Un livre

S.Hanihina, Le Tube de Coolidge, Paris, Lattès, 2024, 288 pages, 20 €.

Le Tube de Coolidge, un titre singulier. Il ne s’agit pas d’un ouvrage permettant à un ancien Président des États-Unis de sortir de l’ombre dans laquelle l’a plongé la marche du temps mais du roman d’une enfance douloureuse qu’un tube constitué d’une ampoule de verre et d’un filament de tungstène a exhumée. Des clichés radiographiques et des diagnostics médicaux vieux de plusieurs années font surgir un passé enfoui dans les nimbes de l’esprit. Le souvenir d’une histoire d’amour qui plonge dans l’horreur des violences. La rencontre en 1966 d’une jolie Européenne avec un adonis tunisien. Un mariage qui augure une vie heureuse. Mais là s’arrête le rêve, le jeune Tunisien, ambitieux, devenu médecin, souffrant du racisme d’une France des années 1960 en pleine décolonisation fuit sa famille, plonge dans les addictions de tous ordres, ne réapparaissant que pour susciter l’angoisse, pour violenter et abandonner à nouveau les siens. Entre France et Tunisie, c’est la descente aux enfers. Ce livre ne relate pas des souvenirs d’enfance mais plutôt des souffrances et de rares éclairs de joie. Triste récit intime qui pourrait contribuer, à l’aube de la maturité, à exorciser une jeunesse blessée. La résilience passe peut-être par ce roman. Au fil des pages, le malaise ne cesse de gagner ; l’air noir, celui des ténèbres, de la nuit, de l’enfer, du diable court tout au long du récit. Une mère qui espère toujours, malgré les coups, en un amour illusoire chimérique ; un frère victime qui plonge dans le mutisme. Mona seule échappe au bourreau, mais nourrit un sentiment de profonde solitude que le morne silence des grands-parents ne peut endiguer.
Lorsque l’enfance fut un long fleuve tranquille, il est difficile d’imaginer ce que certains ont vécu. Lorsqu’on les côtoie, il est souvent ardu de comprendre certaines de leurs réactions, de leurs silences, de leurs regards, de leurs attitudes… Sonia-Mona bouleverse le lecteur qui, désormais, met un visage sur l’enfer que certains, voire beaucoup, ont enduré durant nombre d’années. On ne sort pas indemne après avoir lu Le Tube de Coolidge mais on sait que l’on a grandi en humanité. On espère que, pour Mona/Sonia, ce roman contribuera à une certaine résilience, à un apaisement sur le chemin d’une vie qui est encore longue et qui lui permettra peut-être de retrouver, sinon Elyas/Mehdi, du moins son souvenir. Ce livre est une pépite ciselée par des phrases courtes mais tranchantes, dans lesquelles se glissent des expressions arabes et berbères, servie par un vocabulaire précis et des paroles jaillissant d’un cœur meurtri à jamais. La colère jaillit à chaque ligne.
Un roman bouleversant à lire !

Érik Lambert.

événements octobre

Quand 👉 Le samedi 5 octobre 2024 à 18h30
Où 👉 à l’église Saint Germain l’Auxerrois
2 rue de Rosny -94120 Fontenay sous-bois

✨Après la messe, pot d’amitié au centre pastoral,17 bis rue de Rosny, salle Jean-Paul II ✨


‼️ Formation en présentiel ou distanciel ‼️

8 jeudis à partir du 7 novembre 2024 et jusqu’au 23 janvier 2025, de 17h à 19H
➡️ 12 h de formation : 8 jeudis à partir du 7 novembre 2024 et jusqu’au 23 janvier 2025, de 17h à 19H
Quand 👉 Les jeudis 7 novembre, 21 novembre, 5 décembre et 19 décembre 2024, 9 janvier et 23 janvier 2025, de 17h à 19h
Formation 👉 par François DELMAS-GOYON à la Faculté Loyola (anciennement Centre Sèvres).
Où 👉 En présentiel au 35bis, rue de Sèvres, 75006 Paris
Inscription 👉 site de la faculté Loyola
Tarif 👉 144 € – Possibilité de tarifs réduits.


Au programme :

  • Approche historique, philosophique et théologique du cantique des créatures.
  • Ecologie intégrale : Cri de la terre et cri des pauvres.
  • Actualité du Cantique des créatures.
  • L’émerveillement et la louange
  • des ateliers : Louer en prenant soin de la création
  • des activités pour les enfants et les jeunes.

Programme détaillé, coûts (jusqu’au 15 décembre 2024) et modalités d’inscription 👉 C’est Ici

EDITO OCTOBRE

N’ayons pas peur

La mondialisation qui suivit l’écroulement du bloc soviétique nous fut présentée comme l’aube d’une ère de paix garantie par les grandes démocraties occidentales — les USA triomphants et leur alliée déférente, l’Europe unie alors en pleine extension — assortissant leur promesse pacifique de celle d’une abondance pour tous les peuples à laquelle pourvoirait le libre marché mondial. Force est de constater après trente-cinq ans de globalisation menée tambour battant qu’il n’en fut rien, qu’au contraire, localement comme internationalement, injustices et inégalités se sont notoirement accentuées, les conflits se sont intensifiés et multipliés, et les grandes puissances toutes désormais acquises aux dogmes du profit capitaliste s’affrontent de plus belle pour la suprématie impérialiste. Elles ne peuvent le faire directement sans risquer un embrasement qui signerait la fin du monde — et pire encore : la fin des affaires. Elles s’y livrent donc en jouant avec le feu sur le terrain de conflits régionaux, certes dévastateurs, mais circonscrits, où de plus faibles s’entretuent par millions en pensant défendre des causes qu’ils jugent nobles quand, tout bien pesé, le ressort déterminant d’une telle multiplication de violence et d’horreurs est la prédation ultra-libérale des plus forts en concurrence pour la domination du monde : USA décadents qui s’obstinent à croire encore à leur hégémonie, Europe suiveuse qui s’essouffle dans sa course à l’échalote, Chine et Russie en tête de gondole de ce qu’on appelle « le Sud global », qu’il serait plus franc de nommer « pays de Cocagne du bon temps des colonies ». Si l’on veut bien y songer un moment loin de la propagande servie par les médias qui pousse à choisir un camp avec sa logique absurde, partiale et mensongère de bons et de méchants, rien n’empêcherait ces mêmes grands pays d’employer leur puissance opulente à éteindre les conflits plutôt qu’à les alimenter en armes, en tactiques et au besoin en prétextes, voire à les provoquer avec des alibis humanitaires et démocratiques indécents. On découvrirait alors deux choses : une, que les bombes ne tombent jamais là où il n’y a pas de pouvoir à prendre et de pactole à ramasser ; deux, puisque les massacres lointains nous émeuvent si moindrement : que nous aussi, spectateurs qui applaudissons ou déplorons derrière nos téléviseurs, nous ne sommes pas à l’abri d’être appelés à tuer et à nous faire tuer, pour peu que ceux qui de haut nous gouvernent jugeraient opportun que la guerre les confirme dans leur domination vorace.

Ce tableau peut paraître simpliste ; en effet, beaucoup de paramètres interviennent dans l’actuelle situation globalement explosive : réchauffement climatique, surpopulation, héritage colonial, corruption locale, épuisement des ressources… et chaque situation particulière a ses spécificités et sa complexité. Pourtant, afin d’agir en bienheureux artisans de paix, il nous faut identifier les causes profondes de la guerre dans leur grande et tragique simplicité uniforme : la convoitise et la domination insatiables qui engendrent injustice et violence. Il nous faut les identifier en nous, fils de Caïn, tant ces penchants que Satan flatta en vain pour tenter Jésus au désert sont terriblement humains, et rendre la charité plus forte en nous afin de nous en guérir par l’amour du prochain, ami comme ennemi, car il n’y a aucun mérite à aimer ceux qui nous aiment (Marc 5:46). Il nous faut également et indispensablement les identifier dans la société afin de l’en guérir par le partage équitable et la juste exploitation raisonnée des richesses naturelles que la création met à notre disposition commune, et par le respect indissociable, égal et absolu de toute vie de la naissance à la mort. Rappelons-nous le Psaume 84 : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent. » Le combat pour la paix, d’une âpreté et d’une difficulté infinies, est celui du bien contre le mal, dans lequel le bien s’interdit par nature et par choix d’utiliser les mêmes armes de violence, de mensonge, de domination et d’injustice. Il commence par la recherche obstinée de la vérité en son âme et conscience et se poursuit par l’écoute, le dialogue, la compréhension de la souffrance de l’autre, tel François avec le loup de Gubbio ou avec le Sultan à Damiette alors que deux armées se font face. Il demande un courage extraordinaire pour ne pas fuir comme pour ne pas laisser la peur nous convaincre que la violence est le seul recours, pour rendre à César ce qui est à César — une ridicule effigie sur un rond de métal — et contribuer au seul trésor qui est dans les cieux. « Si quelqu’un te frappe sur une joue, tends-lui aussi l’autre joue » (Luc 6:29) ; au contraire d’une injonction à la soumission, ce conseil est une exhortation à ce que le mal déteste à en mourir : qu’on lui tourne le dos pour avancer résolument vers la vérité qui est Paix et Bien.

Le comité de rédaction

OUVERTURE des 7 SCEAUX (ch.6 à 8, 1 – suite)

– L’ouverture du 6ème sceau déclenche un bouleversement cosmique (6, 12-15)
II est intéressant de noter que l’auteur de l’Apocalypse ne dit rien d’autre que ce que disait Jésus à propos de la fin du monde :

Marc 13Luc 21Matthieu 24Apocalypse 6
guerresguerresguerresguerres (6)
tremblements de terretremblements de terrefaminefamine
faminespestepestepeste (8)
persécutionsfaminetremblement de terrepersécutions (9-11)
phénomènes célestesphénomènes célestes terrifiantspersécutionstremblements de terres
persécutionsphénomènes célestes terrifiantsphénomènes célestes terrifiants
phénomènes cosmiques
effroieffroi des hommes (12-14)

Isaïe 34, 4 –  » Toutes les puissances des cieux seront consumées, le ciel sera enroulé comme un livre, et tous les astres tomberont, comme les feuilles d’une vigne, comme les feuilles d’un figuier « .
➡️ D’où une panique générale (15-16)
• elle est universelle, il s’agit de l’humanité entière,
• elle va des plus grands aux plus humbles, dans une énumération de 7 catégories d’hommes.
• elle a pour motif la colère conjointe de Dieu et de l’Agneau, le « jour de la colère » signifiant dans l’A.T. le jour final où Dieu va rendre justice. Donc, autre façon ici d’indiquer que l’Agneau partage ce pouvoir.
➡️ Et donc la question angoissante (17) : Qui donc pourra subsister ? La réponse est dans le ch. 7.

DIEU met les siens à l’abri (7/1-8) — En réchappera d’abord le « Reste » d’Israël, les 144.000…
➡️ La punition est suspendue : 4 anges retiennent les 4 vents, c.-à-d. les forces aveugles du cosmos. Et le salut pointe : un ange vient de l’Orient, d’où viennent en général les interventions salvifiques de Dieu.
➡️ Le front des justes est marqué d’un sceau : la scène est inspirée d’une scène fameuse du prophète Ezéchiel :  » Le Dieu d’Israël appela un homme vêtu de lin… et lui dit : « Passe au milieu de la ville, Jérusalem, et tu marqueras d’un TAU au front les hommes qui gémissent sur toutes les abominations qui se commettent au milieu d’elle« . Et aux autres il dit : « Tuez-les jusqu’à extermination, mais n’approchez pas de ceux qui sont marqués d’un signe » (9/4-6).

➡️ Ils sont 144.000 = 12 au carré X mille : ce n’est pas l’infini, c’est la plénitude des « justes » en Israël (les 12 tribus). Tout, absolument tout ce que Dieu a pu trouver comme « juste » en Israël, il le met à l’abri.

La grande FETE du CIEL (7/9-17) – En réchappera aussi la « foule innombrable » des élus du N.T. Un des plus beaux passages de 1’Apocalypse.
Isaïe 49/10
 » Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, et la chaleur du soleil ne les abattra plus ; mais celui qui a pitié d’eux les consolera et les conduira vers les sources d’eaux. « 
Isaïe 25/8
 » … Et le Seigneur essuiera toute larme sur tout visage… « 

➡️ Une « foule innombrable » cosmopolite (il s’agit donc de l’Eglise ouverte aux païens) – Tous en vêtements blancs (signe de l’appartenance au monde divin, donc des élus).
➡️ Qui sont-ils ? – Deux opinions, selon l’interprétation que l’on donne aux deux phrases : «  Ils viennent de la grande épreuve  » – «  ils ont lavé leur robe dans le sang de l’Agneau  » :

  1. Il s’agirait des martyrs chrétiens : la  » grande épreuve » étant le martyre, et leur martyre ayant été une participation à la Passion du Christ.
  2. Il s’agirait des chrétiens tout court, fidèles jusqu’au bout : la « grande épreuve » étant simplement la persécution, et leur « robe lavée dans le sang de l’Agneau » étant leur baptême (« baptisés dans la mort du Christ »).

➡️ Mais comment du sang peut-il laver ? – Rappelons-nous que les images de l’Apocalypse ne montrent pas, mais qu’elles signifient, voulant dire ici que leur martyre – ou leur baptême – a effacé toutes leurs fautes.
➡️ Tout le monde créé (anges, anciens, animaux) se prosterne et proclame un « septénaire » d’action de grâces à Dieu : remarquons qu’il est identique à celui qui était adressé plus haut à l’Agneau (5/12).
➡️ Le ciel pour les élus c’est l’intimité avec Dieu (ils sont « dans sa tente ») et avec l’Agneau (ils sont sous la houlette d’un Bon Berger). C’est une anticipation de la vision de la Jérusalem céleste des ch. 21-22.

Ouverture du 7ème sceau (8/1) – Rien. Le contenu, c’est le silence solennel d’une 1/2 heure…
Saisissement de joie ? Attente de l’avènement du « Jour du Seigneur » ? …

Fr. Joseph

Ressenti Personnel par rapport à mon parcours de formation qui s’est déroulédu 14 octobre 2023, au 25 mai 2024.

Ce document concerne uniquement mon ressenti et surtout les résonnances spirituelles personnelles éprouvées tout au long de ce parcours de formation Il n’engage que moi et non mes formateurs que je remercie et pour lesquels j’ai la plus grande gratitude.

Chemin de conversion de St François,
Le début de sa vie était banal, celui d’un fils de riche commerçant. A quel moment a eu lieu le point de bascule ? Pour moi je le ressens profondément au moment de son baiser au lépreux. Il n’a pas embrassé un lépreux mais les plaies du Christ, il a serré dans ses bras le Christ agonisant, il a partagé et vécu sa souffrance. Il a été touché en plein cœur. A partir de cet instant plus rien n’a été pareil pour lui, cela a changé le cours de sa vie, et il m’entraîne avec lui. La croix n’est plus pour moi seulement un symbole de mon appartenance à la foi chrétienne, mais c’est un symbole de changement, de conversion et d’amour. Le passage obligé pour mourir à mes propres erreurs et ressusciter à une vie nouvelle dans l’amour du Christ, dans l’amour de Dieu, de toutes ses créatures et de toute la création.

Les balises sur son chemin de conversion : l’Humilité – la Pauvreté- la Fraternité

L’humilité de St François selon l’évangile demande une conversion ce n’est pas se dévaloriser, ni manquer de confiance en soi, ni avoir des complexes d’infériorité, c’est convertir notre instinct de domination en volonté de service, avoir présent dans notre cœur le souci de SERVIR Dieu, de SERVIR l’Autre, car dans l’Autre Jésus m’attend. C’est cesser d’avoir un sentiment de culpabilité qui agit sur moi comme une contrainte lorsque l’autre ne correspond pas à mon idéal de perfection. Je dois accepter avec humilité mes propres limites.

La pauvreté selon St François, ce n’est pas demain me déguiser en mendiant et faire la manche. La pauvreté selon St François s’inspirant de l’évangile c’est la conversion de notre instinct de possession en gratitude pour le Don de Dieu dont je suis le gardien, le gestionnaire. Rien ne nous appartient, même nos inventions sont pour rendre grâce à Dieu et pour aider la création. Etre conscient que rien ne nous appartient cela ne veut pas dire que nous ne devons pas faire fructifier nos dons pour, comme dans l’Évangile, rendre à Dieu plus qu’il nous a confié.
Cette Pauvreté selon St François me rend libre, il n’y a plus d’attaches terrestres seulement le désir de m’enrichir spirituellement.

La Fraternité selon St François et l’Evangile, ce n’est pas, aller uniquement vers ceux qui me ressemblent c’est convertir mon instinct de sélection, d’exclusivité, en attitude bienveillante pour tous, sans rejet, sans jugement, car tous sont mes frères en Jésus-Christ. Nous sommes tous frères car nous avons tous le même père.

Grâce à cette formation je suis sur ce chemin de conversion qui m’amène vers la paix, le détachement et la joie intérieure. Sur ce chemin où l’on pardonne, où l’on se pardonne : les réminiscences, les si j’avais su, les j’aurais dû, pourquoi je n’y ai pas pensé plus tôt. Enfin m’en remettre à Dieu en toute humilité, en prenant conscience et en acceptant mes propres limites.
Ressentir la paix, la joie intérieure, être unie à mon créateur dans sa création universelle.

Jacqueline, fraternité Saint François de Fontenay-sous-Bois

Saint Maximilien Kolbe (2nde partie)

Saint Maximilian Kolbe, né le 8 janvier 1894, mort le 14 août 1941 à Auschwitz.

Revenu en Pologne en 1936, il assista à l’invasion du pays par les troupes allemandes puis soviétiques. La fraternité de Maximilien Kolbe hébergea alors des réfugiés polonais catholiques ou juifs. Les nazis l’arrêtèrent avec ses frères franciscains puis le relâchèrent après lui avoir fait subir des sévices. En février 1941, il fut à nouveau arrêté par la Gestapo pour avoir accueilli des réfugiés. Interné à Varsovie, il fut transféré à Auschwitz le 28 mai 1941 au bloc 11 du bâtiment 18.  

Or, afin de décourager les évasions, il était établi à Auschwitz que si un homme s’échappait, dix hommes seraient tués en représailles. En juillet 1941, un homme ayant fui, le SS-Hauptsturmführer1 commandant adjoint du camp, Karl Fritsch[1] dit aux prisonniers « Vous allez tous payer pour cela. Dix d’entre vous seront enfermés dans le bunker de famine sans nourriture ni eau jusqu’à leur mort ». Les dix furent sélectionnés. Parmi eux, Franciszek Gajowniczek, sergent de l’armée polonaise, emprisonné pour avoir aidé la résistance polonaise. Franciszek2 se serait alors écrié : « Ma pauvre femme ! Mes pauvres enfants ! Que vont-ils faire ? » Quand il poussa ce cri de détresse, le Père Maximilien Kolbe, devenu désormais le matricule 16670 s’avança et aurait dit au commandant : « Je suis prêtre catholique. Laisse-moi prendre sa place. Je suis vieux. Il a une femme et des enfants. » Le commandant Fritsch accepta la substitution. Maximilien Kolbe fut donc jeté dans une cellule du bloc des condamnés, avec les neuf autres prisonniers qu’il soutint par la prière et l’oraison ; les hymnes et les psaumes, communs aux Juifs et aux chrétiens. Encore vivant après avoir passé deux semaines sans rien ni boire ni manger, un Kapo[2] lui administra une injection de phénol le 14 août 1941. Son corps fut brûlé le 15 août, jour de la fête de l’Assomption de la Vierge Marie à laquelle il avait voué sa vie3. Gajowniczek fut libéré du camp d’Auschwitz ; il avait survécu pendant plus de 5 ans et assura : « Aussi longtemps que j’aurai de l’air dans les poumons, je penserai qu’il est de mon devoir de parler aux gens de l’acte d’amour héroïque accompli par Maximilien Kolbe. ». Béatifié le 17 octobre 1971, Saint Maximilien fut canonisé, reconnu martyr de la foi le 10 octobre 1982 en présence de Franciszek Gajowniczek. 

Pour vous, mes enfants, pour vous jeunes qui ne cheminerez pas dans la vie avec des témoins de l’horreur, pour vous qui avez besoin de vous identifier à des héros ; regardez Maximilien Kolbe, debout aux côtés de Martin Luther King, d’Oscar Romero, de Dietrich Bonhoeffer au portail ouest de l’abbaye de Westminster. Lancez-vous « dans l’aventure de la miséricorde » qui consiste à « construire des ponts et à abattre des murs de séparation » pour « secourir le pauvre » et « écouter ceux que nous ne comprenons pas, qui viennent d’autres cultures, d’autres peuples, ceux que nous craignons parce que nous croyons qu’ils peuvent nous faire du mal »[3]

« Que notre amour se manifeste particulièrement quand il s’agit d’accomplir des choses qui ne nous sont pas agréables. Pour progresser dans l’amour de Dieu, en effet, nous ne connaissons pas de livre plus beau et plus vrai que Jésus-Christ crucifié. » Saint Maximilien Kolbe. 

Érik Lambert.


1 Karl Fritsch fut un des multiples rouages de la machine exterminatrice d’Auschwitz. Le plus connu, qui reconnut et décrivit toutes les atrocités commises, fut Rudolf Höss qui a inspiré le « roman » de R. Merle, La mort est mon métier paru en 1952.

2 Aux côtés des 3 000 SS du camp d’Auschwitz, des Kapos, criminels de droit commun chargés de surveiller les autres prisonniers et de les faire travailler. S’ils ne se montrent pas assez efficaces et donc brutaux, ils sont déchus de leur statut et renvoyés avec les autres prisonniers, ce qui signifie pour eux une mise à mort généralement atroce dans la nuit qui suit. De fait, les premiers prisonniers qui arrivèrent à Auschwitz furent trente Kapos allemands. 

3 Pape François, JMJ, Cracovie, 28 juillet 2016. 

 

J.O. Echos…

De passage chez un ami, fin juillet, j’ai attrapé le « virus ». C’est ainsi que j’avais nommé sur mon agenda cet événement unique qui a mobilisé non seulement la France mais le monde sportif au-delà de nos frontières.

« On ne le sait qu’après qu’un moment inaugure » En effet j’ai pris conscience, rapidement, que ce virus m’avait atteint. Dès mon retour à la maison, les symptômes demeuraient : Je retrouvais la même attitude, installé dans un fauteuil, devant la télé, pendant des heures, sans interruption, pour suivre les J.O. planétaires, en direct.

Et c’est sans doute le direct qui nous fait passer de spectateur à acteur. Combien de fois ai-je entendu l’expression : « jamais vu » ou « historique ». Nous n’étions pas dans le récit d’une victoire, acquise par un sportif qui sort de l’ordinaire, mais j’avais l’impression d’être partie prenante de l’action engagée.

Car avec les J.O. nous n’étions plus des spectateurs ordinaires, nous sommes devenus entraineurs ! Arrivé dans le stade comme supporter comme tant d’autres, je devenais, de manière inattendue, « agents de production » par l’effet de notre présence, stimulante, pour les sportifs eux-mêmes. Le supporter acquiert un nouveau rôle en devenant acteur et partenaire.

La joie manifestée après la remise des médailles révèle l’invisible de la préparation. On ne vient pas au stade la bouche en cœur, comme s’il ne s’était rien passé avant. Le temps de la préparation, si invisible soit-il, avant la compétition, est constitutif du résultat. « Je rêvais de cette victoire depuis des années » en dit long aussi sur le désir qui habite le sportif durant l’épreuve de « longue durée » qui précède et qui éclate, en joie ou en pleurs, lors du résultat.

Enfin, je découvre dans ces J.O une manifestation de communion hors frontières. Il existe pour notre humanité une soif de communion universelle et ceux qui ont eu la chance de l’expérimenter ponctuellement révèlent un besoin universel de communion présent dans toute collectivité.

Les sportifs et les politiques qui eurent le désir de remettre les jeux olympiques dans l’actualité ont révélé le “dépassement” comme un sens humain, durable et précieux. J’apprécie cette passion féconde. La petite flamme qui a traversé le temps et l’espace illumine et réchauffe les esprits et les cœurs.

Thierry Gournay
23/8/24 Lille.

« Comment reconnaître la volonté de Dieu et s’y ajuster… en toute liberté ? »

Parler de la volonté de Dieu dans notre vie et de la meilleure manière de nous y ajuster, c’est nous heurter, parfois, à un écueil majeur qui consisterait à croire que Dieu a, par avance, et de manière définitive, tracé un chemin pour chacun d’entre nous. Chemin qu’il nous faudrait à tout prix identifier et suivre le plus fidèlement possible, au risque, sinon, de nous perdre et de nous écarter totalement de ce plan divin… Qu’en serait-il alors de notre liberté ?
Dieu s’adresse ainsi à Israël dans le Livre du Deutéronome : « je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance » (Dt 30,19) car si Dieu a, de toute éternité, un dessein pour l’humanité, c’est celui de son salut et de son bonheur.
« Et nous savons, dit Saint Paul, qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien ». (Rm 8,28)
Dieu veut l’homme debout, vivant et heureux, il lui offre la vie pleine et en abondance (Jn 10,10). Mais Dieu ne s’impose pas, pas plus qu’il n’impose sa volonté…Nous sommes et resterons toujours libres de nos choix. Bien sûr, il pourrait être plus confortable et plus sécurisant pour nous d’emprunter une voie toute tracée, nous affranchissant du doute, de l’incertitude et du risque. Cependant, l’amour bienveillant du Père ne peut nous contraindre ; bien au contraire, il respecte totalement notre liberté. Cela ne signifie pas pour autant que Dieu nous ignore ou nous délaisse. Comme le père du fils prodigue, il patiente, tantôt présent à nos côtés, tantôt nous devançant sur la route, mais toujours prêt à nous accueillir et à construire du neuf avec nous.
Ainsi donc, Dieu n’attend pas de nous une réponse unique et prédéterminée à un plan prévu de longue date. Par contre, son désir est que nous fassions librement des choix, à partir de tout ce qui nous constitue (notre histoire, notre tempérament, nos rencontres, nos envies, nos talents…) afin de répondre aux questions ou aux appels que nous percevons. Pour y parvenir, il nous revient de prendre le temps et les moyens du discernement.
Comme l’écrit Michel Rondet : « Le discernement, dont nous dirons l’importance, ne nous livre pas, tels quels, les projets de Dieu sur nous ; il nous dispose à reconnaitre dans nos désirs et nous souhaits ceux qui peuvent se réclamer de l’Esprit du Christ ; ce n’est pas la même chose ! » (Dieu a-t-il sur chacun de nous une volonté particulière ? revue Christus, n° 144)
Ce discernement s’appuie sur plusieurs éléments : l’accueil et la relecture de certains évènements qui peuvent être autant de signes pour nos choix à venir. Le recours à des personnes de confiance pour nous écouter, nous conseiller, nous accompagner. La fréquentation de la Parole de Dieu, non pour nous dicter notre décision, mais pour conformer cette dernière aux attentes de l’Évangile.
Et surtout la prière, pour purifier nos désirs sous l’action de l’Esprit Saint et nous recentrer sur cette relation intime avec le Père qui ne nous veut que du bien, pour nous rendre libres intérieurement et prêts à tout recevoir.
Ce sont autant d’éléments déterminants pour éclairer notre conscience et notre jugement ; et ce qui vérifie la justesse de la décision prise c’est le climat de paix et de confiance qu’elle engendre.
Pour autant, rien n’est figé. En premier lieu, parce que nous pouvons nous tromper « en toute bonne foi »… (nous l’avons vu avec François d’Assise, dans son interprétation de certains évènements, avant sa conversion.). Ensuite, parce que nos choix, sans être inconstants, peuvent être amenés à évoluer malgré tout, à chaque étape de notre vie, en raison des circonstances, des rencontres…Il ne faut pas en avoir peur, au contraire c’est bien la preuve qu’il n’y a aucun déterminisme en Dieu. « L’amour de Dieu nous précède […] Si Dieu a bien un désir sur nous, c’est d’abord celui de nous voir porter du fruit : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure » (Jn 15,16). « On ne peut mieux souligner à la fois l’antériorité du désir de Dieu et son vœu profond : nous voir assumer pleinement notre liberté. Comme l’amour suscite l’amour, la liberté éveille la liberté : celle de Dieu éveille celle de l’homme. » (Michel Rondet)
L’inattendu fait partie intégrante de notre existence. Il peut nous désarmer ou nous paralyser, mais il peut également nous révéler d’autres perspectives que nous n’avions pas envisagées jusqu’alors.
On ne redira jamais assez l’importance d’une vie intérieure nourrie par la prière. Se mettre à l’écoute de l’Esprit du Seigneur qui habite en nos cœurs… Si nous le laissons agir en nous et nous guider, l’Esprit peut nous libérer de nos égoïsmes et de nos peurs, et nos décisions porteront SES fruits : « voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi ». (Ga 5, 22-23) C’est ainsi que saint Augustin peut dire : « Aime, et fais ce que tu veux. »
Enfin, sommes-nous capables, à l’exemple de François, de renoncer à notre volonté propre pour nous ouvrir à la volonté de Dieu et nous en remettre totalement à son amour, toujours fidèle et bienveillant ? Renoncer à notre volonté, ce n’est en rien subir…c’est choisir, encore une fois librement, de s’abandonner au Père en toute confiance puisqu’il veut notre bonheur, c’est croire à Celui qui voit plus loin et plus grand que nous, puisqu’il nous a créés à l’image de son Fils. C’est lui dire oui, de manière inconditionnelle, et c’est choisir la vie, avec lui, et en redevenir acteur.
Charles de Foucauld l’exprime parfaitement dans sa Prière d’abandon : « Mon Père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira. Quoi que tu fasses de moi, je te remercie. Je suis prêt à tout, j’accepte tout. Pourvu que ta volonté se fasse en moi, en toutes tes créatures, je ne désire rien d’autre, mon Dieu. Je remets mon âme entre tes mains. Je te la donne, mon Dieu, avec tout l’amour de mon cœur, parce que je t’aime, et que ce m’est un besoin d’amour de me donner, de me remettre entre tes mains, sans mesure, avec une infinie confiance, car tu es mon Père. »

P. Clamens-Zalay

Prière de septembre

Mon Dieu, lorsque je me regarde avec les yeux que tu as ouverts avec tant de patience et de subtilité, je vois une âme qui n’aspire qu’à te connaître davantage et qui brûle de te faire connaître de ceux qui se détournent de toi et par là de leur propre vérité. Toi seul as la faculté de leur ouvrir les yeux comme tu l’as fait pour moi, c’est pourquoi j’ose te prier de donner un peu de ta patience et de ta subtilité à ceux qui te cherchent sans savoir que c’est toi qu’ils cherchent, à ceux qui t’ont trouvé sans le savoir et refusent encore de te reconnaître, à ceux qui croient te connaître mais n’adorent qu’une pauvre image de ton éternité réduite à leur propre utilité. Mon Dieu, je te supplie d’éveiller en eux la foi que tu as fait naître et que tu fais grandir en moi, afin que se révèle à eux la profondeur du monde habité par ta présence, et qu’ainsi nous goûtions la saveur de la vraie fraternité dans le giron de ton amour.

Un film

Lors de la sortie du film de Martin Scorsese en octobre 2023, peut-être avez-vous été dissuadés par sa durée (3 heures 26) ou vous attendiez-vous, découragés, à un thriller de plus, à un western de plus. Mais « Killers of the flower moon » (tueurs de la fleur de lune), même s’il fait allusion à ces genres ressassés par l’industrie cinématographique états-unienne (parfois pour notre plaisir), est bien autre chose que cela, et sa durée ne signifie pas longueur : si elle excède les formats commerciaux habituels, c’est pour res-pecter la dimension historique de ce récit et pour restituer le rythme de la profonde mélancolie indienne. Martin Scorsese s’y attèle avec la maestria qu’on lui connaît, épaulé par des acteurs aptes à donner à leur personnage le relief et la complexité qui font généralement défaut aux productions d’un tel volume.

Adapté d’un roman-enquête du journaliste David Grann, « La Note américaine » paru peu avant (2017), le film retrace une longue litanie de meurtres perpétrés dans les an-nées 1920 — hier, donc — dont on ne connaît probablement qu’une infime partie. Ils frappèrent des membres de la tribu Osage après que l’on eut découvert un très important gisement de pétrole sous la portion de prairie qui lui avait été attribuée au titre de ré-serve, dans l’Oklahoma où furent déportées plus de trente tribus amérindiennes (okla humma signifie peuple rouge) avant que cet État fût ouvert aux colons blancs. Le film parle de lui-même : la fortune des Osages fit leur malheur puisque leur grande et sou-daine richesse attira immédiatement les convoitises des colons dont la cupidité et la bru-talité à l’égard des amérindiens ne connurent jamais aucune limite, encouragées par la complaisance des gouvernements quand ils n’en étaient pas les instigateurs. Aussi est-il utile de savoir que les Osages, dont le véritable nom est « Wazházhe » (peuple des eaux du milieu), vivaient initialement dans le Missouri, entre ce fleuve et la rivière Osage à la-quelle ils doivent leur nom anglais. Ils n’arrivèrent dans l’Oklahoma qu’à la suite de dé-portations successives à mesure que la « Conquête » avançait, et que chaque fois le gouvernement les repoussait plus loin vers l’ouest, au mépris total des traités, après avoir découvert les richesses des territoires alloués. La relative normalisation du droit, la prévoyance de leurs chefs et surtout l’achèvement de ladite conquête rendirent juridiquement et géographiquement impossible de chasser les Osages de leur ultime terre pétrolifère, c’est pourquoi les colonisateurs œuvrèrent cette fois de la manière plus sour-noise décrite dans le film, par l’usurpation, le détournement d’héritage, la mise arbitraire sous tutelle, toutes sortes de malversations et de prévarications opérées sous les yeux d’autorités à la myopie bienveillante, jusqu’au meurtre pur et simple. Le seul reproche que l’on puisse faire au film est d’adopter le point de vue états-unien pour raconter cette terrible histoire essentiellement à travers les personnages incarnés par Leonardo di Caprio et Robert de Niro, et de donner le rôle du sauveur au FBI qui venait d’être constitué. Le procédé est habituel dans le cinéma de ce pays qui, quand il avoue ses crimes, s’en donne aussitôt lui-même l’absolution, mais on eût aimé, pour une fois, que les Osages fussent en mesure de raconter leur propre martyre par la bouche, pourquoi pas, du per-sonnage de Mollie remarquablement interprété par Lily Gladstone.

Ironie de l’Histoire, le racisme plus que tenace que subissent encore aujourd’hui les « Native Américans » n’arrête pas nombre de descendants des « Visages pâles » dans leur recherche effrénée d’un ancêtre Osage afin de toucher une part des revenus de la tribu, bien que ceux-ci dussent encore être arrachés en 2000 au gouvernement à coups de procès, avec un règlement d’arriérés seulement en 2011. Tout cela donne à réfléchir sur l’immense pouvoir de brouillage de l’Histoire que confère aux États-Unis la puissance de suggestion de leur industrie cinématographique, brouillage de l’Histoire mondiale (Seconde Guerre, Vietnam, Irak…) et brouillage de leur propre histoire dont des décennies de fiction habile, souvent talentueuse, sont parvenues à occulter le fonds génocidaire, esclavagiste, structurellement raciste, violent et cupide, pour se présenter comme le modèle de démocratie à l’usage du monde entier, quitte à piétiner inlassablement la fleur de lune.

Jean Chavot