi et justice sont inséparables pour le fidèle que l’Évangile éduque à l’appréciation du juste et de l’injuste, n’oublions pas que Dieu travaille le cœur de tout homme quel qu’il soit et quelle que soit sa croyance explicite. Ainsi, nombre de nos semblables « non-croyants » ou d’une foi différemment adressée partagent l’humilité de reconnaître le manque de discernement qui les soumet au désir immédiat, lequel est favorisé par une époque qui pousse à la satisfaction de besoins sans examen de leur réalité ni de leur nocivité pour le prochain, pour l’équilibre social et pour la sauvegarde de la nature. De même, l’époque noie la conscience sous les injonctions à penser la justice — ou à l’oublier — selon les faveurs et les condamnations toutes faites promues par des médias et des réseaux envahissants. Reconnaissons-nous également, nous fidèles, ces terribles tentations et luttons-nous suffisamment contre elles ? La question de la justice se pose avant tout dans une démarche d’intériorité : prendre le temps de discerner en soi la décision équilibrée, d’y trouver le courage de l’action juste, guidé en son âme et conscience par l’Esprit qui œuvre en elles, Esprit à qui la conversion signifie de donner, bien qu’il nous dépasse — et précisément parce qu’il nous dépasse — une place toujours plus décisive dans la conduite de nos vies. Plus la conscience et les actes du fidèle sont ajustés à la volonté divine et plus il se rapproche de la justice. Celui qui se sent loin de la foi mais qui ajuste sa conscience et ses actes à un bien supérieur, lui aussi se rapproche de la justice, et ainsi, sans le savoir ni le vouloir, ni même y croire, se rapproche de Dieu, car « Dieu est celui que rend juste », dit saint Paul (Rm 8,33). Dans tous les cas, celui qui pratique la vertu cardinale de la justice est donc naturellement porté à la conversion, et inversement, plus la justice règne dans sa vie et plus le mouvement de sa conversion s’affirme juste.

Le comité de rédaction