Marguerite de Cortone dans ses écrits ne cesse pas de nous décrire les abîmes de sa propre faiblesse et les sombres ornières de folie ou de crime qu’elle découvre en nous, avec une puissance d’exploration psychologique qui donne parfois une étrange saveur à telle des pages fidèlement transcrites d’après sa dictée.
Pas une de ses lettres qui ne révèle à un très haut point cette faculté étonnante de lire dans les âmes, d’y atteindre jusqu’aux replis les plus obscurs, et d’exposer impitoyablement au jour ce qui s’y trouve caché d’égoïsme ou d’hypocrisie, de mensonge envers les autres ou envers soi-même. Ou bien, lorsque enfin la visionnaire a obtenu de ses directeurs la permission, longtemps sollicitée, de s’affranchir de la société des hommes pour se livrer tout entière à ses entretiens avec le Christ, c’est alors dans une vue d’ensemble que se déploie devant elle le spectacle tragique des vices et des laideurs de notre humanité.
« Je souffre et je me plains ! lui dit Jésus… des célibataires, qui pèchent contre la pureté (…) des gens mariés, qui font abus du mariage, et vivent en luxurieux (…) des femmes, qui poussent la vanité jusqu’à ne s’occuper que de l’étalage de leurs robes et de leurs parures, et qui par leurs regards conduisent les hommes à pécher (…) des podestats et des gouverneurs qui, au lieu d’avoir les yeux tournés vers moi, ne cherchent que leur honneur terrestre ou l’acquisition de richesses… » Et l’acte d’accusation se poursuit, minutieux et implacable…
Dès après sa mort Marguerite fut considérée comme sainte et la dévotion populaire faisait appel à elle pour obtenir des faveurs du ciel. Léon X permit à la ville de Cortone de célébrer une fête en son honneur. En 1623, Urbain VIII étendit cette permission à tout l’ordre franciscain. En 1728, Benoît XIII procèda à sa canonisation.
La troupe de la Fraternité de la Beauté de Job a le plaisir de vous raconter comment s’est déroulé notre séjour à Lourdes, pour le spectacle « Heureux, vous les Pauvres !».
Nous sommes partis le mercredi 7 août à 21h00 ! Nous avons voyagé toute la nuit avec deux véhicules ! Quelle joie d’arriver à la Cité St Pierre sous le soleil, même si nous étions fatigués, éreintés par une nuit sans sommeil. Certains ont découvert la Cité St Pierre et les sanctuaires (grotte) pour la première fois dès notre arrivée.
Vendredi et Samedi, nous avons réalisé les deux matinées de bénévolat : Ménage, Lingerie, Pavillon, Plonge. Les après-midis, nous avons pris nos marques sur l’immense scène de 20 m de large à Padre Pio. À partir de dimanche, l’ensemble de la troupe est entré dans le rythme des répétitions et de la construction de la suite de la représentation, certaines réunions nous ont conduit parfois jusqu’à minuit !
Il y a eu des rencontres avec des personnes du pèlerinage Mosaïque (pélé national de l’Assomption) et des bénévoles de la cité St Pierre. Ils nous ont rejoint sur scène pour apporter leur contribution à notre réflexion : ça veut dire quoi pour vous « Heureux, vous les pauvres » ?
Mercredi 14 soir, veille de la représentation, nous sommes tous descendus dans les sanctuaires (comme nous l’avions fait le 1er soir de notre arrivée) pour vivre ensemble le pèlerinage à la grotte, boire et se laver à la source, et déposer un cierge pour chacune de nos intentions, et confier chacun à la grâce de Dieu… Nous en avons profité également pour soigner la fraternité et se réjouir en dégustant une bonne glace !
La répétition générale s’est déroulée le jeudi 15 après-midi. Puis, nous avons joué à 20h30, devant environ 350 personnes ! Le public a apprécié, il y a eu de l’émotion, des larmes de joie et des larmes de tristesse… le public a été captivé ! Et les enfants ont ri de bon cœur devant les pitreries des uns et des autres ! Parmi les spectateurs, nous avons eu le bonheur d’accueillir le père Cabes, recteur des sanctuaires et Mgr Herouard, envoyé par le Pape François pour soutenir les sanctuaires, malgré leur longue journée de présence dans les sanctuaires !
Reportage de Laurent Jarneau, grand reporter au Sanctuaire de Lourdes, qui raconte la résidence d’artiste jusqu’à la représentation.
Journées d’Amitié du 8 au 11 novembre au monastère des Annonciades à Thiais
8ème CENTENAIRE DE LA RENCONTRE ENTRE FRANÇOIS D’ASSISE ET LE SULTAN AL-KAMIL
Dans le cadre des 20e Semaines de Rencontres Islamo-Chrétiennes (SERIC) organisées par le GAIC et à l’initiative de la Fraternité franciscaine séculière de Paris, Table-ronde suivie d’un concert de musiques sacrées, chrétienne et musulmane “Dieu nous envoie en mission, est-ce pour convertir les infidèles ? Et quel but poursuivent les musulmans lorsqu’ils invitent les autres à “écouter le message de l’islam” ? Pourquoi François et le sultan n’en sont-ils pas arrivés au clash ? Le samedi 9 novembre à 14h30 Au couvent Saint-François, 7 rue Marie-Rose, Paris 14ème.
VOYAGE D’ETUDE POUR ALLER A LA RENCONTRE DES CHRETIENS ET DES MUSULMANS D’EGYPTE
Avec les pèlerinages franciscains, partez en Egypte du 21 novembre au 1er décembre.
Voyage accompagné par Mgr Jean-Marc Aveline, Fr. Stéphane Delavelle, P. Vincent Feroldi, fr. Dominique Joly Renseignements : ici
Etre là devant toi, Seigneur, ne rien dire, attendre.
Etre là seulement et te laisser parler,
suspendre un moment toute ma volonté à ta seule volonté,
me tendre dans un effort de pureté, de fidélité.
Etre là seulement et me laisser faire,
t’exposer mon âme, attendre et ne rien dire.
Etre là, vivre de ta présence, attentif à ta voix.
Etre là, simplement, m’ouvrir à ton amour
et te dire « merci » d’être là pour moi,
toi, Seigneur.
« Désolé, nous vous avons manqué. » C’est l’intitulé de l’avis de passage que Ricky Tur-ner laisse aux clients à qui il n’a pas pu livrer leur colis. Il a enchaîné les petits boulots après la perte de son emploi dans le bâtiment. En désespoir de cause, la solution de devenir chauffeur-livreur pour une franchise uberisée se présente comme une aubaine. Lui et sa femme Abby rêvent d’une maison bien à eux. Aide à domicile, elle court d’une personne âgée à l’autre, pour sa toilette, son lever, son coucher, ou pour la soulager de ses douleurs ou de ses souillures. Elle se donne sans réserve pour ceux qu’elle se refuse à appeler ses « clients ; quatorze heures par jour, comme son mari. Tous les deux s’évertuent à maintenir la cohésion de leur couple et de leur famille malgré leurs journées exténuantes, afin d’offrir une vie à leurs enfants : la petite Liza Jane dans la candeur lucide des ses onze ans et son grand frère Seb, adolescent doué, à fleur de peau, qui ne se voit aucun avenir.
Ken Loach livre une chronique de la manière dont l’ultra-libéralisme de la société britannique (par exemple) affecte une famille, disloque les liens et broie les individus dans une course perdue d’avance contre la misère moderne. Cette course est parallèle à une autre course : celle au rendement et à l’hyper profit auquel les Turner du monde entier n’auront jamais part, bien que seul leur travail génère la richesse d’autres, les « happy few » invisibles qui déterminent impitoyablement leurs destins. Ken Loach décrit les effets de cette mécanique socio-économique avec une véracité naturaliste d’une précision et d’une exigence qui ne cède rien à l’esthétisme narcissique de beaucoup de réalisateurs actuels, prisonniers des redondances de l’existentialisme bourgeois. Lui est tout entier dévoué à son sujet, servi par des acteurs magnifiques qui ne donnent jamais le sentiment de jouer, mais celui d’exister sous nos yeux. Ils incarnent magistralement nos voisins, nos cousins, nos soeurs et nos frères, nous-mêmes, un peuple à la puissante rage de vivre, doué, aimant, généreux, maltraité, méprisé, écrasé par un capitalisme inhumain.
Sorry, we missed you est un de ces films rares avec lesquels on se réveille le lendemain comme si on avait vécu soi-même l’histoire racontée la veille. Et dans ce cas, l’impression est légitime. C’est bien de nous et de notre monde qu’il s’agit.
Jean Chavot
L’ESPION QUI VENAIT DU SUD. « FALCO » d’Arturo Pèrez-Reverte
Arturo Pèrez-Reverte fit du capitaine Alatriste un bretteur aux aventures picaresques dans l’Espagne du XVII°siècle. Sans doute le sang ibérique de Perez-Reverte ne put que le rendre sensible aux années noires de la guerre civile espagnole, théâtre de son nouveau roman. Son Alatriste moderne plongé dans les troubles des années 1930 a pour nom Falcò. Solitaire et cynique, il est un séducteur impénitent qui sert d’abord ses intérêts. Mercenaire au service d’une officine nationaliste poursuivant d’obscurs desseins, aventurier au lourd passé d’espion à la retraite et de trafiquant d’armes, Falcò est un fascinant personnage à la Humphrey Bogart. Curieusement fidèle, peu frileux à exécuter les sordides ordres de bourreaux, l’espion navigue avec aisance en eaux troubles. Sa complice, Eva Rengel, froide et déterminée, perturbe le séducteur. Femme belle, troublante, sexy et insaisissable, elle oublie sa froideur lors d’ébats sexuels qui entraînent le héros phallocrate dans un hasardeux sentiment amoureux. Sa mission, qu’il a acceptée, consiste à organiser l’évasion de José Antonio Primo de Rivera détenu dans les geôles républicaines. Lorsque l’on connaît les sombres événements d’alors, il ne fait guère de doute que l’opération sera vouée à l’échec. En effet, José fut exécuté à Alicante dès novembre 1936. Principal martyr du régime franquiste, deux fois exhumé, enterré en la basilique Sainte-Croix Del valle de los caidos puis au monastère de l’Escurial, Pérez-Reverte nourrit l’hypothèse qu’il fut victime des ambitions des frères Franco. Fin et impartial connaisseur de la guerre civile, le romancier campe des nationalistes engagés dans une croisade mais déchirés entre phalangistes idéologues et franquistes pragmatiques alors que les républicains paraissent opportunistes et divisés. Une telle configuration est propice à l’engagement des puissances de l’Axe et de l’URSS qui répètent leurs gammes sur le terrain espagnol.
Ce petit livre à la première de couverture insipide offre tous les ingrédients du roman d’espionnage sur fond de grande histoire. Pourtant, si on se laisse entraîner dans ces aventures noires, nourries au bal des ambitions enflammées par les affres de la guerre civile ; on demeure un peu déçu, car Falcò n’est ni Bernie Gunther ni Daniel Sempere. Force est de constater que le lecteur conquis par Le Club Dumas ou Le Tableau du maître flamand ne retrouvera pas dans ce roman la plume alerte qui fit de Pèrez-Reverte le créateur du capitaine Alatriste, héros romanesque et chevaleresque. On nourrit la curieuse impression que la description des sentiments et la platitude avec laquelle les personnages échangent des regards trahissent la lassitude de l’auteur à décrire les émois de l’âme.
Le fanatisme politique, les complots, la torture et les empoignades sont autant d’ingrédients qui entraînent le lecteur en un rythme tumultueux jusqu’à l’ultime rebondissement qui suggère qu’un tel personnage n’est pas au bout de ses aventures. Le débat actuel sur l’avenir de la dépouille de Franco illustre le poids d’un passé désormais lointain mais toujours vivace que Falcò réveille. Puisse Pérez-Reverte être plus soucieux des sentiments des personnages dans le second opus des aventures de l’espion sans foi ni loi.
Certains jours sont épinglés dans nos mémoires — comme le jour de l’An, ou le 11 septembre à New-York — et d’autres parce qu’ils nous touchent plus personnellement. En cette saison automnale, la date du 2 Novembre fait figure d’intruse. De quoi s’agit-il ? Qui d’entre nous, aujourd’hui, connaît le sens de ce jour particulier que certains calendriers nomment encore : « souvenir des défunts ».
Disons tout de suite que la manière anonyme de nommer cette date fait oublier le souvenir de ces hommes et de ces femmes qui furent vivants pour nous, avant de disparaître. L’histoire de chacune et chacun a d’abord le poids de sa vie personnelle avant d’entrer dans le silence de l’Histoire de l’humanité.
Tous donnent leur vie, certains sans violence et sans bruit, d’autres d’une manière tragique ou brutale, certains dans une lutte quotidienne ignorée et d’autres dans une lutte déclarée, blessés par l’ennemi du moment ou marqués par l’issue d’un conflit. La mort peut être la fin d’un combat au goutte à goutte, mais la vie est donnée et c’est le versant positif du cycle de la vie et de la mort, le mystère pascal auquel personne n’échappe.
Thérèse de Lisieux ne fit pas beaucoup parler d’elle durant sa brève existence menée à l’écart de tout, par choix et aussi à cause de l’épreuve de la maladie. Proche de la mort, elle murmure cette parole : « je ne meurs pas, j’entre dans la Vie ». Elle donne, en peu de mots, la réalité de la vie spirituelle et c’est une Bonne Nouvelle dont elle témoigne : la Vie éternelle n’est pas un temps précis, ni passé ni à venir. Thérèse donne une autre lecture de la Vie : L’Eternité en Dieu pulvérise les catégories de notre histoire humaine.
La référence à l’Evangile apporte quelques éléments de ce qu’est la vie nouvelle en Dieu. L’expression « Ne me retiens pas » en dit long sur la distance et la proximité du royaume. Et nous sommes tous concernés. À partir de la résurrection de Jésus, les disciples ne peuvent plus s’interroger : « qui nous roulera la pierre du tombeau » ? Cette question devient vaine dans l’univers de Dieu.
En entrant dans la foi, nous entrons dans le mystère de Dieu et nous passons de la mort à la vie. Nous devenons des « Eveillés » et nous comprenons mieux cette parole de Paul : « vous êtes le corps du Christ». C’est une identité et un projet à intégrer à notre propre parcours personnel.
Faire mémoire de ceux et de celles qui nous ont précédés, c’est se situer à ce niveau de l’existence. Evoquer leur souvenir, c’est prendre en compte la vie et la mort données pour que d’autres vivent. Leur vie nous réconforte, nous fortifie et nous en sommes pleins de reconnaissance. Le jour particulier du 2 Novembre comporte ce passé invisible d’une vie traversée qui nous construit et dont nous sommes solidaires.
François n’a pas connu le martyre, il n’a pas converti le sultan, mais il s’est fait un ami.
Nous célébrons ces jours-ci le souvenir de la rencontre de Frère François avec le Sultan d’Egypte. Initiative impensable sans doute dans l’esprit de ses contemporains, de quelque parti qu’ils soient. Car il s’agit bien d’une décision personnelle de François : en période de guerre sainte, déclarée par l’Eglise universelle à l’ennemi musulman, il a décidé de participer au combat avec les armes de la foi. Il part donc avec la volonté de trouver le martyre, ou à défaut de convertir le chef des armées ennemies à la foi chrétienne ; on ne peut qu’être admiratif devant une telle audace, alors que la tête de chaque chrétien valait une pièce d’or à qui la rapportait. Le premier étonnement est donc que François et son compagnon aient réussi à franchir les lignes de front et à atteindre vivants le campement du Sultan ; le second que celui-ci ait reconnu en lui un homme animé par l’esprit de Dieu. Lequel des deux hommes a converti l’autre ? Difficile à dire, mais on peut penser qu’ils se sont mutuellement reconnus frères, ce qui a conduit le sultan à donner à François et à ses frères la permission de se déplacer et de prêcher sur les territoires sous son contrôle sans être inquiétés. (Fioretti 24, Actus 27,12) François n’a pas connu le martyre, il n’a pas converti le sultan, mais il s’est fait un ami.
Aujourd’hui nous côtoyons dans nos villes des hommes et des femmes de toutes couleurs, ethnies, nationalités, cultures et religions, bref des gens très différents de nous et cela suscite des inquiétudes, des peurs, et même la tentation du rejet, de l’exclusion de ceux qui alors sont considérés comme des envahisseurs. Certains sont dans les services publics, d’autres nos collègues, leurs enfants sont les camarades de classe des nôtres ; d’autres enfin galèrent et vivent clandestinement en espérant des jours meilleurs. Nous en rencontrons aussi un grand nombre dans nos églises. Nous ne pouvons les ignorer, et nous avons le devoir de les accueillir dignement ; nous sommes contraints de vivre ensemble, au-delà de tout ce qui peut nous séparer, simplement parce qu’ils sont là.
Essayons donc de vivre avec simplicité au milieu de ce peuple en témoignant, comme le fit François, de ce qui nous anime, sans rien renier de l’évangile, sans vouloir convertir quiconque, en étant simplement nous-mêmes ; ce peut-être le bon remède pour apaiser les tensions communautaires qui agitent notre société. Si nous réussissons, nous nous ferons des amis et nous serons de vrais héritiers de François, de véritables artisans de paix.
Giunta Bevegnati, son confesseur, a relaté sa vie, et notamment une apparition du Seigneur qui s’adressa à elle en ces termes : « Mets tes mains sur les plaies de mes mains ». Elle n’osait, et lui disait : « Non, Seigneur ». Soudain s’ouvrit la blessure du côté, et, dans cette ouverture, elle vit le Cœur du Sauveur. Dans ce transport, elle embrassait son Seigneur crucifié, et était enlevé par lui au ciel.
Et plus loin, relatant l’apparition du 3 juin 1291 : « M’aimes-tu ? », lui demandait son divin Rédempteur. « Non seulement je vous aime, mais, si c’est votre plaisir, je désire habiter dans votre Cœur. » « Pourquoi veux-tu habiter dans mon Cœur et n’entres-tu pas dans la blessure de mon côté ? » « Seigneur, si je suis dans votre Cœur, je suis dans la blessure de votre côté, je suis dans les plaies des pieds et des mains, je suis dans la couronne d’épines, je suis dans le fiel et dans le vinaigre… »
Il lui dira encore : « Souviens-toi, ma fille, de ce que je t’ai révélé dès mes premières communications : c’est que le sang de mon Cœur doit être l’aliment de ta piété ».
113 courtes nouvelles qui dénoncent l’absurdité de la guerre et des horreurs qu’elle engendre.
Ce ne sont pas les ouvrages témoignant de la première guerre mondiale qui manquent. Britanniques, Français, Allemands ont relaté leur expérience du conflit. De Barbusse en 1916 à Lemaitre en 2013, à de multiples reprises, le Goncourt honora des ouvrages qui évoquaient la « Guerre de 14 ». Elle demeure si présente dans les mémoires qu’elle fut qualifiée de « Grande Guerre » avec deux G majuscules.
Toutefois, peu d’écrits américains rapportèrent ce que vécurent les combattants du nouveau monde dans les tranchées. Certes, il y eut le très pacifiste Johnny s’en va-t’en guerre de Dalton Trumbo, il y eut aussi Hemingway, mais La Compagnie K de William March n’eut que tardivement les honneurs de la traduction en France.
Arrivé en Europe en mars 1918, March participa aux combats du bois Belleau, de Soissons et Saint-Mihiel. Ses blessures et son comportement au feu lui valurent la Croix de guerre, la Distinguished Service Cross et la Navy Cross… Né William Edward Campbell, il ne sortit pas indemne de son expérience. Comme d’autres, il fut victime de troubles post-traumatiques, déjà décrits dans l’Épopée de Gilgamesh, dans Homère ou Hérodote, mais le phénomène foisonna à la faveur du premier conflit mondial. Assailli par les fantômes de ses camarades morts ou mutilés, hanté par l’éphémère masque évanescent du jeune Allemand qu’il avait immolé à la baïonnette ; il plongea dans une profonde dépression. Le sentiment de culpabilité, nourri des tueries auxquelles il a participé et auxquelles il a survécu, l’empêcha de raconter sa guerre. Toutefois, en 1933, il publia Company K, compagnie de marines dans laquelle il servit.
113 courtes nouvelles qui ne relatent pas sa propre histoire mais qui dénoncent l’absurdité de la guerre et des horreurs qu’elle engendre. Quelques tranches de vie et de mort, de souffrances au quotidien et de ce que l’homme est capable de faire lorsqu’il porte un uniforme. Chronologiquement rythmées, de la traversée de l’Atlantique à l’émergence des souvenirs d’après-guerre, les acteurs demeurent anonymes tant leur sort est banal. Des saynètes où le rare héroïsme côtoie la lâcheté, où les grades importent peu, où les situations paraissent grotesques, où l’horreur rencontre parfois l’humanité. Brutalité des combats, interminable attente, extravagante propagande, mesquineries humaines et stupidité de la logique militaire constituent le canevas de ce recueil. Situations si improbables, nées de la guerre, qui bouleverse la confortable banalité de la vie quotidienne des temps de paix. Ainsi, en est-il de la burlesque mais tragique mésaventure du soldat Benjamin Hunzinger, considéré comme déserteur pour avoir lutiné une jolie serveuse. On tue, on exécute les prisonniers, on donne des ordres absurdes, on est confronté à des situations ineptes et l’on est aveuglé par la propagande.
Parfois comparé à Remarque, March offre pourtant une œuvre originale d’une centaine de témoignages fictifs ou vécus longs d’une page ou deux, dont la cohérence est ancrée dans la réalité de ce qu’est la guerre.
que nous nous sentions tous frères et sœurs,
que nous sachions sanctifier ton nom
en agissant avec miséricorde.
Que ton règne vienne à nous,
règne de justice, d’amour et de paix.
Que nous apprenions à faire ta volonté
et à nous aimer ici sur terre,
comme tes fils et tes filles s’aiment au ciel.
Donne à tous les hommes le pain de la foi,
de l’espérance et de l’amour.
Fais, Seigneur, que nous oubliions haine et rancœur
Ne permets pas que nous nous habituions aux divisions.
Pardonne les séparations
dues à notre orgueil et à notre incrédulité,
à notre manque de compréhension et de charité.
Garde notre conscience en éveil :
c’est le péché qui divise ce que tu as uni.
Ne nous laisse pas succomber à la tentation d’être durs de cœur.
Délivre-nous de trouver normal
ce qui est un scandale pour le monde
et une offense à ton amour.
Notre Père,
que nous vivions tous comme tes fils et tes filles.
Amen.