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L’apocalypse de saint Jean

Les différences entre l’Apocalyptique et le Prophétisme

1_ Que veut dire « APOCALYPSE » ?
Ce mot ne veut dire ni catastrophe ni épouvante, mais « dévoilement de quelque chose qui est caché et connu de DIEU seul » – « dévoilement » comme au théâtre lorsque le rideau se lève, ou lors d’un jour d’inauguration lorsqu’on dévoile une statue, une plaque
Dans les temps de crise gravissime, lorsque la foi parait être submergée par le déchaînement des régimes totalitaires qui semblent sur le point d’interdire à jamais la réussite du Dessein de Dieu, les croyants brûlent de connaître la réponse à 2 questions :

1° Pourquoi la Résurrection du Christ, pourtant censée avoir inauguré le temps du Règne de Dieu, peut-elle être ainsi mise en échec ? Jésus n’a-t-il pas triomphé de toutes les puissances mauvaises ?

2° Comment tout cela finira-t-il ? L’Eglise ne va-t-elle pas disparaître ?
Alors un « voyant » se lève, chargé par Dieu de ranimer le courage et de vaincre la désespérance des croyants écrasés , en leur rapportant ce qu’il a vu lorsque Dieu a écarté pour lui le voile qui cache la fin des temps, et donc la signification ultime du cours de l’histoire. Et qu’a-t-il vu ?
Il a vu l’envers des événements, le « dessous des cartes ». Car le théâtre du monde a son correspondant là-haut sur .la grande Scène du Ciel. Si bien que sous le tragique des circonstances, notre voyant est le témoin du gigantesque combat entre les forces divines et les puissances du mal, et il en sait l’issue :
• apparemment le satanisme totalitaire triomphe, mais il va s’effondrer sous peu ;
• le Règne de Dieu est déjà là, malgré les apparences mortifères, car l’Esprit a été donné aux fidèles, et personne ne saurait leur arracher la vrai vie, la vie éternelle qui déjà les pénètre. D’ailleurs les chrétiens qui ont donné leur vie participent déjà au triomphe de 1’Agneau immolé.

2_ Un sens « populaire » qui a perdu son sens originel… – Si dans le langage courant « apocalypse » signifie « catastrophe et vision d’épouvante », on est fort loin du sens originel de « dévoilement ». Mais on comprend la dérive, car les descriptions de Jean ne font pas non plus dans la dentelle.
Alors pourquoi ce scénario d’un tel gigantisme batailleur, alors que l’Evangile respire la paix et la miséricorde ? – C’est que l’Histoire elle-même est à ce moment-là d’un tragique presque insoutenable, tant la puissance totalitaire apparaît monstrueuse et invincible. Où se trouve donc la puissance de Dieu ?
On le voit, la cause de la foi ne peut être qu’un combat au sommet, et l’enjeu ne peut être que colossal : c’est Dieu ou Satan. D’où la démesure littéraire, seule à la mesure d’un enjeu hors mesure.

3_ Un genre fort ancien – Jean va puiser à profusion dans une banque d’images traditionnelles du prophétisme de l’A.T. Il en fera le tissu conjonctif de son livre.
— Dans l’A.T. : Isaïe ch. 6 et 24-27 (vers 593-591) – Ezéchiel (durant l’Exil, 587-538) : vision en 1-2 – Joël (vers 400) : ch. 2-4 – Zacharie (vers 300) : ch. 9-14 – et surtout Daniel (vers 167) : ch. 7 à 12.
— Dans l’INTERTESTAMENT (abondante littérature juive et même chrétienne, juste avant et après JC) : deux « Apocalypses de BARUCH » – « Livre des secrets d’ENOCH » – « Assomption de MOÏSE » – « 4° livre d’ESDRAS », etc…
— Dans le N.T. : Mt 24, 1-36 – Mc 13 – Lc 17, 22-37 ; 21, 5-33 – 1 Th 4, 13 ; 5, 1 et 2 Th 2, 1-12.

4_ « Apocalypse » et « prophétie » – Deux genres cousins (Jean s’intitule lui-même « prophète »), mais il y a quelques nuances :
1)- Contrairement à une idée reçue, le prophète ne parle pas avant tout du futur mais du présent : il est le « haut-parleur » de Dieu qui rappelle sans cesse 1′ »aujourd’hui » de l’Alliance qui se joue dans les circonstances du moment, même s’il lui arrive d’évoquer le futur radieux ou menaçant. Il est essentiellement un « exhortateur ».
Mais quand humainement tout semble désespéré, l’espérance ne se nourrit plus seulement de promesses, elle cherche à « voir » la fin. Alors l’auteur d’Apocalypse prend le relais du prophète pour dévoiler le futur. Au fond il se spécialise en « prophète de la fin des temps ». – Ex. dans 1’Apocalypse, les ch. 2-3 (Lettres aux Eglises) relèvent de la prophétie. Tout le reste, 4 à 22, est du genre apocalyptique.
2)- Autre nuance, la prophétie s’adresse à l’oreille : il faut « écouter » la Parole de Dieu, c’est-à- dire « obéir ». L’apocalypse, elle, s’adresse à l’œil : elle nous en met plein la vue, par un scénario grandiose.

Fr Joseph

L’apocalypse de saint Jean

Introduction

Un livre étrange. Le théâtre, le climat et le style tranchent nettement avec tout le reste du N.T., particulièrement avec les évangiles.
Un texte hermétique, dont le langage constamment symbolique semble fait pour les seuls initiés.

AUTEUR
Jean, se nomme l’auteur lui-même, qui se dit relégué à Patmos et se qualifie de prophète. La plus ancienne tradition le tient pour Jean l’évangéliste, mais on en a douté assez vite (différences de style, de thèmes théologiques et d’atmosphère). Il est possible que des disciples de Jean y aient pas mal mis la main, une école johannique.

DATE = entre 90 et 96 (sous Domitien finissant), quoique 17, 9-11 semblerait situer la rédaction après la persécution de Néron sous Vespasien (vers 69-79). Auquel cas, deux hypothèses : ou bien une partie de l’œuvre serait de l’époque de Vespasien ; ou bien l’auteur, comme l’auteur de Daniel en 160 av. JC., ferait de l’anti datation, c’est-à-dire décrirait le passé comme s’il était encore à venir.

CIRCONSTANCES
L’EGLISE est dans la tourmente. Nous sommes au temps de la 3° génération chrétienne. Non seulement le Christ n’en finit pas de revenir, mais voilà que se déchaîne une ère de persécutions sous un empereur mégalomane, Domitien. – Déjà Néron, 30 ans plus tôt, avait déclenché pour la 1ère fois une persécution venant de la puissance romaine (et non plus des juifs), mais c’avait été le caprice d’un fou. Sous Domitien le motif devient spécifiquement religieux : l’empereur se fait appeler « Seigneur et Dieu », et exige qu’on lui rende un culte, sous peine de prison, de confiscation, de déportation et même de mort. Et la Province romaine d’Asie fait du zèle. Le problème pour 1’Eglise est très grave et le danger mortel, à la fois au dehors et au dedans :

  • Vis-à-vis des autorités, 1’Eglise ne peut transiger, ce serait un blasphème envers Dieu et le Christ. Mais c’est risquer la persécution, la fin du développement, et même l’extinction progressive de la foi.
  • Mais à l’intérieur, certains chrétiens inspirés par le courant « gnostique » – désignés nommément comme « nicolaïtes » à Ephèse et Pergame – distinguaient entre le « matériel » dans l’homme (son extérieur, son corps, ses gestes) et le « spirituel » qui seul compte (l’intérieur, le cœur, les pensées, l’intention). Ils acceptaient donc de faire les quelques simagrées cultuelles pour être tranquilles.

Sous Domitien, empereur de 81 à 96, 1’Eglise revivant la même situation de prétentions impériales impies, Jean ne trouve pas de meilleur modèle que Daniel et son mode d’expression grandiose, triomphal et secret.

Fr Joseph

L’APOCALYPSE

Le genre « Apocalyptique » :

Dans l’AT nous avons Daniel, mais aussi dans Ezéchiel (1.2.38.39), Isaïe (24-28 ; 34-35), Zacharie (9-14), Joël. Dans le NT, le livre de l’apocalypse, mais aussi Mc 13 (discours eschatologique) et parallèles ; 2 Th. 2, 1-12.

C’est un genre littéraire qui a pris naissance dans le judaïsme tardif. Mais avant tout disons que nous avons fait de ce mot ‘apocalypse’ un synonyme de catastrophe ! Une apocalypse, c’est une révélation. En temps de crise, on revient d’instinct aux apocalypses comme aux sources de l’espérance. Nous verrons la raison de cela plus tard. Mais pour l’instant, disons qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle espérance : celle qui est lucide, qui pousse dans les moments de conflits et d’affrontements. Une espérance fondée sur la fidélité de Dieu, maître de l’avenir.
Le mot ‘apocalypse’ veut dire : « écarter le voile » ; donc « révéler ». Pour comprendre cela, il faut sortir d’une conception grecque que nous avons concernant le temps. On dit assez souvent qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil : cela montre une conception cyclique du temps. Pour l’homme de la Bible, le temps est linéaire : c’est une histoire qui avance, tout en progressant, vers un terme. Alors le prophète intervient dans cette histoire pour susciter, encourager, mais aussi mettre en garde. Sa mission est de faire vivre à plein ses contemporains dans le présent en leur révélant le plan de Dieu. Cette parole est, donc, liée essentiellement aux circonstances présentes. Alors, s’intéresse-t-il à l’avenir ? Oui, mais en tant qu’il donne sens au présent, c’est-à-dire rappeler le but de la marche : Dieu et son règne. Mais le jour de Dieu reste voilé aux yeux des humains.
Dans un temps de crise, le prophète sent que ces paroles ne suffisent pas. Et parce que les temps sont durs, parce que les événements contredisent le dessein de Dieu, on cherche à voir ce dessein, voir cette fin des temps. Dieu est censé, à ce moment-là, écarter le voile. La prophétie devient apocalypse.
Le point essentiel de l’apocalyptique, c’est l’annonce d’un grand jour où Dieu établira son Royaume sur la terre et jugera les hommes. Il faut donc discerner les signes précurseurs.

Comment fonctionne cette apocalypse ?

Pour comprendre la démarche, prenons l’exemple du ‘saut en longueur’.
Celui qui va sauter se trouve à un point donné : la planche d’appel. Mais pour sauter le plus loin possible, il commence par reculer de 50 à 60 mètres, puis il les parcourt à toute vitesse ; quand il arrive à la planche il saute emporté par son élan.
Un autre exemple. Quand nous avons une décision importante à prendre, on commence généralement par regarder notre passé – et à partir de cette analyse, on parie dans le même sens sur l’avenir.
L’auteur d’apocalypse fonctionne pareillement. Il ignore la fin des temps autant que nous. Mais il est sûr d’une chose : Dieu est fidèle. Donc, pour savoir ce qui se passera à la fin des temps, il relie l’histoire de son peuple en cherchant à découvrir les grandes lois de l’agir divin ; à partir de là, il projette à la fin des temps ces grandes lois. Mais attention, ces grandes lois ne concernent pas la vie morale ou religieuse des hommes. L’auteur du livre de Daniel écrit lors de la persécution des années 165/164 avant notre ère. Et pour savoir comment tout cela se terminera, il regarde un autre temps difficile, celui de l’exil (entre 587 et 538). Il parcourt alors rapidement l’histoire entre 587 et 164, puis il projette en avant ce qu’il a découvert dans ce survol historique. Il ne voit pas des événements précis, mais la façon dont Dieu, fidèle à lui-même, achèvera l’histoire. Cela « le voyant » ne peut le faire qu’en ayant recours à des images et à un langage symbolique, parce que les mots sont déficients. Prenons des exemples : « C’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête » – « Il était écroulé de rire », ou encore « Je ne vais pas attendre 107 ans ». En utilisant ces expressions, ni celui qui les utilise, ni celui qui les reçoit, ne les prend au pied de la lettre. On fait plutôt attention à ce qu’elles suggèrent.

Le langage apocalyptique est codé :

Blanc
Rouge
Noir
7
6
666
3 ½






12
4
3
10
1000
144000
Les yeux
La main
La tête
Les ailes
Les jambes et les pieds
Corne
Cheveux blancs
Robe longue
Ceinture en or
Debout
Assis

Victoire, pureté
Meurtre, violence, sang des martyrs
Mort, impiété
Chiffre parfait, la plénitude
(7-1) = l’imperfection
Le comble de l’imperfection
(7:2) = temps de l’épreuve
Ce chiffre peut apparaître sous plusieurs formes :
1 temps, des temps et ½ temps
3 ans ½ ou 3 jours ½ ou 42 mois ou 1260 jours.
👉 C’est la même valeur symbolique 👈
Israël, ancien et nouveau
Le monde créé
Chiffre du ciel
Quantité importante
Une très grande quantité
12 x 12 x 1000 (tous les élus)
La connaissance
La puissance
L’autorité
La mobilité
La stabilité

Puissance
Éternité
Dignité sacerdotale
Pouvoir royal
Résurrection
La stabilité

Fr. Joseph

Quelques témoignages anciens sur Saint Jean et le quatrième évangile (suite)

Avec ces témoignages qui nous viennent d’Asie Mineure et qui, par Irénée qui avait connu Polycarpe qui avait connu saint Jean, nous relient aux sources apostoliques ; on peut citer aussi les témoignages de Clément, d’Origène, d’Eusèbe, qui, ceux-là, passent par l’Orient et la Terre-Sainte.

Clément d’Alexandrie est né à Athènes, vers 150 ; après des voyages au cours desquels il a visité notamment la Palestine, il s’est fixé à Alexandrie vers 180 et y a fondé une école célèbre. Il est mort vers 211-216.
A propos des Evangiles il dit :
« Pierre ayant prêché la doctrine publiquement à Rome et ayant exposé l’Evangile par l’Esprit, ses auditeurs qui étaient nombreux, exhortèrent Marc, en tant qu’il l’avait accompagné depuis longtemps et qu’il se souvenait de ses paroles, à transcrire ce qu’il avait dit : il le fit et transcrivit l’Evangile à ceux qui le lui avaient demandé : ce que Pierre ayant appris, il ne fit rien par ses conseils, pour l’en empêcher ou pour l’y pousser.
Quant à Jean, le dernier, voyant que les choses corporelles avaient été exposées dans les Evangiles, poussé par ses disciples, et divinement inspiré par l’Esprit, il fit un Evangile spirituel. » (Eusèbe VI.XIV.6-7)

Origène qui était né à Alexandrie en 185, a été le disciple de Clément et son successeur à la tête de la célèbre Ecole. Après avoir voyagé lui aussi, il a été ordonné prêtre, vers 230, en Palestine, et s’est retiré à Césarée, où pendant 20 ans il a fondé et dirigé une école elle aussi demeurée célèbre. Il a écrit l’un des premiers commentaires de l’Evangile selon Jean.
Voici son témoignage :

« Comme je l’ai appris dans la tradition au sujet des quatre Évangiles qui sont aussi seuls incontestés dans l’Eglise de Dieu qui est sous le ciel, d’abord a été écrit celui qui est selon Matthieu, première¬ment publicain, puis apôtre de Jésus Christ : il l’a édité pour les croyants venus du Judaïsme, et composé en langue hébraïque. Le second est celui selon Marc qui l’a fait comme Pierre le lui avait indiqué : celui-ci d’ailleurs le déclara son fils dans son Epître catholique, où il dit « L’Eglise élue, qui est à Babylone vous salue, ainsi que Marc mon fils ».
« Et le troisième est l’Evangile selon Luc, celui qui a été loué par Paul et composé pour les croyants venus de la gentilité. Après tous, l’Evan¬gile selon Jean. »

Dans les Commentaires sur l’Evangile selon Jean, il dit :

« Que faut-il dire de celui qui a reposé sur la poitrine de Jésus, de Jean, qui a laissé un Evangile, en déclarant pouvoir faire plus de livres que le monde ne pourrait en contenir, et qui a aussi écrit l’Apocalypse, où il reçoit l’ordre de se taire et de ne pas écrire la voix des sept tonnerres ? Il a laissé aussi une Epître, de très peu de lignes, et peut-être une deuxième et une troisième … » (Eusèbe : Hist. Eccl. VI.XXV. 4-6).

Eusèbe enfin, né vers 265 à Césarée de Palestine, a été évêque de cette ville en 313. Il a recueilli l’enseignement d’Origène dont il a été le disciple. Il a écrit aussi son « Histoire ecclésiastique », 9 volumes, recueil précieux de tous les témoignages apostoliques des premiers siècles.

A propos de saint Jean il dit :

« En ces temps-là, demeurait encore en vie, en Asie, celui qu’aimait Jésus, Jean, à la fois apôtre et évangéliste, qui gouvernait les Eglises de ce pays, après être revenu, à la mort de Domitien, de l’île où il avait été exilé (III.XXIII.I). »
« Et maintenant, indiquons les écrits incontestés de cet apôtre. Et tout d’abord il faut certainement recevoir l’Evangile selon Jean qui est reconnu par toutes les Eglises sous le ciel. C’est à juste titre qu’il a été placé par les anciens au quatrième rang après les trois autres, comme il est évident par ce qui suit. Les hommes inspirés et vraiment dignes de Dieu, je dis les apôtres du Christ, ont été extrêmement purifiés dans leur vie et ont orné leurs âmes de toute vertu ; mais ils connaissaient mal la langue : c’est par la puissance divine et capable de prodiges qui leur avait été accordée par le Sauveur qu’ils étaient forts ; ils ne savaient pas expliquer les enseignements du Maître par la persuasion et l’art des discours, et ils ne l’essayaient même pas. Seules la démonstration de l’Esprit divin qui collaborait avec eux et la puissance thaumaturgique du Christ qui agissait par eux, leur étaient utiles. » (III.XXIV.1.3)

Fr Joseph

Quelques témoignages anciens sur Saint Jean et le quatrième évangile

Les plus anciens témoignages sur l’apôtre Jean nous viennent de PAPIAS et de POLYCARPE, par l’intermédiaire d’IRENEE.

Papias a été évêque de Hiérapolis en Phrygie, Asie Mineure, où il est mort vers 120-130. D’après IRENEE, il était « lui aussi auditeur de JEAN et compagnon de POLYCARPE » (Eusèbe, Hist. Eccl. III.XXXIX.I). Il avait composé une « Explication des sentences du Seigneur », en cinq livres. Voici ce qu’il dit lui-même dans la Préface :
« Pour toi, je n’hésiterai pas à ajouter à mes explications ce que j’ai bien appris autrefois des presbytres et dont j’ai bien gardé le souvenir, afin d’en fortifier la vérité. Car je ne me plaisais pas auprès de ceux qui parlent beaucoup, comme le font la plupart, mais auprès de ceux qui enseignent la vérité ; je ne me plaisais pas non plus auprès de ceux qui font mémoire de commandements étrangers, mais auprès de ceux qui rappellent les commandements donnés par le Seigneur à la foi et nés de la vérité elle-même. Si quelque part venait quelqu’un qui avait été dans la compagnie des presbytres, je m’infor¬mais des paroles des presbytres : ce qu’ont dit André ou Pierre ou Thomas, ou Jacques ou Jean, ou Matthieu, ou quelque autre des disciples du Seigneur ; et ce que disent Aristion et le presbytre Jean, disciples du Seigneur. Je ne pen¬sais pas que les choses qui proviennent des livres ne fussent aussi utiles que ce qui vient d’une parole vivante et durable. »

Polycarpe a été évêque de Smyrne. Il est né vers 70 ap. J.C. et mort martyr à l’âge de 86 ans, vers 156. Il est l’un des derniers témoins de l’âge apostolique. Il avait connu saint Jean et avait été établi évêque par les apôtres (d’après Irénée), par S. Jean lui-même, (d’après Tertullien). Voici ce que dit de lui Irénée, qui a été son disciple vers 140, dans une lettre à son ami Florinus :
« Je l’ai vu en effet, quand j’étais encore enfant, dans l’Asie Inférieure, auprès de Polycarpe ; tu brillais à la cour impériale et tu t’ef-forçais d’avoir bonne réputation auprès de lui. Car je me souviens mieux des choses de ce temps-là que des événements récents. En effet les connaissances acquises dès l’enfance grandissent avec l’âme et s’unissent à elle, de telle sorte que je puis dire l’endroit où s’assoyait le bienheureux Polycarpe pour parler, comment il entrait et sortait, sa façon de vivre, son aspect physique, les entretiens qu’il tenait devant la foule, comment il rapportait ses rela¬tions avec Jean et avec les autres qui avaient vu le Seigneur, comment il rap¬pelait leurs paroles et les choses qu’il leur avait entendu dire au sujet du Seigneur, de ses miracles, de son enseignement, comment Polycarpe, après avoir reçu tout cela des témoins oculaires de la vie du Verbe, le rapportait conformément aux Ecritures. » (cité par Eusèbe, Hist. Eccl. V. 20, 6).

Saint Irénée, qui était lui aussi originaire d’Asie Mineure, comme les deux précédents dont il rapporte le témoignage, est venu en Gaule avec les premiers missionnaires chrétiens. Il était né vers 120 et a été le disciple de Polycarpe. D’abord, il a été prêtre à Lyon sous l’évêque Pothin qui est mort martyr au cours des persécutions. Irénée devait alors être en voyage à Rome. A son retour à Lyon il a été nommé évêque de cette ville. Il est mort vers 202-203, après avoir laissé des écrits qui font de lui un des plus grands théologiens du deuxième siècle. Dans un de ces écrits, il apporte ce témoignage au sujet des Evangiles :
« Matthieu donc publia chez les Hébreux et dans leur propre langue un Évangile écrit, alors que Pierre et Paul annonçaient la bonne nouvelle à Rome et posaient les fondements de l’Eglise. Ensuite après leur départ, Marc, disciple et interprète de Pierre, nous a transmis lui aussi par écrit ce qui avait été prêché par Pierre. Quant à Luc, le compagnon de Paul, il a mis dans un livre l’Evangile prêché par celui-ci. Enfin Jean, le disciple du Seigneur, celui-là même qui a reposé sur sa poitrine, a publié lui aussi l’Evangile, tandis qu’il vivait à Ephèse, en Asie. » (cité par Eusèbe, Hist. Eccl. V. 8, 1-4)

Fr Joseph

Saint Jean Chapitre 17 : Partie 2/2

La prière de Jésus (suite)

Le pendant du prologue

Cette prière rappelle le prologue, elle donne l’impression d’en être le pendant, comme si la fin faisait symétrie avec le début. En effet, le Christ ici :
• annonce qu’il retourne chez le Père (dans le Prologue, il venait de chez Dieu)
• il rend compte au Père de l’accomplissement de sa mission (le Prologue disait qu’elle avait pour but d’engendrer des enfants de Dieu)
• il explicite ce qui était dit de manière condensé dans le Prologue, comme on va le constater dans le contenu des 2 textes, mis en regard dans le schéma suivant.

Condensé du Prologue

  1. Le Verbe en Dieu (v. 1-2)
    le Fils dans le sein du Père (18)


  1. …ses dons de Lumière
    et de Vie (4.5.9)

  1. …l’opposition des ténèbres, la méconnaissance et le refus du monde (10-11)
  1. Deviennent enfants de Dieu ceux qui croient en son nom, qui croient que le Verbe s’est fait chair (12-13.14a)
  1. …ces enfants de Dieu contemplent sa Gloire de Fils unique (14b)
  1. …et bénéficient de la grâce en plénitude (16)

Répondant dans la prière sacerdotale

Le Fils quitte le monde et retourne au Père (11.13)
Qu’est-ce que être Fils dans le sein du Père ?

  • c’est y être depuis toujours avant la création (1.24)
  • c’est vivre avec le Père une unité parfaite (11.21-22)
  • c’est avoir avec lui une réciprocité d’avoir (10)
  • c’est se consacrer, se vouer au Père (19)
  • c’est tout recevoir du Père, tout accueillir comme un don :
    ->son amour (23.26)
    -> ses disciples (6.9.24)
    -> ses paroles (8.14)

Qu’est-ce que cette illumination donnée par le Fils ?

  • Il a manifesté, « fait connaître » le nom du Père,
    c’est à dire le cœur de sa personnalité, Père d’un Fils unique (6.26)
  • aux disciples il a donné la parole même du Père (14)

Qu’est-ce que cette Vie donnée par le Fils ?
c’est la vie éternelle, l’intimité avec le Père (2-3)

En quoi consiste cette haine du monde ?

  • le « monde » n’accepte pas ceux qui ne sont pas de son bord (14)
  • le « monde » ne « connaît » pas le Père, n’est pas intime avec lui (25)


Qu’est-ce que « croire en son nom » ?

  • c’est le « connaître » (être intime avec Jésus – 3)
  • c’est croire que ses paroles sont celles du Père (8)
  • c’est croire que Jésus est sorti du Père (8)
  • et que cette ‘sortie’ était un envoi du Père (8)

    Qu’est-ce que cette Gloire du Fils ?
  • c’est sa condition divine dans sa manifestation plénière, qu’il demande au Père de lui redonner (1)
  • cette Gloire n’est autre que celle du Père (1)
  • c’est la relation filiale spécifique de Fils unique (1) (ton fils / et le duo « toi – moi »)

    Qu’est-ce que cette « plénitude de grâce », sinon être fils nous aussi. Et qu’est-ce donc être fils ?
  • c’est être pris dans le même mouvement et la même relation d’amour (23.26) et d’unité (11.21-22) qui relient le Père et le Fils.
  • c’est être sous la garde du Père et du Fils (11-12.15)
  • c’est être consacré, voué à Dieu (16.19) comme Jésus
  • c’est être envoyé, comme Jésus (18)
  • c’est être promis à la gloire du Fils unique (24)
  • c’est être envahi par la plénitude de sa joie (13).

    Fr Joseph

Saint Jean Chapitre 17 : Partie 1/2

La Prière de Jésus

Pourquoi l’appelle-t-on la « Prière Sacerdotale » ?

Cette prière est celle de Jésus en tant que prêtre, c’est à dire en tant qu’il est intercesseur, et en tant qu’il rend grâce :
1. L’intercesseur, c’est celui qui se place entre les deux parties et, donc, qui fait le lien. Jésus est le médiateur car il est :
➡️ Solidaire de Dieu son Père ( il y a toujours eu ceci et ceci entre toi et moi )
➡️ et solidaire des hommes ( il y a eu la même chose entre moi et eux ).
Jésus peut donc porter les hommes vers Dieu son Père, les lui présenter ( Père, fais qu’il y ait tout cela entre toi, moi et eux)
2. Il rend grâce : il « rend », c’est à dire qu’il restitue tout au Père, il reconnaît que le Père est l’auteur et l’origine de tout, d’où ce mouvement de gratitude.

Une prière « intemporelle »

En ce sens qu’elle ne correspond pas au moment précis, à l’heure historique où elle est censée avoir été prononcée, à savoir le soir de la Cène, avant de quitter le Cénacle.
Par endroits, Jésus y parle en se situant avant sa Passion.
En d’autres, plus nombreux, comme si c’était après sa résurrection.

Témoins les passages suivants :
➡️ Versets 11-12, Jésus dit qu’il n’est déjà plus de ce monde ;
➡️ Versets 22-24, qu’il a déjà reçu sa gloire ;
➡️ Versets 6-8.25, que ses disciples sont parvenus à la foi parfaite ( pas avant la passion et la résurrection) ;
➡️ Versets 14-18 qu’ils ont commencé leur mission dans le monde ;
➡️ Verset 22 qu’il leur a communiqué sa gloire.

Bref, on se trouve plutôt dans une sorte de présent « éternel », d’après la résurrection, et Jésus donne l’impression de parler comme s’il était déjà auprès du père, comme intercesseur.

Un condensé du vocabulaire johannique
➡️ Heure : l’heure du mystère pascal vu globalement, dont les différents moments (Passion, mort, Résurrection, ascension) sont vus comme un tout.
➡️ Gloire, glorifier, glorification : pas la majesté, les honneurs et la puissance, mais pour Dieu, c’est l’éclat fascinant de son vrai visage de Père ; pour Jésus, c’est sa condition divine.
➡️ Chair : 1 : soit la créature dans son aspect de finitude et de fragilité
2 : soit une mentalité de refus de la lumière.
➡️ Vie éternelle : non seulement le ciel, après la résurrection, mais dès ici-bas, l’intimité filiale avec Dieu Trinité.
➡️ Nom : la personne dans ce qu’elle a de plus intime et de plus distinctif (Dieu en tant Père du Fils unique, Jésus Christ).
Monde : la création, le genre humain, l’univers créé mais aussi une mentalité collective de refus de la lumière.
➡️ Saint : mis à part pour relever désormais du domaine de Dieu.
➡️ Sanctifier, consacrer : mettre à part pour Dieu, vouer à Dieu.
➡️ Connaître : être en intimité avec et non pas « savoir, comprendre » au sens intellectuel.


Les trois moments de cette prière

1. Jésus demande au Père sa propre glorification (1-8)
2. Il intercède pour les Apôtres groupés autour de lui (9-19)
3. Il intercède pour toute l’Eglise à venir (20-26)

Fr Joseph

Saint Jean Chapitre 1, 1-18

Prologue de Jean
Suite et fin

14 ➡️ • C’est l’étape précise de l’incarnation : le Verbe s’est fait chair, et il est venu « planter sa tente » parmi les hommes, si bien que la gloire divine qui remplit le Fils unique, bien plus réellement qu’autrefois la « Tente du témoignage », est devenue visible : c’était une Gloire toute d’amour inlassable et gratuit.
• La « chair » dans la Bible désigne la condition humaine dans sa faiblesse naturelle, ses limites, sa précarité. La créature n’est pas Dieu, qui, lui, est infini.
• Le Verbe a « planté sa tente » (demeuré) chez nous. Dieu avait voulu « demeurer » chez son peuple. Ce furent :
1. Le tente de l’hébreu nomade (Ex. 25, 8 ; 29, 42-46 ; Lv. 26, 11 ; Nb. 35, 34). Dieu y a sa ‘demeure’, et il y vient dans la nuée et la gloire (Ex. 40, 34).
2. Ce fut ensuite le Temple de Jérusalem (1R. 8, 10-13).
3. Et aussi sa présence dans la Loi, organe de sa Sagesse (Sir. 24, 8-12.23 ; Ba. 3, 36 ; 4, 1-4). Mais la Tente, le Temple et la Loi n’étaient qu’une préfiguration du Verbe incarné, véritable habitation de Dieu parmi nous.

• La « Gloire » dans la Bible, c’est l’éclat fascinant de l’être divin, de sa puissance, mais aussi de sa sainteté, de sa pureté, de son être intime qui est l’amour. « Qui me voit, voit le Père ».
• « Plein de grâce et de vérité ». Dieu lui-même s’était donné ce titre au Sinaï, en se désignant à Moïse comme « Dieu de tendresse et de pitié… riche en grâce et en fidélité » (Ex. 34, 6). La gloire du Fils unique est donc une plénitude d’amour miséricordieux et fidèle.

15 ➡️ • Nouvelle insertion sur Jean-Baptiste, qui est, selon notre schéma, tout à fait symétrique de la première.
• « Avant moi il était… » (cf. « Avant qu’Abraham fût, je suis »). Jean-Baptiste s’efface devant celui qui le précédait de toute éternité.

16 ➡️ • « Oui, de sa plénitude nous avons tous reçu » Le Verbe est venu pour nous faire bénéficier de cette plénitude, c’est-à-dire de cet amour gratuit qui se déverse, inépuisable, sur tous ceux qui ont foi « en son nom ».
• « … et grâce après grâce », c’est à dire une grâce de plus en plus abondante. A la grâce de l’AT (la Loi de sainteté donnée à Moïse), va succéder la grâce qui prend chair, le Christ. Jean nous fait déjà pressentir le verset suivant.

17 ➡️ • Moïse … Jésus Christ, ces 2 noms représentent les 2 Alliances.
• Déjà la Loi donnée par l’intermédiaire de Moïse était un signe de l’amour gratuit de Dieu pour son peuple : grâce à elle Israël possédait en quelque sorte le code du salut.
• Mais la grâce suprême, l’amour gratuit qui se livre pleinement et sans retour, c’est Jésus Christ qui en est la personnification.

18 ➡️ • « Personne n’a jamais vu Dieu… » Ni Moïse, ni Elie n’avaient pu voir la face de Dieu, malgré leur prière (Ex. 33, 18-34 ; 1R. 19, 11-13). Seul Celui qui repose dans le sein du Père l’a vu et le voit.
• « le sein du Père » du verset 18 est le parfait symétrique de « auprès de Dieu… en Dieu » du verset 1. Le titre de Fils remplace maintenant celui de Verbe.
• C’est le Fils unique qui désormais nous « dévoile » Dieu, nous le « parle », nous l’exprime, nous le raconte, nous l’explique, nous le traduit par toute sa parole et par tous ses gestes. L’Evangile sera cette révélation, ce dévoilement du Père. Non seulement par les discours de Jésus, mais par sa manière d’être et ses actes qui seront eux aussi la traduction vivante de l’être même du Père. Et la pointe extrême de cette traduction vivante sera le don que le Fils fait de sa vie, exprimant ainsi par sa mort jusqu’où va l’amour du Père. « « Qui me voit, voit le Père » (14, 9).

Conclusion

Tel est le trajet de la « Parole » dans le Prologue, qui ne revient pas vers Dieu sans avoir fécondé la terre, selon la prophétie d’Isaïe 55, 10-11. De fait, des enfants de Dieu ont germé de la terre. C’est le centre et la pointe du prologue (v. 12-13).

Remarquons enfin que le Prologue ne parle que de « venue » du Verbe (v. 11) et non pas de retour. Ce retour, le Verbe en parlera lui-même, en tant que Verbe-incarné, en tant que Jésus Christ, au chapitre 17 de Jean, à « l’heure de passer de ce monde à son Père ». Ce sera l’objet de la « prière sacerdotale ».

Frère Joseph

Saint Jean Chapitre 1, 1-18 (Suite)

Prologue de Jean : Analyse des versets,
1ère partie

1-2 ➡️ Jean identifie le Verbe, le logos, à la Parole créatrice : « Au commencement… » (Gn. 1, 1)
– Le Verbe, tout en étant Dieu de toute éternité, s’en distingue. C’est déjà le fondement de la théologie trinitaire.

3 ➡️ Raccourci de toute l’œuvre créatrice, qui se fait par la médiation du Verbe.

4 ➡️ Les 2 grands thèmes de l’évangile de Jean : la Vie (3, 15-16 ; 4, 10-14 ; 5, 21-29. 39-40 ; 6, 27-58), et la Lumière (3, 19-21 ; 8, 12 ; 9 ; 12, 35-36.46). C’est déjà de Jésus qu’il s’agit.
– Cette Vie est à la fois physique et spirituelle, puisque Dieu est à la source de l’une et de l’autre.
De même la Lumière : elle au sens physique le milieu nécessaire au maintien et à la croissance de la vie ; mais en revanche, c’est grâce à la Vie divine qu’il y aura illumination.
– Nous trouvons ce lien Vie / Lumière dans le psaume 36, 10 : « En toi est la source de la vie, par ta lumière nous voyons la lumière ».

5 ➡️ Opposition Lumière / Ténèbres. Les ténèbres, c’est tout ce qui s’oppose à Jésus (3, 19 ; 8, 12 ; 12, 35 ; 13, 30).

6-8 ➡️ Ces versets sur Jean-Baptiste, qui interrompent le développement sur le Verbe et sa venue, furent probablement rajoutés dans une 2° rédaction. Si on les déplace pour les mettre juste avant le verset 19, ils forment un excellent début à cette section sur Jean-Baptiste.
– Une 2° rédaction a inséré ici ces versets probablement comme une pointe contre les « Baptistes » qui tenaient leur maître pour supérieur à Jésus. Toutefois l’évangéliste Jean tient à faire apparaître le précurseur comme le grand témoin humain du Christ, celui qui résumait en sa personne toutes les annonces prophétiques du Christ dans l’AT.

9 Comme la Sagesse qui avait reçu mission d’illuminer tous les hommes, ainsi le Verbe est capable d’inspirer tout homme, même s’il ne connaît pas Jésus. Témoin de cela Jésus lui-même qui dit : « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail… » (10, 16).

10 ➡️ La Parole-Sagesse se trouvait inscrite dans la création, or les païens n’ont pas su lire Dieu dans sa création. Elle était dans leur conscience et leur raison, mais ils n’ont pas suivi leur conscience et leur raison. C’est une allusion à la Loi Naturelle.

11 ➡️ « … chez les siens » : c’est à dire dans le peuple juif qui a été infidèle à la loi et aux prophètes.

12-13 ➡️ C’est la pointe du prologue : le Verbe vient dans le monde pour susciter des enfants de Dieu.
Nous ne sommes pas encore au moment où le Verbe s’incarne. saint Jean vient de constater que, avant l’arrivée du Christ, les « siens » (le peuple juif dans son ensemble), pas plus que les païens dans leur ensemble, ne se sont ouvert à l’illumination du « Logos ».
Le refus du Logos par les hommes aurait-il été universel ? le verset 12 montre qu’il n’en est rien : il y a eu des hommes qui ont fait bon accueil au Logos.
De qui s’agit-il ? D’abord, en Israël lui-même, de tous les « justes » que l’on a appelé le « petit reste » fidèle, les prophètes et les saints qui ont une foi ouverte et pure. Mais aussi des païens qui, en raison de leur conscience droite et de leur générosité, sont déjà d’une certaine manière des « enfants de Dieu ».
A tous ceux-là, qui déjà lui sont accueillants, le Verbe accorde la grâce d’une nouvelle naissance toute différente de la naissance charnelle (cf. entretien avec Nicodème 3, 3). C’est le don suprême, la filiation divine dont saint Jean ne cessera de s’émerveiller (cf. 1Jn. 3, 1-2)

Fr Joseph

Saint Jean Chapitre 1, 1-18 (suite)

Le « Logos » (le Verbe) = la Parole + la Sagesse

➡️ ‘Logos’, dans le grec de l’époque de Jean, veut dire : parole, pensée, raison, intelligence.
Mais Jean trouve dans ce mot de quoi synthétiser 2 notions capitales de l’AT, à savoir celle de la parole et celle de la sagesse, qui tendent parfois à être personnifiées :
La parole de Dieu est performative, c’est à dire qu’elle accomplie ce qu’elle énonce : « Dieu dit… et cela fut ». Cela ne concerne pas uniquement la création, mais toute l’histoire du salut. Et l’on voit cette « parole-action », personnifiée poétiquement par Isaïe en 55, 11, et suivant le même parallélisme inversé que celui du Verbe dans le Prologue : « Comme la pluie et la neige descendent des cieux et n’y remontent pas sans avoir arrosé la terre et l’avoir fécondé, de même la Parole qui sort de ma bouche ne revient pas vers moi sans résultat, sans avoir fait ce que je voulais et réussi sa mission. »
Or, si Moïse et les prophètes disent toujours « Parole de YHWH ! » comme n’étant pas la leur, Jésus, lui, apparaît comme la parole même de Dieu (« Aucun homme n’a parlé comme lui » 7, 46).
Pour Jean, une telle puissance de la parole, une telle efficacité dans la création et la rédemption ne pouvaient être personnifiées que dans le Christ.

➡️ La Sagesse dans la Bible, c’est l’intelligence et l’amour. Dès que Dieu réalise, c’est beau.
Quand Dieu opère la création, il fait une œuvre de « sagesse » (à la fois de génie, de beauté, d’ordonnance, d’intelligence… et à la fois source d’illumination pour tout homme, car tout homme peut déchiffrer dans la Création, la signature du Créateur).
Et quand Dieu déclenche l’histoire du salut qui aboutit à la Rédemption, sa « sagesse » révèle son côté amour. Car cette sagesse salvifique est essentiellement bienfaitrice : elle est « arbre de vie » (la Loi), providence qui dirige l’histoire, distributrice de tous les biens (vie et bonheur, sécurité, grâce et gloire, richesse et justice, intimité avec Dieu).

Or, comme précédemment pour la ‘Parole’, on voit la Sagesse personnifiée poétiquement elle aussi en Pr. 8, 22-31 et par Ben Sira (24, 2-29) : descendant d’auprès de Dieu et « plantant sa tente » chez les hommes, exactement comme le Verbe dans le prologue.

On comprend que, pour Jean, seul le Christ pouvait personnifier réellement cette Sagesse, faite de tant de beauté et de bonté.

Fr Joseph