Prions en confinement semaine_9

« Père très Saint, avec Saint François d’Assise nous te supplions.
Au nom de Jésus-Christ donne-nous ton Esprit.
Répands-Le sur tous les hommes, toutes les femmes, et tous les enfants,
Sur la Création toute entière.
Qu’Il chasse la pandémie et restaure les corps et les cœurs.
Nous te le demandons à Toi qui vis pour les siècles des siècles.
»

Prière composée par fr Michel Laloux, ministre provincial, en cette période de pandémie.

Cette réflexion se fera, sœurs et frères, tout en continuant l’appel à la prière.

La fidélité

En couple, on se rend compte de la chance d’être ensemble et unis dans cette épreuve de pandémie qui est assez angoissante. Il y a des aspects positifs au confinement, par exemple : se retrouver tous les deux avec du temps libre, sans activités concrètes associatives et avec la possibilité de s’émerveiller sur l’éveil de la nature en ce printemps.
Par ailleurs, nous restons fidèles aux membres de la Fraternité et du CCFD-terre solidaire par téléphone, en veillant à prendre des nouvelles.
Pour la famille et les amis nous ressentons le lien qui s’est renforcé avec nos enfants et petits-enfants, qui nous appellent régulièrement au téléphone et de temps en temps par visio-conférence.
Au niveau de notre foi, nous avons la possibilité de suivre la messe à la télévision avec le Jour du Seigneur et les messes locales retransmises.
Cette crise renforce et fidélise nos convictions sur la nécessité de partager et sur l’attention à porter aux personnes les plus vulnérables, proches ou lointaines, ainsi qu’aux changements de vie à apporter dans la ligne de Laudato Si.

Ma relation à l’autre, expérience de fidélité…

Ce 17 mars 2020 restera en ma mémoire comme un couperet insolite, imprévu, poignant d’incertitude et masquant une certaine gravité de la situation : il fallait s’isoler, ne plus avoir de contact direct ou en groupes, « rester chez soi » !
Après quelques instants de stupeur, mon désir d’optimisme, de réaction à cette situation quelque peu déroutante et les conseils de plusieurs proches bienveillants me firent redécouvrir et apprécier les possibilités de contacts par le téléphone, le numérique et même les « vidéos » que je fréquentais difficilement auparavant ! …Expérience devenue heureuse dans la modernité ambiante même si cela ne remplace jamais le « en chair et en os » !
Cette situation nouvelle m’a fait réfléchir sur l’importance de ma relation à l’autre et combien cet « autre » m’est une force vive et devient, par sa fidélité, essentiel et précieux dans ce contexte si particulier- par nécessité sanitaire – de restriction des relations collectives.
Les coups de fil, sms, mails, signes d’affection de famille, fraternité, amis, et parfois des manifestations insoupçonnées de relations anciennes avec qui je n’avais pas eu de nouvelles depuis des lustres, tous ces appels réciproques me furent une vraie présence, touchante, riche d’échanges de ressentis et de compassion, de liens fraternels et de signes de confiance établis entre nous.
Les coups de sonnette de voisins habituellement très discrets se proposant de me faire quelques courses, de rapporter du pain, ou même demandant mon aide pour confectionner des masques, les douces connivences initiées à 20h chaque soir par les applaudissements sur les balcons, me mirent à l’évidence que ces nouvelles relations instauraient aussi un élan de fidélité original et de qualité certaine !
En toute rencontre, la « contagion » de ce que m’apporte l’autre me modèle le cœur et l’être, me transforme et sans cesse, instille que je suis en commencement, en création grâce à ce qu’il forge en moi et parfois me burine à travers nos échanges. Ainsi la constance de la relation, des sentiments me fait ressentir combien j’ai besoin de lui et constitue un soc qui me structure dans sa fidélité. Sans doute aussi fais-je l’expérience intime de l’Amour de Dieu présent en cette évolution permanente en moi que produit la réciprocité de ma relation à Lui et aux autres…
A quoi cela m’entraîne-t-il pour « l’après », en quoi puis-je évoluer face à ce nouveau contexte qui nous attend ?
Sans doute, à redonner du sens, du temps à la relation…à apprendre à mieux écouter ce que je n’entendais plus, à retrouver en certains autres de nouvelles oasis dans leurs capacités à me surprendre et à me sortir de la routine, à accepter un détachement de mes idées ou de ce à quoi je tiens le plus, fondamentalement, en ouvrant mon regard à la puissance d’autres valeurs qui me semblaient pauvres ou faibles, en un mot à redécouvrir l’autre dans sa capacité d’amour qu’il me propose en chaque rencontre !
Comment ne pas rendre grâces au Seigneur de ces cadeaux inattendus de fidélités humaines qui meublent de joyeuse reconnaissance ma prière et m’ouvrent un chemin de Foi !
Loué sois-Tu mon Seigneur pour ces fidélités redécouvertes, source de richesses à venir et reflet de la fidélité de Ton amour en chacun de nous !

Prions en confinement Semaine_8

« Père très Saint, avec Saint François d’Assise nous te supplions.
Au nom de Jésus-Christ donne-nous ton Esprit.
Répands-Le sur tous les hommes, toutes les femmes, et tous les enfants,
Sur la Création toute entière.
Qu’Il chasse la pandémie et restaure les corps et les cœurs.
Nous te le demandons à Toi qui vis pour les siècles des siècles.
»

Prière composée par fr Michel Laloux, ministre provincial, en cette période de pandémie.

Cette réflexion se fera, sœurs et frères, tout en continuant l’appel à la prière.

La joie

La joie de saint François suppose plusieurs termes : joie, émerveillement, louange, action de grâce. Ce point est central dans la spiritualité de François et par conséquent de la nôtre. Comme pour l’humilité, l’émerveillement ou la minorité, la joie de François s’enracine en Dieu. Il est un émerveillé de Dieu. Il est fasciné par Dieu. Il suffit de lire les « Louanges de Dieu » pour s’en convaincre. Et sa joie ne peut s’expliquer que par cette fascination.
Mais, on ne peut être fasciné par quelqu’un ou quelque chose que si on a fait l’expérience de ce quelqu’un ou de cette chose.
François a fait l’expérience de Dieu. Ce qu’on appelle dans le langage religieux, un homme mystique. (Attention : la mystique n’est pas réservée à une élite que la hiérarchie décrète en tant que telle. La mystique est la certitude de Dieu présent à ma vie, avec tout ce que ce mot, certitude, porte de poids et de conséquences). Il a fait l’expérience de ce Dieu trois fois Saint, le Tout-Autre, qui se penche sur ce vermisseau qu’il est. Il a fait l’expérience de ce que Dieu fait pour lui (avant de se demander ce qu’il fait, lui, pour Dieu). D’où sa fascination et sa joie inébranlable.

Il est vrai que François est un homme joyeux par tempérament. Mais cela seul ne suffit pas à expliquer cette joie indéracinable. C’est ce qu’il écrit au début de son testament : « Au temps où j’étais encore dans les péchés, la vue des lépreux m’était insupportable. Mais le Seigneur me conduisit parmi eux ; je leur fis miséricorde ; et au retour, ce qui m’avait semblé si amer s’était changé pour moi en douceur pour l’esprit et pour le corps » (Test. 1b-3a) ; ou « la joie parfaite » en Fioretti 8, même si, humainement, elle est un peu masochiste.

Ce n’est pas non plus par naïveté : tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil. C’est une démarche plus profonde qui relève de la Bonté même de Dieu, le Roi des rois, et comme le disait un frère qui a déjà rejoint le Seigneur, Jean-Joseph Buirette, il voyait en toute créature humaine « une virtualité princière » comme condition et comme destinée. Et cela le remplit d’allégresse.
Cela suppose, avant tout, une expérience de Dieu, pas n’importe lequel, mais le Dieu sauveur, et cela quotidiennement. Après le dépouillement devant son père au tribunal de l’évêque, c’est comme une explosion de joie qui lui fait dire : « désormais je puis dire, non pas mon père Pierre Bernardone, mais notre Père qui es aux cieux ». C’est la joie d’un pauvre qui est sûr de pouvoir manger tous les jours dans la main de son Père, dans la main de son Dieu. La joie de la présence quotidienne du Père nourricier. D’après Celano 2, 77, François donnait à Dieu le titre de : « Grand Aumônier ». Et Chesterton écrit dans son livre sur saint François : « Tous les biens semblent meilleurs quand ils prennent figure de dons. »

Il est remplit d’une joie insondable devant le miracle de l’existence des choses : « Qui pourrait nous décrire la douceur inondant son âme lorsqu’il retrouvait dans les créatures la sagesse, la puissance et la bonté du créateur ? A contempler le soleil, la lune, le firmament et toutes ses étoiles, il se sentait monter au cœur une joie ineffable. » 1C. 80

Il y a aussi la joie de l’identification au Christ : dans l’évangile de la saint Mathias, entendu à la Portioncule, François découvre une voie vivante de salut. Il découvre la condition humaine du Christ pauvre. Cela le transporte de joie et il s’écrie : « Voilà ce que je veux, voilà ce que je cherche, ce que, du plus profond de mon cœur, je brûle d’accomplir » (1C 22).

J’ai écrit plus haut par rapport à « la joie parfaite » qu’elle est humainement masochiste. Mais ce qu’il nous dit ne peut être compris que dans sa volonté de s’identifier au Christ qui a été incompris, rejeté, maltraité, crucifié.
Le frère Ignace-Etienne Motte résumait ce passage des Fioretti de la façon suivante : « O frère Léon, s’il nous arrive de vivre des moments où tout s’acharne à nous enfoncer dans la tristesse et si, ayant perdu tout motif raisonnable d’être joyeux, nous nous apercevons cependant que notre joie résiste et demeure inébranlable, alors, oui, nous pourrons dire que nous avons découvert au cœur de notre vie la source de la véritable joie ».

Pour finir avec ce rapide aperçu de la joie de François, il faut parler de sa mort.
La légende de Pérouse, 64, nous rapporte cette phrase de François qu’il adresse à frère Elie : « Frère, laisse-moi me réjouir dans le Seigneur et chanter ses louanges au milieu de mes infirmités : par la grâce du Saint Esprit je suis si étroitement uni à mon Seigneur que, par sa bonté, je puis bien me réjouir dans le Très-Haut lui-même ! ». Il évoquait avec lui l’imminence de sa mort.

Juste avant sa mort, François demande qu’on lui amène du pain, qu’on lui lise le passage de saint Jean : « Six jours avant la Pâque, Jésus sachant que l’heure était venue de passer de ce monde à son Père…». Et François rompt le pain et le distribue à ses frères. Puis il se fait déposer nu sur la terre nue. Il demande qu’on le laisse nu, « le temps nécessaire pour parcourir un mille à pas lent ». Il meurt là.
François a voulu célébrer sa mort à la manière de Jésus, par l’évocation du Jeudi Saint et du Vendredi Saint : Jésus a été dépouillé de ses vêtements avant d’être mis sur la croix. Celano écrit : « L’heure vint enfin où, tous les mystères du Christ s’étant réalisés en lui, son âme s’envola dans la joie de Dieu » (2, 217).

Il y a dans l’épisode de sa mort, une joie très profonde qui est le couronnement de sa joie parfaite. La grâce de pouvoir, au moment même de sa mort, être identifié à Jésus.

fr. Joseph – assistant régional

Prions en confinement semaine_7

« Père très Saint, avec Saint François d’Assise nous te supplions.
Au nom de Jésus-Christ donne-nous ton Esprit.
Répands-Le sur tous les hommes, toutes les femmes, et tous les enfants,
Sur la Création toute entière.
Qu’Il chasse la pandémie et restaure les corps et les cœurs.
Nous te le demandons à Toi qui vis pour les siècles des siècles.
»

Prière composée par fr Michel Laloux, ministre provincial, en cette période de pandémie.

Cette réflexion se fera, sœurs et frères, tout en continuant l’appel à la prière.

La joie

Peut-on être triste et affirmer en même temps que nous sommes franciscains ?
Comme la minorité, la joie est constitutive de notre spiritualité.
Mais de quelle joie parlons-nous ?
Je laisse pour commencer la parole à des sœurs et des frères pour témoigner de leurs expériences.

frère Joseph (assistant régional)

Après l’annonce du confinement le 15 mars; la première semaine a été très difficile, très angoissée et la peur de la maladie, de mourir, peur de l’inconnu, de perdre pieds et de ne plus rien maitriser m’envahissait. 😪
Je regardais sans cesse les nouvelles sur l’évolution du virus et J’ai fini par lâcher prise!!!!!
Mes joies sont simples. La première est d’avoir remonté la pente et de donner du sens au quotidien, cela reste quand même un travail de chaque instant….
Les appels donnés ou reçus par la famille, on se rend compte dans ces moments là que le lien et l’affection sont bien présents. Les échanges sont simples et vrais ou chacun se livre davantage.
L’attention que l’on se donne entre voisins est rassurante, on n’est pas seul. Je retrouve le plaisir du jardinage avec une voisine. L’envie de mettre des fleurs,🌻 de la couleur….Profiter du soleil ☀️
Les applaudissements le soir à 20H créent des liens, échange de livres avec une voisine. Une enfant de 3ans qui tous les soirs me souhaite « bonne nuit »; pour elle c’est devenu un rite avant le coucher. Si je continue à aller à ma fenêtre tous les soirs, c’est bien pour elle.
Cette semaine, j’ai repris mes activités au resto du cœur, plaisir de retrouver les autres bénévoles et les familles.
Avec les précautions prises, la tâche est plus compliquée et demande un gros travail de préparation.
Les bénéficiaires sont de plus en plus nombreux.
Les verbes, Ecouter, Regarder, Echanger, Prendre soin, Faire ensemble ont été source de joie pour moi.

Quelle est ma joie aujourd’hui, alors que des milliers de personnes meurent chaque jour dans le monde de ce méchant virus qui nous met pare terre ? Alors que le confinement, mesure de protection indispensable, coupe les liens charnels entre les personnes et aggravent les solitudes déjà lourdes à l’état ordinaire de la vie, avec tous les drames à venir qui se profilent avec des angoisses qui émergent déjà.
Chaque jour, même quand mes vieux os se font douloureux au réveil, une indicible paix et tranquillité qui vient de très loin me font sourire à la vie de ce jour nouveau.
Je regarde le ciel bleu de ma fenêtre, j’entends les oiseaux chanter plus qu’à l’ordinaire, je contemple la nature qui s’éveille en ce printemps pas comme les autres et cela me réjouit. J’écoute la vie qui vient des habitants du voisinage et de la cour, et j’aime ces signes de vie. Le téléphone sonne et mes enfants ou amis sont là pour prendre ou donner des nouvelles ; les réseaux sociaux me permettent aussi de rester en contact de visu avec eux.
J’entends à la radio des nouvelles réjouissantes de solidarités qui se mettent spontanément en place, du personnel médical ou soignant à la retraite qui reprennent du service, et des bénévoles qui se mettent au service de leurs concitoyens en difficulté de tout genre.
Comment ne pas rendre grâce pour cette présence et sollicitude bienveillante ? Je sais que le Seigneur est présent en chacun de nous et nous inonde de son amour inlassablement. Il est la source de toute cette bienveillance et générosité.
Alors oui, même dans ce monde en crise, j’ai une joie profonde au fond de mon cœur, qui me fait chanter un refrain de John Littleton que j’ai chanté il y a bien longtemps :
« J’ai envie de chanter car mon cœur est heureux
J’ai envie de chanter mon Dieu
J’ai envie de te dire la joie dans mon cœur
Et de chanter pour toi Seigneur
Le bonheur qui m’étreint
Est si grand aujourd’hui
J’ai envie de te dire merci
Dans la clarté du jour
Tu m’as pris par la main
Et je chante tout au long du chemin »

La France entière est confinée. Malheureusement, une fois encore, il y a ceux qui tirent leur épingle du jeu mieux que les autres. Je pense aux familles qui vivent entre quatre murs, avec trop de monde dans la maison et sans jardin. Moi, j’ai la joie d’être dans la campagne profonde et de pouvoir me promener quand je veux, sans attestation de déplacement. En ouvrant la porte de la salle à manger tôt le matin, je goûte le concert des oiseaux dans la forêt, qu’une jolie brume enveloppe. Comme chaque année, je reste sidérée du miracle du printemps, qui fait advenir en quelques semaines une ramure verdoyante, en lieu et place d’un désert gris. Ce renouveau est le signe que Dieu donne chaque fois avec largesse, sans se soucier de nos mérites et qu’il aime à recommencer ce don sans se lasser. Comme une nouvelle chance éternellement offerte. Alors bien sûr, cette joie sensible, immédiate, ne dure pas. Les préoccupations du jour, les inévitables frottements de la vie commune, même dans un cadre idyllique, ont raison d’elle. Cent fois par jour peut-être. Quand mon cœur s’agace, s’enflamme, qu’il se remplit d’un reproche intérieur ou formulé, la tristesse vient en général tout de suite après. Il y a alors ce fameux choix. Rester dans la mort ou revenir à la vie. Qu’il coûte, ce choix ! Mais quand on choisit d’aller chercher auprès de Dieu, au fond de nous, le pardon à soi-même et à l’autre et la force de l’exprimer à demi-mots ou par un geste, la joie revient, plus profonde et libératrice. Celle de la communion et de la paix intérieure retrouvée. Dans le confinement de notre cœur, c’est la plus grande bataille qui se joue, la seule qui compte en fait. Et qu’elle a de prix, cette joie-là, qu’il faut reconquérir sans cesse ! Alors bien sûr, nous savons qu’en ligne de mire, il y a encore mieux. Il y a cette joie dont parle François à ses frères, qui nous évite même de passer par la phase de la colère et du découragement. Cette joie parfaite, qui nous fait supporter patiemment et avec allégresse les vicissitudes et les injustices de la vie, en pensant aux souffrances du Christ béni. Il faut sans doute une vie entière pour y parvenir. Mais quel but désirable !

Parler de la joie ? Membre d’une fraternité franciscaine séculière, attiré et inspiré par la manière de François d’Assise de vivre l’évangile de Jésus, mon Seigneur, devrais-je être en joie parce qu’il a décrit ce qu’est pour lui la joie parfaite ? Certainement pas ! Que Dieu nous garde d’être des clones insipides du saint d’Assise. D’ailleurs, comme le relate si bien Eloi Leclerc dans « Sagesse d’un pauvre », François d’Assise a parfois été loin de vivre cette joie parfaite au cours de son existence. Alors, suis-je moi-même joyeux ? Mais, est-ce à moi de répondre ou bien les autres peuvent-ils constater que je le suis, ou ne le suis pas ?
En évoquant la joie, il me vient à l’esprit l’idée de légèreté. Non pas insouciance, mais légèreté qui s’oppose à ce qui est pesant, plombant, lourd, grave, à ce qui nous attache aux choses matérielles (d’ailleurs, la gravité – la force gravitationnelle – nous ramène toujours à la terre). Mais je peux expérimenter que cet apprentissage, lent et difficile, du détachement par rapport aux choses matérielles rend libre pour se réjouir de ce qui se fait de beau et de bon pour et par les autres. Se réjouir de voir la croissance d’un petit enfant dans sa découverte de la vie, des découvertes scientifiques qui conduisent à une plus grande compréhension du monde, du geste gratuit, de l’engagement – professionnel ou bénévole – dans un esprit de service des autres, pour la paix et la justice.
Cette joie-là est une joie intérieure, discrète, qui repose sur la confiance. Confiance en cet Autre, si mystérieux et pourtant si proche, au plus intime de moi-même, et vers lequel je ne cesse d’être en quête. C’est une joie qui me relie aux autres, les proches et les moins proches, car je prends de plus en plus conscience que nous sommes fondamentalement des êtres de relation et que la vie est relation. Elle nous mène à vibrer en résonance avec les joies et les épreuves que vivent nos frères et nos sœurs.
Alors, cette joie-là transparaît-elle pour les autres ? Je ne sais pas. Peut-être sous la forme d’un certain humour qui ne se prend pas trop au sérieux et qui est une manière pudique de dire aux autres qu’on les aime. J’espère pouvoir être dans cette disposition de joie confiante si, demain, frère coronavirus me désigne comme le prochain invité à louer le Seigneur pour notre sœur la mort corporelle.

Prions en confinement Semaine_6

« Père très Saint, avec Saint François d’Assise nous te supplions.
Au nom de Jésus-Christ donne-nous ton Esprit.
Répands-Le sur tous les hommes, toutes les femmes, et tous les enfants,
Sur la Création toute entière.
Qu’Il chasse la pandémie et restaure les corps et les cœurs.
Nous te le demandons à Toi qui vis pour les siècles des siècles.
»

Prière composée par fr Michel Laloux, ministre provincial, en cette période de pandémie.

Cette réflexion se fera, sœurs et frères, tout en continuant l’appel à la prière.

La minorité

Elle fait partie de notre ADN franciscain, et cela dès le début de l’Ordre :
« C’est lui (François) qui fonda l’Ordre des Frères Mineurs, et voici en quelle occasion il lui donna ce nom. La Règle comportait cette phrase : ‘Qu’ils soient petits’ ; or, un jour qu’on lisait la Règle, il interrompit : ‘je veux que notre fraternité s’appelle l’Ordre des Frères Mineurs.’
Et de fait, ils étaient ‘mineurs’, soumis à tous, ils cherchaient la dernière place et l’emploi méprisé qui pourrait leur valoir quelque avanie ; ce faisant, ils voulaient asseoir sur les solides fondations de la véritable humilité l’édifice spirituel qui grouperait en une heureuse architecture l’ensemble des vertus. » (1C. 38)

Être mineur, c’est se faire le plus petit pour être en position de servir les autres ; non pas pour le plaisir d’être au dernier rang… mais pour être plus apte à rendre service (aucune vertu ne vaut pour elle-même, si elle n’est pas fille de la charité). La minorité touche donc toutes les situations de la vie :

La vie commune :
« … au contraire, par esprit d’amour, qu’ils (les frères) se rendent volontiers service et s’obéissent mutuellement » (1R.5, 14)
Et particulièrement avec les malades :
« Si un frère, où qu’il soit, tombe malade, les autres frères ne le quitteront pas avant d’avoir désigné un frère – ou plusieurs s’il le faut – pour le servir comme ils voudraient eux-mêmes être servis. » (1R. 10, 1)

En position de responsabilité :
« Ce n’est pas pour être servi que je suis venu, dit le Seigneur, mais pour servir. Quand on a reçu autorité sur les autres, on ne doit pas plus en tirer gloire que si l’on était affecté à l’emploi de leur laver les pieds. » (Adm. 4, 1-2)

Dans le milieu du travail :
« …mais il (le frère) se fera petit et soumis à tous ceux qui habitent la même maison. » (1R. 7, 2)

Dans les rapports avec l’Eglise :
«… afin que, demeurant toujours soumis à cette même Eglise et prosternés à ses pieds, stables dans la foi catholique, nous observions la pauvreté, l’humilité et le saint Evangile de notre Seigneur Jésus Christ, comme nous l’avons fermement promis. » (2R. 12, 4)

Dans les rencontres fortuites :
« Ils doivent se réjouir quand ils se trouvent parmi des gens de basse condition et méprisés, des pauvres et des infirmes, des malades et des lépreux, et des mendiants des rues. » (1R.9, 2)

Cette manière d’être in fine, a un but spécifique, celui de l’annonce de la Bonne Nouvelle :
«… ou bien, ne faire ni procès ni disputes, être soumis à toute créature humaine à cause de Dieu, et confesser simplement qu’ils sont chrétiens » (1R.16, 6)

En conclusion, l’utopie proposée par François à chacun, c’est d’être un signe, un sacrement du Christ serviteur de ses frères et de ses sœurs, allant jusqu’à donner sa vie pour eux.

Frère Joseph – assistant régional

JE SUIS Chap 8, 21-59

  1. Par 3 fois, Jésus utilise l’expression « Je suis » (24.28.58). Cette formule est celle par laquelle Dieu avait révélé son nom à Moïse (Ex. 3, 14 ; Dt. 32, 39 ; Is. 41, 4 ; 43, 10.13). Autrement dit, Jésus, en parlant comme Dieu lui-même, se situe sur le même plan que l’être du Père.
    Remarquons aussi que cette formule « Je suis » apparaît au début et à la fin de ce passage en 24 et en 58 : cette inclusion prouve que nous avons ici la clé du passage : c’est la condition divine de Jésus qui est au cœur de la controverse.
  2. Mais que voulait dire Dieu à Moïse, en se nommant « Je suis » ? Plusieurs hypothèses ont été avancées :
    a) « Je suis qui je suis » (refus de se laisser identifier)
    b) « Je suis celui qui est », le seul qui existe vraiment, par opposition aux dieux des autres nations qui ne sont pas, qui ne sont qu’imaginaires.
    c) « Je suis qui je serai » (le verbe en hébreu vaut pour le présent et le futur) : je suis une présence constante et fidèle pour t’aider à sauver mon peuple. C’est au fur et à mesure de son action pour les hommes que Dieu manifestera qui il est.
  3. Dans cette controverse, Jésus va détailler comment son union transcendante avec le Père s’oppose à l’incroyance des juifs :

21-24 : Son ‘départ’ révélera son origine :
=> … la mise en croix par les juifs va révéler leur origine :

son élévation en croix sonnera l’heure de sa ‘glorification’ : « vous connaîtrez que je suis » (d’en haut)
=> « vous, vous êtes d’en bas »

28-29 : Sa mission et son message révèlent que Jésus est inséparable du Père.
=> …vous les juifs, vous vous enfermer dans votre péché : Jugement sur l’apparence, refus de toute lumière venant d’en haut…

31-32 : Jésus est celui qui donne accès à la Vérité, qui est le domaine de Dieu
=> …vous les juifs, vous préférez vivre dans les ténèbres (erreurs, mensonges, endurcissements…)

… et la Vérité donne accès à la vraie liberté, qui est celle des fils de la maison, comme l’était déjà notre père Abraham : on est fils quand on donne toute sa foi.
=> … vous les juifs, vous êtes en réalité dans l’esclavage du péché.
Vous ne voulez pas donner votre foi !

37-47 : Jésus est celui qui révèle quelle est la filiation réelle de chacun (il ne suffit pas d’être de la descendance d’Abraham): or, rien ne sépare Jésus de Dieu, son Père.
=>  … vous les juifs, vous n’avez pas d’autre père que le diable, menteur et père du mensonge.

52 : Jésus est celui qui préserve de la mort.
=>  …vous les juifs, vous n’y croyez pas

56 : Jésus est la réalisation ultime de ce qu’espéraient Abraham et les prophètes.
=>  … vous les juifs, vous ne voyez pas plus loin que la mort.

58 : Jésus est celui qui domine le temps : « Avantqu’Abraham fût, JE SUIS ! »
=>  … pour les juifs, cela est un blasphème ! Jésus mérite la lapidation.

fr. Joseph

« Il vous précède en Galilée »

Dans l’Évangile de Matthieu, lorsque les femmes viennent au tombeau, au matin de Pâques, l’Ange du Seigneur leur apparait et leur dit : « Je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité comme il l’avait dit ; venez voir l’endroit où il gisait. » Puis, il les envoie porter cette nouvelle aux disciples : « Il est ressuscité des morts, et voici qu’il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez. » (Mt 28,5-7) La Galilée…c’est le retour aux origines, là où tout a commencé…
L’appel des premiers disciples… Ceux qui deviendront les apôtres ne sont pas des scribes ou des pharisiens, mais des hommes simples qui vont tout abandonner pour suivre Jésus. Avec eux, il va sillonner cette terre de Galilée, « proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur parmi le peuple » (Mt 4,23). Il va partager leur existence et se faire leur proche : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître.» (Jn 15, 15) Cette amitié n’est pas de façade, Jésus a vécu pleinement son humanité, il a aimé profondément ceux qu’il a choisis et établis. D’ailleurs ses « amis », il les appelle ses « frères » lorsqu’après l’ange, il apparait aux femmes : « Ne craignez point ; allez annoncer à mes frères qu’ils doivent partir pour la Galilée, et là ils me verront. » (Mt 28, 10) Durant les trois années de son ministère, il a peu à peu ouvert leur intelligence et leur cœur aux Écritures ; et pourtant l’annonce de sa Passion et de sa Résurrection leur est demeurée mystérieuse : « ils ne comprenaient pas cette parole » (Mc 9,32) ; « ils furent profondément attristés » (Mt 17,23).
C’est donc en Galilée que le Christ ressuscité veut se manifester à eux, c’est au cœur de leur vie qu’il les attend. Sur les lieux mêmes où ils l’ont suivi, tout ce qu’il leur a enseigné et révélé va enfin prendre sens à la lumière de la Résurrection…Leurs yeux vont s’ouvrir et ils pourront « voir » le Ressuscité.
La Galilée, c’est aussi le carrefour des nations, la « Galilée des nations », lieu de passage où se croisent les caravanes, où se rencontrent des cultures et des peuples différents. C’est le symbole du monde païen, à l’inverse de Jérusalem, la ville sainte, lieu du pouvoir politique et religieux. Mais c’est en Galilée qu’une grande lumière s’est levée, comme le prophétisait Isaïe. C’est donc en Galilée que le Christ ressuscité apparait aux disciples et leur confie une mission, non pas pour les seuls fils d’Israël, mais pour toutes les nations : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. » (Mt 28,19-20). Désormais, la communion au Christ s’offre à tous les hommes, le salut annoncé est universel.
Ce retour en Galilée n’est pas la seule affaire des disciples : Jésus nous renvoie, nous aussi, à notre Galilée intérieure. C’est dans ce que nous avons de plus profond, de plus intime, qu’il nous attend et nous précède, qu’il nous invite à le reconnaître pour renaître à la Vie, pour ressusciter avec lui : « il nous donne de le retrouver, en nous faisant la grâce de nous retrouver nous-mêmes. Sa résurrection est aussi notre résurrection, le réveil de notre être. Rencontrer le Seigneur ressuscité dans notre Galilée, c’est entendre son appel : « Éveille-toi, toi qui dors ; relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera » (Ep 5,14). »
(Eloi Leclerc, Pâques en Galilée) Le « confinement », qui s’impose à nous actuellement est un temps particulier et déroutant, mais il peut faciliter ce retour sur soi pour faire la vérité et à aller à l’essentiel. Il nous interroge sur ce qui est au cœur de notre vie, au cœur de notre foi : Jésus a triomphé de la mort, il est ressuscité, en lui le Salut nous est offert, avec lui nous ressusciterons. Nous avons à être les témoins de cette Espérance. Dans notre quotidien, dans tout ce qui tisse nos relations, le Christ nous appelle également à le suivre, comme autrefois sur les chemins de Galilée, à la rencontre de nos frères et sœurs pour leur partager cette Vie nouvelle, pour leur communiquer son Amour. Ce retour en Galilée « nous engage, en effet, à renoncer à la richesse, aux honneurs, au pouvoir, à tout ce qui crée la distance, pour suivre Jésus sur des chemins de fraternité et de communion avec tous les hommes, notamment avec les plus petits, les pauvres, les exclus.. ». (Eloi Leclerc, Pâques en Galilée)
C’est l’expérience même de François d’Assise : alors que l’Église de son temps a fait le choix de la puissance, des honneurs et de la richesse, François prône un retour aux origines, à l’Église primitive pour suivre un Christ humble et pauvre : « La règle de vie des frères est la suivante : vivre dans l’obéissance, dans la chasteté et sans aucun bien qui leur appartienne ; et suivre la doctrine et les traces de notre Seigneur Jésus-Christ qui a dit :Si tu veux être parfait, va et vends tout ce que tu as et donnes-en le prix aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel, puis viens et suis-moi. » (1Reg 1,1-2)
Le Christ nous précède et se donne à voir sur nos chemins de Galilée. Si nous voulons suivre les pas du Ressuscité, ce retour, à la lumière de Pâques, aux origines, à notre Galilée intérieure, est primordial : c’est là que se fonde notre foi en Jésus-Christ, Seigneur de la Vie.

P. Clamens-Zalay

Léon XIII

Adolescent privilégié, baigné dans l’ambiance intellectuelle marxisante des années 1968-1970, il m’arrivait de regarder avec condescendance les romans lus par ma mère. Quel intérêt y-avait-il à lire Maxence Van der Meersch, Pêcheurs d’hommes ? Pourquoi me parler des prêtres-ouvriers alors que la pratique religieuse familiale demeurait anecdotique ? Puis, la vie s’écoulant paisiblement, ma maman vieillit et quitta son appartement pour rejoindre une maison de retraite. Il fallut effectuer un tri…et ce livre à la couverture d’un autre temps ressurgit. Ma posture gauchisante critique vis-à-vis de l’Église s’était érodée au fil des années, des rencontres, de l’étude de l’Histoire. L’Évangile contribua à m’insuffler une très modeste humilité qui me permit de plonger dans cet ouvrage désuet.
Pourquoi cette introspection ? Peut-être parce que maman n’était plus là et que j’avais pris de l’âge. Van der Meersch, c’est un peu du catholicisme social né de la révolution industrielle qui constitue la vitalité de son oeuvre désormais méconnue. Ce courant de pensée et d’action est sans doute apparu en France avec l’article de Lamennais(1) sur la démoralisation ouvrière, paru en 1822 dans Le Drapeau blanc. Les atermoiements pour le qualifier : « économie chrétienne (ou charitable) », « socialisme chrétien », manifestent les incertitudes et les résistances auxquelles il fut confronté. Qui incarne cette sensibilité chrétienne ? Pour beaucoup : le Pape Léon XIII.
Le siècle baignait dans le progrès et beaucoup imaginaient qu’il serait sans fin. La science paraissait donner réponse à tout et la religion n’offrait plus d’explication à ce qui semblait auparavant inexplicable. Les bouleversements de la pensée et de la société secouaient l’Église. Le prolétariat naissait avec la grande industrie, les campagnes se vidaient au profit des villes.
Le printemps des peuples(2) passa par là, l’émergence de l’idéologie socialiste brisait les certitudes. Forte de seize siècles(3) de pouvoir spirituel sur les âmes, l’Église se sentit menacée et se crispa. Pie IX effrayé par les mouvements secouant le monde d’alors affirma le dogme de l’infaillibilité pontificale.
Son successeur, Léon XIII réagit en tentant de cultiver une dimension plus universelle de l’Église. Il sollicita l’ordre franciscain pour relever le défi. En signant l’Encyclique Auspicato Concessum du 17 septembre 1882 afférent au Tiers-ordre de Saint-François, il invitait le Tiers-ordre à prendre toute sa place dans la restauration de l’ordre social chrétien comme l’écrivit J.M.Mayeur(4). Il persévéra dans Humanum genus du 20 avril 1884 qui consistait en un sévère réquisitoire contre la franc-maçonnerie et insistait sur le rôle que pouvait dès lors tenir les fidèles du poverello. Ainsi, le 30 mai 1883, par la Constitution Misericors Dei Filius, Léon XIII donna au Tiers-Ordre une charte nouvelle. Il insistait sur les devoirs sociaux de ces « Frères laïcs » vivant dans le monde où ils devaient restaurer le règne du Christ. Dans la spiritualité franciscaine, Léon XIII identifiait l’amour de la pauvreté, le respect de la propriété, la fraternité le désir de paix sur lequel l’harmonie entre les différentes classes sociales pouvait s’édifier. Il y avait là matière à répondre aux défis du temps et à offrir l’alternative aux idées maçonniques et marxistes. Une étape décisive vers un catholicisme social était franchie.
Désormais Léon XIII serait perçu comme un Pape libéral, fustigé par les partisans d’une Église effrayée par l’évolution d’une société qui lui échappait. Il demeure encore de nos jours la cible des nostalgiques de Vatican1.(5)

ÉRIK LAMBERT.

(1)Félicité de Lamennais (1782-1854) Ordonné prêtre en 1816 ; il supporte mal les compromissions du haut clergé et de l’État. Il fonde en 1830 le journal L’Avenir avec ses amis le comte Charles de Montalembert et Henri Lacordaire, prêtre dominicain, aumônier du collège Henri IV. La devise du journal est : « Dieu et liberté » condamné par la Pape Grégoire XVI. Il publie Paroles d’un croyant qui appelle à l’insurrection contre l’injustice au nom de l’Évangile, immédiatement condamné par le Saint-Siège.
(2)En 1848, le printemps commença le 22 février, à Paris, conduisant à la chute de Louis-Philippe et à un embrasement révolutionnaire dans de nombreux pays européens qui se poursuivit jusqu’en octobre.
(3)Certes, nous pouvons considérer que l’Église naquit très tôt « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église », in Matthieu, chapitre 16, versets 13 à 23. Mais les débuts d’une Église institutionnalisée pourraient se situer après que Constantin eut affronté Maxence à l’entrée de Rome au pont Milvius sur le Tibre le 28 octobre 312. Selon une légende tardive il aurait été guéri de la lèpre et converti à la foi chrétienne par le pape Sylvestre Ier, évêque de Rome. Afin de manifester sa reconnaissance, il serait allé à la rencontre du pape et, humblement, aurait guidé son cheval par les rênes. Ensuite, il aurait fait don au pape des territoires environnant Rome. Lors du Concile de Nicée naît le césaropapisme c’est-à-dire une pratique de gouvernement qui se caractérise par la confusion des affaires séculières et des affaires religieuses entre les mains du souverain.
(4)Tiers-ordre franciscain et catholicisme social en France à la fin du XIXe siècle, par J.M.Mayeur, in Revue d’histoire de l’Église de France, tome 70, n°184, 1984. Franciscanisme et société française.
(5)On peut se reporter à ce titre à la biographie à charge de R.de Mattei qui écrit : « S’il est vrai que l’idée dominante de Léon XIII fut celle de réconcilier le monde moderne avec l’Église, le projet pastoral qui échoua sous son pontificat se réalisa avec le Concile Vatican II « In, R.de Mattei, Le ralliement de Léon XIII. L’échec d’un projet pastoral, Cerf, 2016, 482 p., 29 €

Lettre ouverte à un ami

Tu me salues en disant « Prends soin de toi ». Je sais que tu me veux tout le bien possible. Pourtant, je raccroche le téléphone contrarié par ces quatre petits mots qui ne remplacent pas l’embrassade impossible en ces temps de confinement. Je t’avoue que dans cette frustration somme toute provisoire, il y a aussi de l’agacement.

Ça me crispe que tu fasses usage de cette expression toute faite, recyclée de l’anglais « Take care of you ». Tu me diras que c’est une bataille perdue… Mais il y a autre chose que mon attachement à notre langue, marotte pour laquelle tu as sans doute raison de te moquer de moi. C’est que le mot soin signifie « Attention, application de l’esprit à une chose, à faire quelque chose » (Littré). C’est une attention dirigée vers autrui — personne, animal, objet, à la rigueur ses propres affaires — mais pas à soi-même. Quand tu m’invites à prendre soin de moi, j’entends un contresens, un non-sens même, et j’ai l’impression que tu m’abandonnes à ma solitude, que tu te défausses sur moi de ton obligation d’attention à mon égard. Ainsi que le disaient les amis d’autrefois, tu es mon « obligé » comme je suis le tien. Pas seulement à cause de l’amitié ; nous avons tous des obligations les uns envers les autres, d’attention, de considération, de respect, de soutien, et d’amour les uns pour les autres. L’épidémie nous le rappelle cruellement : oublier cette obligation mène à la mort collective. Prendre soin de soi, c’est se condamner, prendre soin de l’autre, c’est tous nous sauver.

À la notion d’obligation, la tendance est à préférer celle de droit. Droit au logement, droit à l’enfant, droit au travail, droit au chômage, droit à la retraite, droit à la santé, et même droit à la sexualité… « Prendre soin de soi » c’est veiller à que tous ses droits soient respectés, comme si chacun naissait avec une série de droits naturels que la société devait reconnaître pour être une société et t’assurer que tu en fais partie. Mais le droit ne crée aucun lien, ce qui fait la société est l’obligation collective des uns envers les autres et non la revendication d’un droit individuel. L’obligation est ce qui donne corps à la charité et à la fois fonde le contrat social, comme Rous-seau l’a démontré en son temps. « Prendre soin de soi », c’est nier les deux au profit d’une re-cherche de bien-être qui confine parfois à l’obscénité, et c’est aussi nier la providence qui prend soin de nous tous également, à laquelle nous répondons par l’obligation du bien, c’est-à-dire par les vertus de justice, de tempérance, de prudence et de courage. Comment s’étonner que l’idée de vertu semble surannée ? Dans une société dédiée au profit consumériste, celle de valeur prend logiquement le pas sur elle, puisque la vertu exige qu’on s’y conforme tandis que le droit et la va-leur n’appellent qu’à la possession et à la jouissance individuelles.

J’ai fini par te le dire, pardonne-moi. Ne me demande plus de prendre soin de moi. Je ne sais pas, la prochaine fois que nous nous saluerons, dis-moi « Porte-toi bien », « Paix et Bien » , « Prenons soin les uns des autres » ou ce que tu voudras. Mais s’il te plaît, prends soin de nos mots, car tu le sais, le langage est notre bien commun et le verbe est merveilleusement créateur.

Jean Chavot

La Visitation

Cette rencontre de Marie avec sa cousine Elisabeth, que nous raconte l’évangile de Luc, est une illustration de la réception par une communauté humaine, d’évènements qui dépassent son entendement et qu’elle a relu comme une manifestation de la volonté divine, un signe : Dieu a visité son peuple.
Et nous, aujourd’hui, comment recevons-nous les évènements dont nous sommes témoins ?

Nous traversons une période difficile, avec un virus qui sème la terreur, provoque inquiétude et incompréhension et suscite la zizanie chez ceux qui savent, les savants. Et qui, dans le même temps, nous oblige à revisiter nos modes de vie et nos modèles économiques, avant peut-être de les détruire durablement. Quelle lecture en faisons-nous ? Y voyons-nous un phénomène passager ou un signe ? Dans l’immédiat nos vies sont bouleversées, on ne peut plus se rassembler, ni au stade pour un match de foot, ni à l’église sauf pour des obsèques en petit comité, mais, dans le même temps, on voit surgir des manifestations de solidarité, des parents qui se réinvestissent dans l’éducation de leurs enfants, des familles qui redécouvrent un rythme de vie moins trépidant. Des initiatives surgissent ici et là, sans attendre les instructions d’autorités souvent dépassées ; et puis, bonne nouvelle, nous constatons que la pollution diminue à toute vitesse et rend nos villes plus respirables.

Et après ? On entend dire ici ou là qu’il n’est pas possible de changer de modèle, que l’on sera obligé de repartir comme avant, et très vigoureusement. D’autres, au contraire, préconisent un changement qui parait souhaitable mais qui semble difficile à mettre en œuvre sans conséquences douloureuses (chômage, ressources) pour les peuples.

Et l’Europe dans tout çà ? Sera-t-elle capable de sortir par le haut de cette crise où se joue son avenir, d’envoyer un signe fort d’unité, de proposer à ses peuples une vision commune qui leur donne envie de s’y investir, une bataille à gagner contre la tentation du repli sur soi et la fuite en avant ?

Et nous, dans tout çà ? Quel message souhaitons-nous envoyer pour répondre à l’appel de l’Esprit toujours à l’œuvre et qui nous interpelle ?
Cette pandémie aura une fin, nous l’espérons ; à la suite de Saint François qui s’est fait le chantre de la création et le frère universel, la famille franciscaine ne peut-être absente de la phase de reconstruction qui suivra, pour y défendre, humblement mais fermement, les valeurs qui sont les siennes : respect de la création, de tout le vivant, solidarité et partage avec toutes les nations, promotion de la fraternité universelle.

Déjà en mai 2015 le pape François interpellait le monde dans son encyclique « Laudato Si » :
« 13. Le défi urgent de sauvegarder notre maison commune inclut la préoccupation d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer. Le Créateur ne nous abandonne pas, jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, il ne se repent pas de nous avoir créés. L’humanité possède encore la capacité de collaborer pour construire notre maison commune. Je souhaite saluer, encourager et remercier tous ceux qui, dans les secteurs les plus variés de l’activité humaine, travaillent pour assurer la sauvegarde de la maison que nous partageons. Ceux qui luttent avec vigueur pour affronter les conséquences dramatiques de la dégradation de l’environnement sur la vie des plus pauvres dans le monde, méritent une gratitude spéciale. Les jeunes nous réclament un changement. Ils se demandent comment il est possible de prétendre construire un avenir meilleur sans penser à la crise de l’environnement et aux souffrances des exclus.
14.J’adresse une invitation urgente à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète. Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous…
« 

Cinq années sont passées et ces paroles sont toujours d’actualité.

Bonne fête à tous les travailleurs,

Jean-Pierre Rossi

Prière de mai

O Marie,
tu resplendis toujours sur notre chemin
comme signe de salut et d’espérance.
Nous nous confions à toi, Santé des malades,
qui, auprès de la croix, as été associée à la douleur de Jésus,
en maintenant ta foi ferme.
Toi, tu sais de quoi nous avons besoin
et nous sommes certains que tu veilleras
afin que, comme à Cana de Galilée,
puissent revenir la joie et la fête
après ce moment d’épreuve.
Aide-nous, Mère du Divin Amour,
à nous conformer à la volonté du Père
et à faire ce que nous dira Jésus,
qui a pris sur lui nos souffrances
et s’est chargé de nos douleurs
pour nous conduire, à travers la croix,
à la joie de la résurrection. Amen.

Pape François

Sous Ta protection nous cherchons refuge, Sainte Mère de Dieu.
N’ignore pas nos supplications, nous qui sommes dans l’épreuve,
et libère-nous de tout danger, O Vierge glorieuse et bénie.