Une nouvelle année est toujours porteuse de promesses, mais elle peut, aussi, être lourde d’inquiétudes; ainsi en va-t-il de 2023. Flambée des prix, appauvrissement et fins de mois difficiles pour bon nombre de Français. Projet de loi sur les retraites qui peine à voir le jour tant il pose de questions. Guerre à nos portes qui fait resurgir de vieux démons alors que le continent européen se croyait, à tort, préservé. Église empêtrée dans les dérives et les scandales au point que son annonce de la Bonne Nouvelle en devient presqu’inaudible…
Et pourtant, notre Projet de Vie nous invite à être les messagers de joie et d’espérance dont le monde a besoin : « Messagers de joie parfaite, en toutes circonstances ils s’emploieront activement à porter aux autres la joie et l’espérance. » (Projet de Vie 19) Mais de quelle joie parlons-nous ?
Les joies de ce monde, St François, comme nous, les a connues alors que la jeunesse dorée d’Assise faisait de lui le roi de ses fêtes. Mais la gloire ou le sentiment de puissance qui en résultent n’ont qu’un temps car il ne s’agit là que de plaisirs éphémères. Sa conversion va le conduire à découvrir peu à peu le sens de la vraie joie, celle que rien ne peut entamer car elle trouve sa source en Dieu. Cette joie est une grâce mais aussi le fruit d’une conversion permanente, pour ne pas se laisser envahir par la morosité ambiante, pour ne pas céder à la colère ou à la rancœur face aux déceptions et aux injustices qui jalonnent notre route.
Cheminant avec frère Léon, par une nuit d’hiver et un froid qui le faisait terriblement souffrir, François imagine que le portier de Sainte-Marie-des-Anges refuse de leur ouvrir et les chasse violemment, et c’est ainsi qu’il expose à son compagnon ce qu’est la joie parfaite : « si nous supportons tout cela avec patience, avec allégresse, dans un bon esprit de charité, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite. » (Fio 8) Pouvoir accueillir toutes les tribulations qu’un homme peut subir, sans se laisser ébranler, mais, au contraire, en conservant la patience et la paix de l’âme, en pensant aux souffrances du Christ et pour son amour, voilà la joie parfaite que nous enseigne François. « Au-dessus de toutes les grâces et dons de l’Esprit-Saint que le Christ accorde à ses amis, il y a celui de se vaincre soi-même, et de supporter volontiers pour l’amour du Christ les peines, les injures, les opprobres et les incommodités ». (Fio 8) Pour François, Dieu est la source de cette vraie joie parce qu’il est « le bien », « tout bien », « le souverain bien », Celui de qui vient tout bien. Pour mieux se conformer à son Seigneur, François a choisi le chemin de la pauvreté et de la désappropriation ; renoncer à toutes formes de richesse et de domination, c’est se défaire de tout ce qui peut les accompagner : aigreur, rancune, jalousie, méfiance… c’est donc être libre de se recevoir du Tout Autre pour mieux goûter la plénitude de sa joie. « Tu es amour et charité, tu es sagesse, tu es humilité et patience, tu es beauté, tu es douceur, tu es sécurité, tu es repos, tu es joie, tu es notre espérance et notre joie » (Louanges de Dieu pour frère Léon).
Se recevoir du Tout Autre, demeurer en lui, pour mieux se donner aux autres et se faire auprès d’eux des messagers de joie et d’espérance…« Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour. Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. » (Jn 15,10-12) C’est dans le service et l’amour des frères et sœurs qui nous sont donnés que nous pouvons vivre et témoigner de la joie qui nous habite.
Comme nous le rappelle Saint Paul, Dieu « nous console dans toutes nos détresses, pour nous rendre capables de consoler tous ceux qui sont en détresse » (2Co 1,4). Notre société a beau être en quête de bonheur, elle génère toujours plus de solitude et de souffrance. « La société technique a pu multiplier les occasions de plaisirs, mais elle a bien du mal à sécréter la joie. Car la joie vient d’ailleurs … ni l’épreuve, ni la souffrance ne sont éliminées de ce monde, mais elles prennent un sens nouveau dans la certitude de participer à la rédemption opérée par le Seigneur et de partager sa gloire » (Paul VI, exhortation apostolique, La joie chrétienne) Aussi, à tous ceux qui ont faim et soif d’être écoutés, regardés, soutenus, consolés… nous avons à annoncer que chacun, chacune, est enfant bien-aimé du Père, que nul n’est exclu de son amour, nous avons à annoncer la Bonne Nouvelle du salut et du Royaume à venir. Seule cette espérance d’une vie éternelle en Dieu peut permettre de supporter et de transfigurer les épreuves de ce temps. C’est dans notre présence fraternelle aux autres, dans notre foi mise en actes, que nous pouvons être d’authentiques messagers de joie et d’espérance : « Là où est le désespoir, que je mette l’espérance. Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière. Là où est la tristesse que je mette la joie » comme nous y invite François.
Paul VI écrivait, dans son exhortation, que « c’est au cœur de leurs détresses que nos contemporains ont besoin de connaître la joie, d’entendre son chant. » Certainement, alors, l’amertume se changera pour eux en grande douceur pour l’esprit et pour le corps…
P. Clamens-Zalay
Archives mensuelles : janvier 2023
UN CAPUCIN PLONGÉ DANS L’HISTOIRE DU XX°SIÈCLE.
Épisode 2 : Le choix de la Résistance face à l’antisémitisme de l’État français.
Revenu de Rome à la faveur du déclenchement de la seconde guerre mondiale, le frère Marie-Benoît s’établit à Marseille.
Le contexte de la partition de la France à l’issue » de l’armistice du 22 juin 1940 en sept zones et deux zones interdites[1] laissait pour certains l’illusion que celle qualifiée de « libre » jusqu’en novembre 1942, offrait un havre de relative sérénité pour les proscrits et surtout les juifs. Or, il n’en fut rien et ce fut plutôt en zone italienne élargie après l’opération Torch[2] que les juifs se réfugièrent.
Nombre de juifs étrangers vinrent en « zone libre » mais, quoiqu’affirmèrent certains lors de scrutins nationaux récents, les juifs furent la cible de la législation de l’État français dès le 12 juillet 1940. Puis, le 3 octobre 1940 fut promulgué le premier statut des juifs, début d’une longue litanie de textes antisémites. Ceux qui se « réfugiaient » en zone vichyste étaient souvent en résidence surveillée ou internés dans des camps tel celui de Gurs[3], en Béarn. Frère Marie-Benoît se trouvait au couvent des capucins, au 51 de rue Croix de Régnier, lorsque le gouvernement de Vichy publia le Statut des Juifs.
Le frère capucin mena d’abord une action isolée puis à partir de 1941, il contribua à une filière d’évasion. Les Juifs n’avaient souvent aucun papier d’identité et Marie-Benoît les aidait lorsqu’ils frappaient à sa porte, sachant que son soutien leur était acquis. Dès 1940 à Marseille il accueillit des juifs et leur procura de faux papiers, des certificats de baptême, fabriqués dans les sous-sols du monastère. Mais certains allaient le trouver pour d’autres raisons comme cette femme qui souhaitait fêter la Pâque juive et manquait de pain azyme. Pour cela il lui fallait des tickets et c’est le père qui les lui a fournis.
Il participa aux activités de la résistance au sein de Combat[4] et de secours juif ce qui le conduisit à rencontrer Jules Isaac[5]. Il participa aux réseaux d’exfiltration des juifs vers l’Italie à partir de la fin de 1942. Une telle activité exploitait la politique de protection diplomatique vis-à-vis des juifs dans la zone d’occupation italienne entre le 24 juin 1940 et le 8 septembre 1943. Les Italiens de la CIAT, commission italienne d’armistice, ne purent s’entendre avec le gouvernement de Vichy. Après l’occupation par les Allemands de la zone libre, le 12 novembre 1942, des réfugiés juifs s’enfuirent en zone italienne et en Corse. À la fin de 1942, le gouvernement de Vichy décida de rafles, menées par la police française, contre les juifs étrangers dans la zone d’occupation ce qui était une entorse aux droits des Italiens. En décembre 1942, un accord fut signé entre l’Italie et l’Allemagne pour expulser les juifs et les étrangers au-delà de la ligne de démarcation italo-allemande, dans les territoires occupés par l’Allemagne. Les juifs affluèrent dans la zone italienne, préférant être en résidence forcée plutôt qu’en zone allemande. À Nice, le capucin rencontra Guido Lospinoso, commissaire italien aux affaires juives, envoyé par Mussolini à la requête des Allemands. Le prêtre parvint à convaincre Lospinoso de ne rien entreprendre contre les milliers de Juifs qui vivaient à Nice et ses environs. Pourtant, il s’agissait là de la mission pour laquelle il était mandaté. À partir du printemps 1943, la situation des Juifs de Marseille devint rapidement difficile face à l’action du chef de la Gestapo Muller, de son adjoint le lieutenant Bauer et du sinistre Ernst Dunker-Delage.[6]
Avec l’assistance du prieur des Dominicains[7], le R.P.Parceval et d’un certain nombre d’autres personnes, le Père Marie-Benoît facilita l’évasion de juifs en Afrique du Nord par mer ou à-travers l’Espagne.
Repéré par la Gestapo, son arrestation était imminente mais il fut rappelé à Rome en 1943 afin d’occuper sa chaire de théologie.
Parvenu au Vatican, il engagea des démarches afin d’être reçu par le Pape. Pour préparer cette entrevue, il rencontra les autorités juives françaises : le président de la Communauté, M. Heilbroner, le Grand rabbin de France M. Schwartz, ainsi que le rabbin Kaplan, le Grand rabbin de Lille, M. Berman, le rabbin de Strasbourg, M. Hirschler, le rabbin de Marseille, M. Salze, le président de l’Union générale des Israéliens de France M. Raoul Lambert et M. Edmond Fleg, président des Explorateurs israéliens.
Le 16 juillet 1943, il fut reçu chaleureusement en audience par Eugenio Pacelli, devenu Pie XII. Celui-ci s’étonna de ce qui se produisait alors : « Nous n’aurions jamais cru cela de la part du gouvernement de Vichy ». Le père Marie-Benoît exposa la situation sociale des Juifs espagnols, l’urgence d’évacuer vers l’Italie les juifs de la zone française occupée par les troupes italiennes par l’Afrique du Nord. Il insista pour obtenir des nouvelles des 50.000 juifs français déportés en Allemagne ; pour œuvrer à un traitement plus humain des juifs internés dans les camps de concentration français.
Pierre Marie accueillait les juifs dans un hôtel « Salus » appuyé sur un réseau mené par Stefan Schwamm qui devint un grand ami de Padre Benedetto.
En mission dans le nord de l’Italie, pour trouver des points de passage vers la Suisse, il se retrouva dans un bar à Milan avec son assistant, Schwamm, afin de rencontrer une personne susceptible de les aider. Mais c’était un guet-apens organisé par la police fasciste. Schwamm fut arrêté, mais put avertir discrètement le père, qui parvint à s’enfuir et à retourner à Rome.
La configuration évolua le 8 septembre 1943. En signant l’armistice[8], les Italiens laissèrent la place aux Allemands avec les conséquences que l’on imagine pour les juifs.
Érik Lambert
[1]Par la convention d’armistice du 22 juin 1940, le gouvernement du Maréchal Pétain, établi à Vichy, se voit reconnaître une autonomie de façade sur le reste du territoire : c’est la « zone libre » au sud de la ligne de démarcation. Une zone interdite au retour des réfugiés, une interdite rattachée au gouverneur militaire allemand de Bruxelles, l’Alsace-Moselle annexées, une zone italienne, une zone littorale interdite et bien sûr une zone occupée par les Allemands au nord de la ligne de démarcation.
[2] Le 8 novembre 1942, dans le cadre de l’opération «Torch», 100.000 soldats américains et anglais débarquèrent en Afrique du nord. Bénéficiant de l’effet de surprise, ils s’emparèrent de Casablanca, Oran et Alger, en vue de préparer la libération du continent européen…
[3] https://www.campgurs.com/
[4] ,À l’origine du groupe de résistance Combat, un capitaine d’état-major qui refusa l’armistice, et chercha dès l’été 1940, à Marseille, à rassembler des hommes et des femmes pour poursuivre la lutte. Ce fut seulement plus tard que son nom fut révélé lorsqu’il abandonna ses pseudonymes : Henri Frenay. Ce jeune officier fonda un mouvement clandestin, le Mouvement de libération nationale. Du regroupement de plusieurs mouvements naquit Combat. Le mouvement couvrait la zone dite « libre » soumise à une administration française théoriquement indépendante dont le siège est à Vichy, sous l’autorité du maréchal Pétain. Combat comprenait plusieurs dizaines de milliers de sympathisants et environ 200 permanents. Parmi eux Bertie Albrecht infirmière protestante et amie personnelle de Henri Frenay. Le mouvement organisa des filières d’évasion vers la Suisse ou l’Espagne.
[5] Jules Isaac, professeur d’histoire de 29 ans participa à la rédaction des célèbres manuels d’histoire de la collection Malet. Or, Albert Malet fut tué au front en 1915 conduisant Jules Isaac à rédiger seul la nouvelle mouture imposée par de nouveaux programmes. Mais l’éditeur Hachette exigea que Malet restât associé au nom de l’ouvrage car Isaac était un nom juif qui pouvait indisposer l’École catholique. Isaac, lui-même blessé lors de la Grande Guerre poursuivit l’œuvre engagée avec Albert Malet. Membre de la Ligue des droits de l’homme et du citoyen, puis du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, il s’engagea en faveur d’une meilleure compréhension entre Français et Allemands,
Il fut révoqué par l’État français suite à la loi du 3 octobre 1940 instituant un statut discriminatoire des juifs. Sa femme et de sa fille furent du reste déportées et exterminées à Auschwitz. En 1947, Jules Isaac cofonda les Amitiés judéo-chrétiennes en 1947.
[6] Sous-officier SS, Ernst Dunker prit la tête de la Gestapo. Issu des bas-fonds berlinois, ce tortionnaire fut d’une redoutable efficacité. Il se ménagea la collaboration du milieu local traquant les résistants durant deux ans. Lire N.Balique et V.Biaggi, Ernst Dunker et la Gestapo de Marseille, éditions Vendémiaire.
[7] Le couvent des Dominicains de Marseille a été fondé en 1225 et, après sa suppression en 1790, a été restauré à partir de 1868 à 1878. Depuis, les frères occupent les mêmes bâtiments au 35 Rue Edmond Rostand, lieu qui de 1940 à 1942 servit de refuge aux Juifs persécutés. “La nouvelle de l’organisation le 21 avril 2018, dans des locaux de l’ordre des Dominicains de Marseille, d’un « week-end d’hommage à Charles Maurras » par la Fédération royaliste provençale et l’Action française Provence me choque peut-être encore plus que d’autres citoyens”… C’est par ces mots que commence une tribune publiée dans la presse en avril 2018 par le petit-fils d’une résistante. En effet, un colloque organisé par l’Action française, dans le cadre d’un “week-end hommage à Charles Maurras” se tenait dans le centre Cormier, salle polyvalente du couvent dominicain, rue Edmond-Rostand, à Marseille.
[8] Le 10 juillet 1943, les Anglo-Saxons débarquèrent en Sicile. Ils débarquèrent également en Calabre le 3 septembre et en Campanie le 9 septembre 1943. À Rome, ce fut la panique. Dans la nuit du 24 au 25 juillet 1943, le Grand Conseil fasciste releva Mussolini de sa charge et le roi Victor-Emmanuel III l’assigna à résidence. Le maréchal Badoglio prit la direction du gouvernement et s’empressa de négocier un armistice avec les envahisseurs. Celui-ci fut rendu public le 8 septembre 1943 dans la plus grande confusion. Hitler ne voulait pas laisser l’Italie sortir de la guerre. Il dépêcha 30 divisions de la Wehrmacht en Italie pour neutraliser les troupes italiennes et contenir l’avance des Alliés. Et il fit délivrer celui-ci à la faveur d’un raid audacieux. Empêché par le Führer de prendre sa retraite en Allemagne, Mussolini dut regagner très vite l’Italie du nord et se mettre à la tête d’une éphémère et dérisoire «République sociale italienne». Celle-ci fut implantée à Salo, sur le lac de Garde .
Saint Jean Chapitre 17 : Partie 1/2
La Prière de Jésus
Pourquoi l’appelle-t-on la « Prière Sacerdotale » ?
Cette prière est celle de Jésus en tant que prêtre, c’est à dire en tant qu’il est intercesseur, et en tant qu’il rend grâce :
1. L’intercesseur, c’est celui qui se place entre les deux parties et, donc, qui fait le lien. Jésus est le médiateur car il est :
➡️ Solidaire de Dieu son Père ( il y a toujours eu ceci et ceci entre toi et moi )
➡️ et solidaire des hommes ( il y a eu la même chose entre moi et eux ).
Jésus peut donc porter les hommes vers Dieu son Père, les lui présenter ( Père, fais qu’il y ait tout cela entre toi, moi et eux)
2. Il rend grâce : il « rend », c’est à dire qu’il restitue tout au Père, il reconnaît que le Père est l’auteur et l’origine de tout, d’où ce mouvement de gratitude.
Une prière « intemporelle »
En ce sens qu’elle ne correspond pas au moment précis, à l’heure historique où elle est censée avoir été prononcée, à savoir le soir de la Cène, avant de quitter le Cénacle.
Par endroits, Jésus y parle en se situant avant sa Passion.
En d’autres, plus nombreux, comme si c’était après sa résurrection.
Témoins les passages suivants :
➡️ Versets 11-12, Jésus dit qu’il n’est déjà plus de ce monde ;
➡️ Versets 22-24, qu’il a déjà reçu sa gloire ;
➡️ Versets 6-8.25, que ses disciples sont parvenus à la foi parfaite ( pas avant la passion et la résurrection) ;
➡️ Versets 14-18 qu’ils ont commencé leur mission dans le monde ;
➡️ Verset 22 qu’il leur a communiqué sa gloire.
Bref, on se trouve plutôt dans une sorte de présent « éternel », d’après la résurrection, et Jésus donne l’impression de parler comme s’il était déjà auprès du père, comme intercesseur.
Un condensé du vocabulaire johannique
➡️ Heure : l’heure du mystère pascal vu globalement, dont les différents moments (Passion, mort, Résurrection, ascension) sont vus comme un tout.
➡️ Gloire, glorifier, glorification : pas la majesté, les honneurs et la puissance, mais pour Dieu, c’est l’éclat fascinant de son vrai visage de Père ; pour Jésus, c’est sa condition divine.
➡️ Chair : 1 : soit la créature dans son aspect de finitude et de fragilité
2 : soit une mentalité de refus de la lumière.
➡️ Vie éternelle : non seulement le ciel, après la résurrection, mais dès ici-bas, l’intimité filiale avec Dieu Trinité.
➡️ Nom : la personne dans ce qu’elle a de plus intime et de plus distinctif (Dieu en tant Père du Fils unique, Jésus Christ).
Monde : la création, le genre humain, l’univers créé mais aussi une mentalité collective de refus de la lumière.
➡️ Saint : mis à part pour relever désormais du domaine de Dieu.
➡️ Sanctifier, consacrer : mettre à part pour Dieu, vouer à Dieu.
➡️ Connaître : être en intimité avec et non pas « savoir, comprendre » au sens intellectuel.
Les trois moments de cette prière
1. Jésus demande au Père sa propre glorification (1-8)
2. Il intercède pour les Apôtres groupés autour de lui (9-19)
3. Il intercède pour toute l’Eglise à venir (20-26)
Fr Joseph
Prière pour commencer l’année.
« Seigneur, tu m’offres cette nouvelle année
comme un vitrail à rassembler
avec les 365 morceaux de toutes les couleurs
qui représentent les jours de ma vie.
Je mettrai le rouge de mon amour et de mon enthousiasme,
le mauve de mes peines et de mes deuils,
le vert de mes espoirs et le rose de mes rêves,
le bleu ou le gris de mes engagements ou de mes luttes,
le jaune et l’or de mes moissons…
Je réserverai le blanc pour les jours ordinaires
et le noir pour ceux où tu seras absent.
Je cimenterai le tout par la prière de ma foi
et par ma confiance sereine en toi.
Seigneur, je te demande simplement d’illuminer,
de l’Intérieur,
ce vitrail de ma vie par la lumière de ta présence
et par le feu de ton esprit de vie.
Ainsi, par transparence,
ceux que je rencontrerai cette année,
Y découvriront peut-être le visage de ton fils bien-aimé
Jésus-Christ, notre seigneur. »
AMEN
Père Gaston LECLEIR (1928-2014)
Deux Livres, Sans doute pas un film…
Révélé aux tout-petits
de Frédéric-Marie Le Méhauté
Que peut apporter à la théologie l’écoute des paroles des plus pauvres ? À partir d’échanges de chrétiens du quart-monde réunis par la Fraternité de la Pierre d’Angle pour partager leur foi, Frédéric-Marie Le Méhauté cherche à entendre la « mystérieuse sagesse », ainsi que la nomme Evangelii Gaudium, dont témoignent ceux qui luttent contre la misère. La prise au sérieux de ce sens de la foi des plus pauvres invite à revisiter des questions cruciales pour l’intelligence de la foi aujourd’hui.
L’aventure théologique qui se risque ici à l’écoute de ces paroles fragiles ouvre une voie encore peu exploitée pour enrichir la compréhension de l’option préférentielle pour les pauvres. Il s’agit de tracer un chemin nouveau pour concilier justice et charité, pour entendre aujourd’hui dans son actualité libératrice la révélation que Dieu nous offre en Jésus, révélation cachée aux sages et aux savants mais offerte aux tout-petits pour le salut de tous.
Frère mineur de la province de France-Belgique, Frédéric-Marie Le Méhauté enseigne la théologie au Centre Sèvres et est engagé auprès de personnes en précarité, dans la tradition initiée par Joseph Wresinski.
La Décision
de Karine Tuil
« Le terrorisme, ce n’est pas qu’une méthode, c’est l’amour de la mort. Les terroristes ne rêvent que de ça : celle qu’ils donnent aux autres et celle qu’ils se donnent. Ils remplacent le combat des idées par la peine de mort. » écrit Karine Tuil[1] dans sa dernière publication tirée à 80 000 exemplaires.
À la suite des attentats de 2015, une juge d’instruction du pôle antiterroriste doit se prononcer sur le sort de Abdeljalil Kacem, jeune homme parti en Syrie avec sa femme enceinte et arrêté à son retour. A-t-il rejoint l’État islamique et sa bande de criminels ? Ou, comme il l’affirme, est-il parti pour assouvir des aspirations humanitaires ?
L’ambition de ce « roman » est de discerner le cheminement et les questions qui assaillent cette femme conduite à prendre la « décision »[2]. Croire en la rédemption ou laisser en prison un jeune père au risque de l’entraîner dans la radicalisation ? S’agit-il d’une taqîya[3]ou a-t-elle affaire à un repenti ? Est-il sincère quand il affirme rejeter les violences de l’État islamique et aspirer à vivre en paix avec sa femme et son fils ?
Cet ouvrage est celui des réalités auxquelles sont confrontées les sociétés contemporaines depuis les attentats du 11 septembre. Le terrorisme aveugle, rare dans l’histoire, s’invite désormais dans le quotidien en ce siècle. Nos sociétés démocratiques sont confrontées à des fièvres religieuses intolérantes difficiles à combattre tant elles sortent des principes moraux et philosophiques sur lesquels repose la démocratie. Comment la justice doit-elle réagir ? Comment répondre aux exigences de l’opinion publique ? Des familles des victimes ? Comment résister aux menaces des barbares ?
La décision est un défi, car plane une incertitude ; celle des conséquences.
Rédigé à la première personne, ponctué de courts dialogues introduits dans le texte, la décision à prendre devient un peu la nôtre.
Alma Revel n’a pas une seule décision à prendre comme le suggère le titre du livre mais plusieurs. Elle est aussi mère de trois enfants, mariée depuis plus de 20 à un écrivain, prix Goncourt désormais boudé par le succès. Quelle décision personnelle prendre ? Privilégier l’amant inconstant, défenseur du mis-en-cause ou le mari plongé dans ses racines juives orthodoxes ? Se dessaisir du dossier ou rompre ?
Si l’ouvrage est à l’évidence fort documenté et sérieusement étayé ; il confine toutefois au documentaire plus qu’à l’œuvre littéraire ; peut-on dès lors considérer qu’il s’agit d’un roman ?
Érik Lambert
[1] Page 132.
[2] K.Tuil, La Décision, Paris, Gallimard, 2022, 296 pages, 14.99 euros.
[3] Signifiant « prudence » et « crainte ». La précaution qui conduit à dissimuler voire à nier sa foi afin d’éviter la persécution. Il peut s’agir d’une dissimulation e la foi dans un but de conquête. Selon cette interprétation, il s’agirait alors d’une pratique utilisée par des terroristes pour éviter d’être identifiés comme tels.
Pinocchio
Un film de Guillermo del Toro
À les entendre échanger des politesses dans la présentation qui suit le film d’animation réalisé en « stop-motion » (manipulation image par image), les auteurs de la toute dernière version du célèbre conte auraient produit une pure merveille, autosatisfaction globalement encouragée par la critique et corroborée par un prix aux Oscars. S’il est vrai que la prouesse technique à la hauteur des gros moyens engagés est indiscutable, il en va tout autrement du contenu dominé par le parti pris de « réinsuffler de l’originalité à l’histoire maintes fois adaptée de la marionnette » (Télérama). Parmi les antécédents, le film de Disney (1940) connut un tel retentissement que le visage poupon du pantin made in USA effaça celui beaucoup plus famélique du fils de Geppetto, marqué par la misère prégnante dans laquelle se déroulent ses aventures. Reste que la plupart d’entre nous ne connaissent de Pinocchio que ce gentil minois américanisé, et de son monde que des rondeurs sucrées. Le film de del Toro pourrait être l’occasion de réparer cette dommageable faute de goût, non pas en le regardant, mais justement en ne le regardant pas.
L’exercice de l’adaptation ne va pas sans risques, en particulier celui de s’appuyer davantage sur les versions antérieures que sur l’œuvre elle-même qui y perd ainsi de sa force initiale, joyeusement subversive dans notre cas. C’est le premier reproche que l’on peut adresser à la version de del Toro : elle n’a plus qu’un lointain rapport avec le chef-d’œuvre de Carlo Lorenzini, alias Collodi. L’extraordinaire inventivité narrative, les nombreux thèmes sociaux et moraux élégamment effleurés, la profondeur symbolique et poétique que l’on y trouve sont ici recyclés en grosses ficelles scénaristiques ponctuées de gags éculés, en transplantation hasardeuse et convenue dans l’Italie fasciste des années Trente, en mièvrerie moralisante attendue et en esthétique bien lisse propre à ne pas effrayer le chaland des fêtes de Noël, le tout baignant dans une musique omniprésente dont le sirupeux est à la limite de l’engluement. Sachant qu’en outre le film n’est visible que sur la plateforme Netflix, on ne saurait trop recommander d’éteindre l’écran et d’aller se procurer le livre de Collodi dont voici une bonne édition bilingue agrémentée d’une excellente introduction : https://www.leslibraires.fr/livre/972-les-aventures-de-pinocchio–edition-bilingue–carlo-collodi-flammarion. On y découvrira ou redécouvrira l’univers d’une richesse exceptionnelle qui sut séduire le jeune et moins jeune lectorat dès la parution en 1881, presque par accident, des premiers épisodes dans une revue enfantine. Le succès fut si retentissant que Collodi dut reprendre la plume en janvier 1882, après que la mort de son personnage à la fin du chapitre XV eut soulevé un tollé. Le livre paru en 1883 ne fit qu’accroître l’accueil triomphal en Italie et dans le monde entier. Loin des grosses machines promotionnelles actuelles, il ne dut sa notoriété qu’à son génie, un génie que la plupart des versions ultérieures n’ont fait que tenter d’exploiter.
Comment peut-on prétendre « réinsuffler de l’originalité » à un tel chef-d’œuvre, comme le prétend Télérama, ou comme se pique de le faire del Toro ? Le temps aurait-il fané sa pétulante fraîcheur ? Aurait-il besoin des lumières de notre époque pour nous éclairer ? Chacun pourra se faire une opinion en lisant Les Aventures de Pinocchio, ou à défaut en visionnant le film de Comencini (1972), fidèle à sa poésie. Au reste, peut-être la manie de notre époque de s’approprier les chef-d’œuvres du passé en les « modernisant » ne tient-elle qu’à son ignorance des choses perdues ou, pire encore, à l’incapacité de ressentir leur beauté, de sorte que l’on n’y insuffle jamais, en fin de compte, que vulgarité.
Jean Chavot
Événements janvier
Soirée de présentation du livre de Fr. Frédéric-Marie Le Méhauté
« Révélé aux Tout-petits : une théologie à l’écoute des plus pauvres »
Michel Sauquet, OFS, participera à cette soirée
Quand 👉 mercredi 18 janvier, à 20 h,
Où 👉 7 rue Marie-Rose, 75014 Paris. (Métro Alesia; Bus 38, 62, 68, 92 )
Formation Franciscaine : Ecologie et expérience franciscaine
Clameur de la terre et clameur des pauvres à l’école de François d’Assise
Comment François d’Assise peut-il être « patron céleste des écologistes » alors que l’écologie n’était pas une préoccupation du monde du XIIIème siècle ?
La tradition franciscaine offre une lumière précieuse pour éclairer nos défis contemporains et approfondir notre conversion à l’évangile, car le Poverello est « l’exemple par excellence de la protection de ce qui est faible et d’une écologie intégrale, vécue avec joie et authenticité. » (Laudato Si §10).
Point essentiel : pas de cantique de frère Soleil sans le baiser au lépreux.
Avec qui 👉 Frère Frédéric-Marie Le Méhauté, ofm
Où 👉 Au Centre Sèvres
cours en ligne du 21 février au 4 avril 2023
12 h, prix 70 € – Tutorat collectif le mardi de19h30 à 20h15
Pour s’inscrire 👉 C’est ici !!!
Parcours spirituel franciscain «Jusqu’en Dieu»
Animé par Brigitte Gobbe, laïque franciscaine et les frères Eric Moisdon, ofm, Marcel Durrer et Pascal Aude ofmcap
Ce parcours nous initie à entrer dans la contemplation de Dieu à travers toute réalité qu’il crée, ainsi que l’a vécu saint François : « Mon Dieu et toute chose !», lui qui fut rendu capable de saisir par l’amour de l’Esprit en lui tout être dans ce qu’il a d’unique et de précieux, ainsi que les liens entre tout. Le parcours, par de moyens variés – lecture et enseignements, implication du corps et des sens, liturgie, oraison et accompagnement – aide à déployer progressivement ce regard du cœur et de la foi.
Il s’agit d’une expérience bien spécifique, en silence, mais fortement fraternelle et active. Elle est un moyen de resourcement et de structuration spirituels et franciscains. La durée tient au texte de Bonaventure qui déploie les 7 jours de la création, et en fait de notre recréation.
Quand 👉 du samedi 15 avril, 18h au dimanche 23 avril 2023, 14h
Où 👉 Foyer Sainte Anne – 16, rue d’Avanne, 25320 MONTFERRAND LE CHATEAU
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Edito Janvier 2023
Le défi de l’Épiphanie
Notre monde est confronté à des défis économiques, écologiques, démographiques, culturels, moraux… d’une ampleur inédite tant par leur urgence que par leurs dimensions désormais planétaires. Tous liés les uns aux autres, ils interagissent comme un seul défi si gigantesque qu’il semble échapper aux solutions humaines. Pourtant, à y regarder de près, il est essentiellement posé à l’homme par l’homme : alors que le monde n’a jamais été aussi riche, la communication aussi immédiate, que globalement la tyrannie et l’ignorance s’effacent devant les formes démocratiques et les facilités d’échange, ces progrès sont corrompus par une avidité sans limites, une inégalité et une injustice croissantes, l’accaparement, la démission des « élites », lesquelles vivent de plus en plus dans un entre-soi repu comme l’illustre la dernière COP, honteuse vingt-septième du nom. Cet égoïsme irresponsable fait croître dans les peuples un désintérêt pour la politique et une défiance envers les savoirs tels que la résignation, le déni individualiste, les aventures les plus malignes apparaissent comme des refuges au désarroi.
Jésus est né dans un monde qui, bien que très différent du nôtre, vivait des défis analogues. Que vint-il manifester par l’Épiphanie, quand pour la première et dernière fois, trois « rois[1] » s’agenouillèrent devant un pauvre nouveau-né parmi des bergers misérables ? Certainement pas une domination, fût-ce pour le bien, comme il l’affirmera au dernier jour devant Pilate : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. » (Jean 18,37). Il faisait ainsi écho à un prophète millénaire : « Samuel fut mécontent parce qu’ils avaient dit : « Donne-nous un roi pour nous gouverner », et il se mit à prier le Seigneur. Or, le Seigneur lui répondit : « Écoute la voix du peuple en tout ce qu’ils te diront. Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi qu’ils rejettent : ils ne veulent pas que je règne sur eux. » (Premier livre de Samuel 8,6-7). Les guerres sont décidées par ceux qui ne les font pas et faites par ceux qui ne les ont pas décidées ; le réchauffement climatique dû à la surconsommation des pays riches touche cruellement les pays pauvres de surcroît victimes de pillage néo-colonial ; l’argent s’accumule sur l’argent et la misère sur ceux-là mêmes qui produisent les richesses dans les champs, dans les mines, dans les usines, dans les bureaux… Si les malheurs contemporains sont d’autant plus subis qu’on en est éloigné de la responsabilité — et inversement —, la solution n’est certes pas de rajouter de la domination à la domination, mais au contraire, comme le Centurion de Capharnaüm (Matthieu 8,5-11), de se soumettre à la seule qui ait un sens et une valeur, à la puissance de bonté qui guérit, apte à faire de chacun le frère de tous, à susciter le courage de l’impossible et l’audace du possible propres à relever le défi que nous nous sommes nous-mêmes imposé et qui pourtant nous dépasse, comme Samuel en avertit ses contemporains : « Ce jour-là, vous pousserez des cris à cause du roi que vous aurez choisi, mais, ce jour-là, le Seigneur ne vous répondra pas ! » En effet, Il ne répondra pas à ces cris-là : il nous revient d’emprunter la voie que Jésus nous ouvre on ne peut plus clairement : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » (Marc 9,35).
L’Évangile est l’Espérance de notre monde. Encore lui faut-il un corps qui l’incarne, des mains qui le mettent en œuvre, des pieds qui l’apportent à ceux qui, bien souvent sans le savoir, suivent sa voie de sainteté. C’est la raison d’être de l’Église, corps du Christ. Mais au moment où l’on voudrait la voir porter haut et fort la solution de l’Évangile, celle qui s’érigeait en champion de la morale sexuelle subit un terrible retour de bâton. L’ignominie des abus ne doit toutefois pas nous cacher leur valeur de symptôme : ils sont l’effet de modes de domination importés de longue date dans une Église trop souvent et trop mal inspirée par les puissants, en contradiction avec sa vocation au service fraternel. L’Espérance qu’elle se doit de porter dans le monde passe donc d’abord par elle-même tout entière, par son peuple et pas seulement par ceux qu’il distingue pour l’animer au seul service du Christ. C’est le défi majeur qu’elle se doit relever avec urgence, car Dieu ne sauvera pas le monde sans le concours de l’humanité.
Le comité de rédaction
[1] Trois mages, du grec mágos, dont la tradition a fait des rois.